Paris, 18h, fin d'une journée de travail ordinaire, sur le quai d'une station de RER. Je monte dans un train, cherche une place, m'assois. La journée a été longue et la fatigue me gagne, je vais m'assoupir quand j'entends crier à l'extérieur. Je relève la tête et cherche à voir d'où et de qui proviennent ces cris.
C'est un jeune homme noir qui apparait bientôt à la porte du wagon où je me trouve. Qu'a-t-il de particulier ? Baskets, jean, sweat-shirt, casquette, rien ne le différencie d'un jeune adulte quelconque, si ce n'est son discours, et le volume sonore qu'il y met. Debout au centre de la voiture, on n'entend plus que lui. En a-t-il après quelqu'un ? Cherche-t-il noise ? Non. Est-il ivre, de boisson, de colère ? Cela ne semble pas être le cas. Simplement, il crie ses convictions à qui veut bien l'entendre : "Ecoutez, Jésus est venu pour nous ! Il nous a montré comment aimer..."
Dans le wagon, les réactions - silencieuses, comme pour répondre à un extrême par l'effet opposé - ne se font pas attendre. Deux femmes qui faisaient mine de s'avancer pour occuper les strapontins jouxtant la porte se sont figées dans leur élan et restent à distance respectueuse. Les regards, d'abord curieux de voir ce qui provoquait ces décibels inattendus, se détournent, plongent dans un journal, un livre, se prennent d'un attrait soudain pour les panneaux publicitaires de la station... Les mines gênées, voire renfrognées, puis franchement agacées apparaissent sur les visages.
Mais personne ne pipe mot, et le prédicateur improvisé continue son laïus pendant plusieurs minutes : "Changez maintenant ! Vous ne savez pas quand vous allez mourir, peut-être dans dix ans, peut-être dans un mois, ou bien tout à l'heure ! Qui va te sauver ? C'est ton argent qui va te sauver après ta mort ?" J'entends des soupirs énervés, ou compatissants peut-être ? Je souris. Pour moi, les mots sonnent juste... Je me dis que cet homme a du cran, un culot que je n'ai pas, pour évangéliser ainsi. Est-ce cela, "l'évangélisation de rue" ?
Il conclut sur un "N'oublie pas : Jésus t'aime !" tonitruant, et repart sur le quai, aussi vite qu'il était entré, juste avant que la sonnerie retentisse, annonçant la fermeture des portes. Quelques voix saluent son bref prêche par "Dieu est grand", "Inch Allah". Je murmure "Amen" sans me départir de mon sourire béat. Je garderai à l'esprit cette foi simple et sans détour, cette force des humbles par laquelle Dieu nous parle... Merci à toi !