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vendredi 29 juillet 2016

Rencontre

C'était au bureau. Le contexte n'était pas simple, le projet "challenging", "piloté par les délais"... J'étais développeur sur le projet. Elle faisait de la gestion de projet, autrement dit, à la fois la surveillance de l'avancement et "l'huile dans les rouages" quand il y a des problèmes. De fil en aiguille, de réunions en cafés, les discussions se sont élargies, du travail à la pratique de la conduite sur circuit, puis à notre foi... Nous avons découvert mutuellement nos chemins, nos éducations, nos habitudes, nos coutumes...

La foi est une intimité. C'est sans doute pour cela que les croyants sincères ressentent souvent une fraternité instinctive les uns pour les autres, même s'ils ne la comprennent pas, ou la perçoivent confusément... Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle certains athées peuvent percevoir la foi comme une exclusion : de fait, c'est une logique, de rites, de pratiques, de pensées dont ils ne font pas partie...

Nous avons partagé nos convictions. Nous avons réalisé qu'au delà de vivre notre foi, nous avions commencé une démarche de recherche similaire : une licence de théologie... Nous avons peu partagé sur le contenu des cours, peu importe, c'est le chemin qui compte... Qui nous rend plus proches que beaucoup d'autres autour de nous...

Pourquoi écrire aujourd'hui ? Il s'agit de rencontre comme j'ai pu en faire d'autres dans mon parcours théologique, universitaire, religieux...

Mais aujourd'hui, la saveur est différente. Nada est jeune et militante, pétillante et compétente, amoureuse et divorcée, croyante et musulmane. Sous couvert de l'actualité terrifiante d'attentats, "on" voudrait nous opposer. Des proches s'opposent à son mariage à venir (avec un non-musulman), depuis le meurtre du prêtre il y a quelques jours. Elle est touchée et indignée par tous les commentaires qui somment les musulmans de s'élever "comme un seul homme" contre les attentats, ou qui demandent aux musulmans de "faire le ménage dans leurs rangs"...

Il y a dix-huit mois, suite à l'attentat contre Charlie-Hebdo, il m'est venu à l'esprit deux choses : "on va avoir droit à des lois liberticides" et "il faut protéger les musulmans". Je voulais me tromper. J'espérais que les politiques ne céderaient pas à la facilité du "tout-sécuritaire". Je souhaitais de tout coeur que la rancoeur ne se manifeste pas contre des croyants qui ont le tort d'avoir "la mauvaise foi"... Mais l'état d'urgence est toujours là, plus que jamais, et on se demande s'il va s'arrêter, un jour. Et les musulmans ont subi des attaques, sont la cible de tant de remarques désobligeantes... Le pire étant sans doute ceux qui clament bien fort "pas d'amalgame !" mais n'hésitent pas à généraliser telle ou telle anecdote...

Alors aujourd'hui, je ressens cette proximité avec Nada, d'autant plus fortement. Et non seulement je la ressens, mais je veux l'exprimer. Parce que nous avons une foi similaire, un mode de vie équivalent, des soucis comparables au quotidien... Nous nous ressemblons. Et ce n'est pas parce que notre foi s'exprime différemment que l'une vaut mieux que l'autre. J'espère continuer longtemps à cultiver notre amitié. C'est ma façon d'être humaniste, peut-être. C'est "ma part", pour reprendre l'histoire du colibri[1]... Parce que je ne veux pas que la haine puisse gagner les coeurs et les esprits.

Note

[1] Un jour, dit une légende amérindienne, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »

lundi 17 décembre 2012

Deo gratias !

