Dans la jungle urbaine, le jour n'est pas encore levé. Le froid mordant du petit matin s'ajoute à la lueur blafarde du ciel pour miner le moral des troupes, en route vers leur lieu de travail.

Casque sur (ou dans) les oreilles ou livre à la main, emmitoufflé avec soin, chacun a sa stratégie pour tuer le temps, prenant son mal en patience sur le quai gris et balayé de rafales de vent. De temps en temps, les yeux se lèvent pour consulter l'heure, et les minutes restantes à attendre le prochain train... Soudain, l'affichage se modifie, annonçant un retard du prochain transport.

C'est une véritable guerre psychologique. Pas de bruit, pas de sang, pas de coup de feu. Tout se passe en silence. Chaque guerrier est solitaire dans son but mais tous sont solidaires dans l'action : il faut que le train arrive. Les chiffres défilent, blancs sur fond bleu, et chaque changement marque un point dans le combat : une minute de plus, et la pression monte, les souffles sont retenus, les exclamations de colère à peine étouffées. Une minute de moins, c'est un soupir de soulagement, le regard plus clair, les mouvements de tête qui se font plus détendus.

Jusqu'à ce que la ligne sur l'écran clignote : le train a passé le capteur de proximité. Alors ces soldats de quelques minutes s'alignent, docilement, sur le bord du quai. La rame s'immobilise, les groupes se pressent contre les portes, entrent. En quelques secondes tout le monde est entré. Une victoire assurée, la journée s'annonce belle.