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dimanche 09 mars 2014

(re)Sourire

Quand elle est entrée dans la rame et s'est assise en face de moi, j'avais le sourire aux lèvres après avoir lu le texto d'un proche... Le sourire est resté même si son visage m'a choquée. Elle avait dû être gravement brûlée, et elle en a gardé des cicatrices importantes : joues, front, nez, menton... En quelques secondes j'ai réalisé qu'elle portait son drame sur elle, en permanence.

Alors elle a sorti son téléphone de sa poche. Elle a appelé. Au cours de la discussion, dans un sabir joyeusement accentué, au fil des stations, sa figure s'est éclairée, peu à peu... Jusqu'à terminer en éclat de rire ! Et j'ai compris... Compris que ce qu'elle portait sur elle, ces marques qu'elle ne pouvait pas enlever, ce n'était pas une fatalité !

Elle est sortie, vers une correspondance, un autre métro... Je ne la connais pas, on ne s'est rien dit, nos yeux se sont à peine croisés... Et en quelques instants, elle m'a rappelé qu'il suffit d'un sourire pour tout illuminer. Merci :-)

dimanche 24 janvier 2010

... détresse à ma porte.

Robert faisait partie de l'administration, lorsque le Zaïre ne s'appelait pas encore République Démocratique (!) du Congo. Il gagnait plutôt bien sa vie, et avait mis en place une formation pour hôtesses de l'air et stewarts, une des rares du pays. Oui, mais voilà : il faisait partie du régime mis en place sous Mobutu. Lorsque celui-ci a été destitué, Robert a été emprisonné, torturé pour qu'il dise où se trouvait la fortune amassée par l'ancien dictateur. Comment pouvait-il le savoir ? Un jour, il ne sait comment, il a réussi à s'échapper de sa prison. De là, il parvint à s'embarquer pour la France, où il demanda l'asile. Seul. Plus de femme, d'enfant, impossible d'avoir des nouvelles. Depuis, selon toutes probabilités et le peu d'informations qu'il peut glaner, sa femme est décédée, certains de ses enfants ont pu s'installer. Le peu de revenu qu'il touche, il le partage avec ceux dont il a gardé contact "au pays" ; pour vivre, lui se contente d'une toute petite chambre de moins de 10m² dans un foyer.

Alors, il y a une semaine, quand Robert a eu un malaise, c'est la goutte qui a fait déborder le vase. Le malaise, ce n'est pas très grave ; le problème, c'est qu'il se trouvait dans un escalator. Une mauvaise chute qui lui a fracassé la mâchoire. Évidemment, il n'a pas de Sécurité Sociale. Jusqu'il y a quelque temps, il bénéficiait de la CMU ; ce n'est plus le cas depuis qu'il a l'âge d'être en retraite : changement de statut, difficultés administratives, problème de traitement du dossier par l'assistante sociale... Par trois fois, il a été opéré ; il n'ose plus se montrer en communauté, car il est défiguré. La souffrance, les complications administratives, ses conditions de vie, tout cela lui sape grandement le moral. Que faire ? La paroisse mobilise ses compétences, mais cela prend du temps, et les solutions sont loin d'être faciles à trouver...

Je ne connaissais pas beaucoup plus Jean-Paul que je ne connais Robert. Cela faisait plus de trente ans qu'il était dans la paroisse réformée, alors que je ne suis là que depuis dix-huit mois... Comme beaucoup d'hommes, il était plutôt secret ; il agissait davantage qu'il ne parlait. Mais ses yeux pétillaient et il avait toujours le sourire, une façon de dire bonjour qui donnait envie de rire et de discuter... Il a fait partie des instances dirigeantes des scouts unionistes ; du conseil presbytéral ; il était prédicateur laïc et il aimait ça. Depuis quelque temps il avait ralenti son activité : son coeur fatigué ne lui permettait plus d'en faire autant qu'avant. Cependant, s'il souffrait, il en montrait le moins possible, y compris à sa femme ou à ses enfants.

Et ce fut foudroyant : lorsque, ne pouvant plus cacher son état, il fut admis aux urgences, il succombait quelques heures plus tard à un arrêt cardiaque. Sa femme, ses enfants, mais aussi l'ensemble de la communauté est sous le choc. C'est toujours brutal, de voir une vie s'arrêter ainsi en chemin. On n'ose pas croire à la mauvaise nouvelle, on se dit qu'on l'a vu la veille ou deux jours auparavant, tout allait bien, c'est impossible... Et pourtant. Le vide est là. Froid. Pesant. Mais aussi signe de résurrection : n'est ce pas l'image du tombeau vide qui annonce la joie de Pâques ? A Dieu, Jean-Paul. De là-haut, prie pour qu'on ait le courage de continuer tes actions !