Parce que je ne passe plus beaucoup (pas assez ?) de temps sur cet espace public qu'est mon blog... Mais que je pense souvent à vous, oui, toi qui me lis derrière ton écran, et que je prie pour toi...
Parce que le week end, les dernières semaines, furent riches en rencontres, en discussions, en chamboulements de mes certitudes, en découvertes...
Parce que j'aurais bien chanté encore une fois l'Alleluia de cette messe de gaudete, mais que c'était pas prévu, et que j'ai fait sourire l'assemblée en reprenant à pleine voix les premières syllabes !
Parce que j'ai du Matt Maher dans les oreilles...
Parce que j'ai encore réussi à boucler mes devoirs de théo, alors qu'il y a quatre heures, c'était pas gagné...
Parce que c'est l'Avent et que je regrette de ne pas avoir pris le temps de le faire "comme il faut"... Mais que ma fille me rappelle à l'ordre et me pousse à l'humilité et à (m')expliquer...
Parce que deux enfants ont été baptisés aujourd'hui, alleluia !
Parce que c'est le dimanche de la joie !
Parce que ça fait du bien de partager des chants de Taizé et d'écouter de l'orgue...
Parce que les enfants, ça bouge, ça secoue, ça fait plein de bêtises et ça s'illumine d'un seul sourire...
Parce qu'au coeur de la nuit, ça fait juste du bien...

Béni sois-tu, Seigneur !
Gloire te soit rendue !
Alleluia !

jeudi 21 juin 2012

Genève

Des rayonnages. Remplis de livres. Neufs, vieux, réparés, gros ou petits, colorés ou non, dans leurs étagères, autour des tables de travail. Et sur plusieurs étages, chacun correspondant à un domaine : théologie, philosophie, architecture, lettres, ... Sur une porte, une affiche : "le Paradis doit être une bibliothèque géante". Je souris. J'aime cette idée, des livres partout, pour tous... et les murmures qui les entourent. Une bibliothèque, souvent, c'est fait pour travailler... surtout dans une faculté ! Mais c'est fait pour rêver, aussi, voyager en esprit, rencontrer des gens tout en gardant les pieds sur terre...

La fenêtre est ouverte. Dehors, on entend des moineaux pépier, les enfants courir et rire, et puis des notes, piano et flûte, qui viennent du jardin. Le jardin de la faculté, avec au fond son mur monumental, où les quatre Réformateurs toisent les visiteurs de leur stature de géant, m'a toujours fait un effet particulier. En ce moment, pour la fête de la musique, des lumières de couleurs et un podium sont installés. Et un piano est à disposition de qui veut, sous un arbre centenaire. Cette faculté de quatre cent cinquante ans, en pleine ville, respire l'Histoire autant que la culture. De Calvin à l'art contemporain...

****

L'ambiance est particulière pour nous, qui venons à la faculté uniquement pour ces occasions particulières. Durant ces jours d'examen, le stress de l'épreuve, la peur de ne pas savoir répondre se mêlent à la joie de voir ou revoir réellement des camarades aperçus uniquement par webcam pendant un semestre. Nous nous sommes lus mutuellement, nous étudions les mêmes cours... ça rapproche ! Nous avons entre vingt et soixante ans, nous sommes de différentes villes de France et de Suisse, de milieux, métiers, expériences très différents... Durant quelques heures, avoir tout quitté pour plancher sur les mêmes questions crée de singuliers liens. Comme une parenthèse dans une vie de folie, une bulle où chacun peut imaginer une vie... autrement.

****

C'est un moment de paix. Il fait doux[1], la réserve de chocolats est achetée pour les collègues, la famille, les amis. Les examens sont passés, le stress retombe. Le train est là, je monte, trouve ma place. Je réfléchis à ce que je vais prendre pour le voyage. A l'aller, c'est facile, mon cours pour les ultimes révisions. Au retour, j'ai le droit à un peu de détente : cahier pour griffonner[2], pelotes pour crocheter, bouquin à savourer... Ou juste rien, les mains vides, la tête un peu lasse, le coeur en louange.

On démarre. Je me régale du paysage. Après la sortie de la ville, j'admire ces montagnes que j'aime et que j'aimerais explorer de nouveau. Les champs, aussi. Ici, les céréales sont bientôt prêtes à moissonner, le grain est presque doré, alors qu'en région parisienne il est encore vert. Le réseau de téléphone est toujours en Suisse, pour quelques minutes encore les messages et les appels sont limités. Les arbres moutonnent le long des pentes, les routes traversent les vallées sur des ponts d'une hauteur impressionnante. Quelques maisons sont accrochées, dans les pentes. Du vert, partout, de toutes les nuances. Et seulement quelques taches de rouge ou de gris ardoise... C'est juste joli. Reposant.

Notes

[1] Toujours plus doux qu'à Paris. C'est un constat récurrent. La proximité du lac, peut-être ?

[2] Ce billet bien sûr ! What else ? ;)

lundi 13 juin 2011

Ensemble, une fois par an...

De tous les horizons
de diverses nations
de tous les milieux
de chaque sensibilité
d'une multitude de langues...

Joie de se retrouver
un an après
endroit voisin, visages connus.

Prières d'espoir
pour tous ceux qui n'en n'ont plus
chants, accueil de l'Esprit
et une louange inattendue,
à pleine voix...

L'oecuménisme en action
de quoi garder en tête
que l'Esprit nous mène
source de nos unions
aujourd'hui, demain, à jamais.

dimanche 12 juin 2011

L'art de l'Esprit

J'aime quand il s'invite à l'improviste, et crée une complicité inattendue. Deux mille ans après, il sait toujours autant parler en langues ! ;) Plusieurs milliers de kilomètres de distance entre nos domiciles, mais un employeur commun. Un passage en France pour quelques mois, une découverte mutuelle, se laisser emporter par la curiosité de l'autre, chercher à se comprendre réciproquement, ne pas se décourager devant les barrières de langue, de culture, d'éducation...

Il m'incite à réfléchir quand il fait converger vie liturgique et études de théologie... A quelques jours de mon prochain examen de Nouveau Testament, les lectures du jour coïncident avec les textes que j'ai choisis il y a plusieurs mois. Etrange comme ce chemin se présente : chemin de foi, falaise escarpée, année liturgique, route du temps pascal...

Et lorsque je vois les rencontres, les échanges, les rapprochements... Je me dis que la Pentecôte, c'est aujourd'hui, et tous les jours !

lundi 14 février 2011

Un seul être...

Je ne connais pas son nom, pas davantage celui de son chien. De lui je ne sais que ce qu'il a bien voulu montrer à tous, ce que j'ai accepté d'y voir, aussi. Sa place, le long du mur nu de la "salle d'accès" du RER, en face des magasins, au même endroit au mètre près, tous les matins, quand j'arrive, avant huit heures. Parfois il ne fait pas trop froid, d'autres il pleut et l'humidité rend les températures hivernales plus difficiles à supporter ; parfois la neige couvre tout dehors, d'autres matins encore il gèle à pierre fendre et un vent coulis glacé se glisse au ras du sol... Mais toujours le manteau est fermé et le bonnet enfoncé jusqu'aux yeux ; la météo n'influe que sur la couverture dont il couvre ou non son compagnon de fortune[1]...

Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près…[2]

J'ai mis longtemps, trop longtemps, avant d'oser. Dans le flot, briser l'élan, contrer la force de la routine. C'est beaucoup moins évident qu'il n'y paraît, en fait, d'accepter de s'arrêter, de casser l'effet de groupe des gens pressés de rejoindre leur poste... Il faut chasser la brume matinale qui engourdit l'esprit et fait suivre comme un mouton[3]... Donner, c'est plus qu'une "simple" pièce, pour déculpabiliser un peu[4]. C'est voir l'homme sous le tas de chiffons, reconnaître un semblable malgré le dos courbé, les épreuves de la vie qui pèsent sur les épaules, le regard empli d'incertitude pour les heures à venir.

Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur… je crois qu’elle m’a apprivoisé…

Et chaque fois, cela ne manque pas. D'inexpressifs, les yeux s'éclairent ; le visage s'anime, le corps tout entier recroquevillé semble se détendre, un peu, le temps de lever la tête. Son regard croise le mien, un sourire échangé, un merci, "bonne journée"... Ces quelques secondes suffisent à me remplir le coeur de légèreté et de joie !

Parfois son chien aimerait jouer, il le retient d'une main, s'excusant d'un geste à peine esquissé de l'autre. Oserais-je dire que derrière le désarroi d'une situation dramatique, je pressens une personne raffinée, aimante, respectueuse de son prochain ? De matin en matin, de regard en sourire, le lien se fait...

Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret.

Quelquefois, il n'est pas là. Alors ma journée ne peut pas être la même... Est-il souffrant ? Ou bien a-t-il trouvé un foyer, l'espace d'une nuit ? Je ne peux qu'imaginer, et lui souhaiter de trouver un jour le petit quelque chose qui le remettra sur les rails... Une association, un travail, un ami, que sais-je...

Regardez le ciel. Demandez-vous : le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? Et vous verrez comme tout change…

Notes

[1] ou d'infortune, plutôt

[2] Citations : Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

[3] Il ne manque plus que les bêlements !

[4] Parce que si c'est juste pour déculpabiliser, comme ça, vite fait, ça ne marche pas...

lundi 10 janvier 2011

Déjeuner

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ![1]

Le délice des retrouvailles est partagé, le sourire complice à quelques pas, avant les paroles de bienvenue. Le ciel est clair, la température clémente pour ce mois de janvier, l'espace dégagé. L'esprit léger, nous choisissons notre menu ; ce midi, ce sera italien.

La chère est bonne, ce qui ne gâche rien. Nous profitons au maximum de notre temps ensemble, échangeant sur nos études, nos familles, notre travail, nos états d'âmes. J'ose espérer que mon verbiage lui apporte autant qu'elle me donne, car c'est une véritable richesse que ces instants passés en sa compagnie.

Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.[2]

L'heure tourne et déjà la course de la vie reprend le dessus. Régler l'addition, se promettre de recommencer, bientôt. S'embrasser, comme pour garder un peu de l'autre, se soutenir mutuellement. Un dernier sourire, et nos chemins se séparent.

Et la douceur de la rencontre reste. Merci, mon Dieu ! :)

Notes

[1] Alphonse de Lamartine, Le lac

[2] Loc. cit.

lundi 06 septembre 2010

Comme un vieil ami...

C'est comme retrouver un ami que l'on n'a pas vu depuis quelques années... Rien n'a changé, mais tout a changé. Les installations, à moitié solides, à moitié de toile, sont les mêmes, les chants résonnent familièrement. Dans l'église les lumières du chœur créent cette intimité douillette qui réchauffe le cœur[1]... Ca paraît plus petit, moins magique, comme un quelque chose d'indéfinissable.

Cinq ans déjà. Cinq ans que je n'avais pas retrouvé ce lieu, que je n'avais pas prié, à même le sol, au milieu, en communion avec tous ces gens... Cinq ans que je n'avais pas croisé les sourires, langue universelle dans cet espace extraordinairement bariolé, multilingue, et tellement fraternel. Cinq ans déjà que la violence s'est exprimée, de la manière la plus incompréhensible qui soit, et comme une crainte, avant d'arriver, que les choses n'y soient plus tout à fait les mêmes... Les cloches résonnent toujours de cette mélodie caractéristique, trois fois par jour. Tout a changé, mais rien n'a changé.

Tout a changé. J'ai grandi, et aujourd'hui je peux mettre des mots sur des sensations qui m'assaillaient hier. J'ai vu d'autres choses, rencontré d'autres gens, pour finalement me rendre compte que cet endroit, c'est chez moi. Ni catholique, ni orthodoxe, ni protestant, et un peu tout ça à la fois. Comme moi. Ceux qui viennent ici cherchent l'étranger, l'Autre, sortent de chez eux pour s'aventurer à la flamme de l'Amour. Je ne me sentais à ma place nulle part, sauf ici. J'y suis chez moi.

Rien n'a changé. Dieu est là, plus que jamais, et son Esprit souffle sur la colline. "Silence" disent les panneaux à l'entrée de l'église ou près de la source. Écoute... Écoute ton cœur, écoute sa mélodie, et le rythme de la Vie qui bat en toi. Tu entends, maintenant ? Chante, chante encore, laisse-toi pénétrer par ces paroles. Ferme les yeux. Chante encore, écoute la Parole... Tu sens, maintenant, comme il est près de toi ? Tout près de toi, un très bon ami... Toujours là.

Notes

[1] Oui, je sais, c'est un jeu de mot pourri. J'assume.

mardi 17 août 2010

La force d'un bébé

Métro parisien, ligne 13, vers le Nord, en fin de journée. La rame se dirige vers les banlieues aux noms, disons, lourds de sens : Saint Denis, Gennevilliers... Saint Denis ne signifie plus la cathédrale des rois de France, mais le symbole des "cités". Les gens sont bigarrés, divers comme peuvent l'être des passagers du métro, depuis l'ado rebelle jusqu'au cadre en costume, en passant par les jeans-pulls passe partout.

Une station, quelque part entre Montparnasse et Saint-Lazare. Les portes s'ouvrent, les voyageurs montent ou descendent, chacun suivant son propre chemin, concentré sur sa destination. Peu avant le signal sonore, un homme entre : il détonne clairement sur le reste de la population... Âgé, son seul maintien suffirait à le distinguer des autres. Il se tient très droit, "raide comme la justice", dit l'expression, dans ses souliers vernis. Très mince, il se veut impeccable dans son costume noir à fines rayures, pochette élégamment glissée dans la poche de sa veste boutonnée. Fin du fin, les boutons de manchettes brillent, tout comme l'épingle de cravate[1]. Toujours droit, il garde le regard haut, même lorsqu'il s'agit de s'accrocher fermement d'une main pour rester stable dans les soubresauts du train lancé à vive allure.

Nathalie, presque quatre ans, a du mal à rester en place. Elle a déjà supporté trois heures de voyage en TGV, est impatiente de rentrer à la maison... Pour passer le temps, elle approche de sa petite sœur, six mois, posée à même le sol du wagon dans son Cosi[2]. Elle lui parle, lui donne son jouet, fait le clown. Effet réussi : la petite éclate de rire. Surpris, les yeux de l'homme se baissent, voient le bébé... Un sourire se dessine, l'espace d'un instant, l'homme et le bébé partagent la même joie. Ce simple sourire transforme le voyageur : un cœur semble avoir émergé du robot policé par les règles de conduite.

Station Champs Elysées-Clémenceau. Le sourire a disparu, il descend. J'espère qu'il se souviendra, de temps en temps, du rire d'un bébé...

Petit bonhomme, j'aime entendre ce rire !
- Justement, ce sera mon cadeau...
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

Notes

[1] Était-ce réellement une épingle de cravate d'ailleurs ? Je n'ai jamais vu cet accessoire auparavant, quelque chose qui tient les deux rabats du col de chemise, passant sous le nœud de la cravate...

[2] NDLR, pour ceux qui ne sont pas parents : coque protectrice destinée au transport d'un bébé, notamment en voiture

samedi 07 août 2010

Rencontre nocturne

Un soir d'été en banlieue parisienne. L'air a fraîchi, le mois d'août approche et l'exode temporaire en des lieux de villégiature a vidé la ville d'une partie de ses habitants. La nuit est calme, même la lumière des lampadaires semble plus faible qu'à l'ordinaire, ne laissant deviner que des ombres.

Au guidon de mon vélo, je me glisse dans les rues figées, entre les voitures assoupies et les trottoirs vides. Rien ne bouge... Tiens, si : là, à quelques pas, une forme traverse la chaussée. Trop petit pour être un chat, trop trapu aussi... Un rat ? Cela ne me semble pas la bonne démarche. Et puis, un rat se déplace plutôt rapidement... et en souterrain davantage qu'à la surface. Pas le temps de l'identifier, le petit animal a déjà traversé la chaussée pour se faufiler dans une propriété.

Lorsque j'arrive à sa hauteur, j'ai juste le temps de l'apercevoir, avant qu'il ne se cache dans un buisson derrière le portail. Oh surprise ! Un museau pointu, un corps trapu, des piquants gris aux bouts blanchis : c'est un hérisson qui commence sa nuit...

mardi 08 juin 2010

Double face

17h. C'est la sortie des classes, en particulier d'un collège voisin. En balade avec ma fille, je suis sur le chemin du retour. Moment un peu électrique, les ados sortent et ont tendance à s'exprimer plus librement que dans le collège. C'est aussi dangereux : les parents en voiture se garent où ils peuvent, les ados traversent où ils le souhaitent, débordent des trottoirs...

Je croise les jeunes par groupes, certains sont surpris de me voir porter ma fille, face au monde. Leurs réactions traduisent leur âge : encore l'innocence de l'enfance dans leur étonnement, et déjà le jugement de l'adulte dans les commentaires qu'ils en font. Marion, elle, est heureuse de voir autant d'activité...

De loin, je repère une silhouette familière. Les cheveux blonds tombant dans les yeux, le t-shirt un peu large, sombre de préférence, il ne dépare pas de son groupe. Lui aussi semble avoir reconnu ma démarche particulière, et son regard devient tout à coup un peu gêné. On se croise, échange un "bonjour" à mi-voix. Rien de plus.

Et, il y a deux semaines, il était fier de terminer son caté ! Avec les autres confirmands, il a exprimé sa foi, avant de s'entendre dire "baptisé dans la paroisse de ton père, tu es confirmé dans la paroisse de ta mère...". il a été accueilli comme un adulte dans la foi par toute la communauté, réunie ce jour-là en plein air car le temple était trop petit !

L'adolescence est un âge de paradoxes... Dur, dur d'être fils de pasteurs !

samedi 05 juin 2010

Comment vivre l'oecuménisme ?

Quand on parle d'oecuménisme, il y a plusieurs aspects (et autant de définitions que de personnes qui en parlent, mais c'est une autre histoire). La théologie d'abord, qui considère les tenants et les aboutissants de la situation actuelle, qui analyse les défis, les enjeux de notre temps, les progrès déjà faits, pour essayer d'aller de l'avant, de faire un pas de plus sur un chemin vers l'unité. C'est ce qui s'enseigne en fac de théo, mais qui est sans doute aussi ardu à enseigner qu'à apprendre...

Et puis il y a la pratique. La "vraie vie"... Hier soir, dans ma paroisse, se rassemblait un groupe oecuménique, au sein duquel se trouvaient des catholiques, des anglicans, des réformés. Un chant pour se mettre en condition (physique et spirituelle), la lecture d'un texte de la Bible (en l'occurrence le psaume 42), une discussion (souvent animée, parfois contradictoire mais toujours intéressante), puis un moment de partage autour d'un repas. J'apprécie beaucoup ce groupe et l'esprit qui y règne. C'est ouvert, chaleureux, on s'y sent un peu comme chez soi, d'où qu'on vienne, car les sourires et l'écoute sont présents en permanence. La parole y est libre, loin d'une morale qui pourrait paraître surannée ou des contraintes du quotidien, très loin des querelles de chapelle et encore plus loin des points d'achoppement théologiques.

Mais... il y a un "mais". Ce groupe existe depuis plus de trente ans. Les mêmes habitués s'y retrouvent et se sont vus vieillir ensemble. La technique de partage autour d'un texte biblique a été éprouvée et approuvée. C'est sans doute ce qui en fait l'esprit "famille". Le seul bémol, c'est que les membres ont aujourd'hui pour la plupart plus de soixante ans. Ils ont vu, vécu Vatican II en direct, profité du vent d'oecuménisme et de fraternité qui a soufflé à ce moment. Ils se sont rendus compte que partager la Bible, discuter autour de ces textes fondateurs, c'était fonder les bases pour commencer un chemin côte à côte. Mais ce groupe est resté figé dans cette réalité. Aujourd'hui, il existe une autre situation : la mienne et celle de milliers d'autres couples mixtes ou d'enfants "mélanges". Les questions ne sont plus vraiment celle de partager un texte fondateur ; c'est désormais acquis. Les questions aujourd'hui dans les familles mixtes sont celles du mariage, du baptême, de l'éducation des enfants, et d'un accueil à la même communion, qu'on l'appelle eucharistie, sainte cène ou qu'on imagine un sacrement nouveau...

Les Eglises ne sont pas très "chaudes" pour répondre à ce genre de questionnement. Dixit le curé de ma paroisse : "on veut bien participer, pas proposer". Partager sur la Bible ensemble, c'est très bien. Pour le reste, à chacun de galérer, trouver ses réponses tout seul en fonction des discours des uns et des autres (pas forcément les mêmes d'un pasteur à l'autre, d'un prêtre à l'autre, d'un évêque à l'autre...). Oui, j'aime l'esprit de grande famille de ce groupe d'anciens très chaleureux. Mais parfois, j'aimerais bien qu'on débatte un peu sur d'autres questions, dont je sais qu'elles se posent aussi à d'autres familles de nos paroisses...

mardi 19 janvier 2010

Un sourire dans la détresse

Un après-midi de semaine, dans le wagon d'un RER. Le temps fait sa grise mine à l'extérieur, et les voyageurs ne sont pas mécontents de trouver un peu de chaleur lorsque le train arrive.

Alors que le RER quitte la station, une voix s'élève : "Je n'ai pas d'enfant, ma femme m'a quitté pour mon meilleur ami, voilà vous savez tout !". Tiens... Cela ne sonne pas comme la quémande habituelle, décrivant toutes les détresses possibles, réelles ou imaginaires ! Il continue : "vous vous doutez bien que lorsque quelqu'un vous adresse la parole dans les transports, ça n'est pas pour vous demander l'heure ou vous la donner, ça se saurait... Eh non, je viens pour vous so-lli-ci-ter !". Voilà qui est plein de franchise, et dit avec humour... Puis, toujours dans l'honnêteté et les clins d'oeil : "ceux qui peuvent jouent de la musique ; la guitare c'est pas vraiment dans mes cordes, les miennes sont vocales et je sais m'en servir"...

S'ensuit un court discours sur "l'ancienne République et la nouvelle" et leurs devises "dans le temps, c'était Travail, Famille, Patrie : avoir un travail, construire une famille, défendre la patrie ; (...) aujourd'hui, Liberté, Egalité, Fraternité : la liberté n'est égale qu'à la longueur de la corde qui vous unit à votre famille, l'égalité, vous savez bien que ça n'existe pas... Ne reste que la fraternité...". Lorsqu'il termine, avec une telle gouaille qu'il emmènerait du monde à une élection, j'ai un sourire d'une oreille à l'autre. Qui aurait dit que cet homme illuminerait mon trajet ?

Lorsqu'il passe à mes côtés, dans un sourire je lui glisse "Joli discours !". Ce n'est qu'alors que je remarque son bras plâtré, son chapeau enfoncé sur un visage sans âge... Bonne chance, l'ami !

jeudi 10 septembre 2009

Apaisement

Il y a des jours qui sont plus sereins que d'autres. Des jours où, la routine aidant, je me laisse porter sur le chemin du bureau que mes pieds connaissent par coeur, et où je me plonge de toute mon âme dans un moment de méditation devenu quotidien. Le trajet passe vite, je suis déjà devant mon ordinateur, et pourtant... c'est un peu comme si le temps avait ralenti, me donnant le loisir de continuer à méditer sur cette journée.

Puis, à plusieurs reprises, je ressens comme une présence, une petite voix apaisante... Je me surprends à dire quelques prières entre deux lignes de code, à griffonner les lettres d'hébreu que j'ai apprises dimanche. J'écoute Glorious, en sus de ma liste de morceaux de Taizé habituels... La journée se termine comme un clin d'oeil, j'ai plutôt bien avancé mon travail, et dans un climat de paix que je trouve rarement.

Un petit pas de plus sur un chemin qui m'ouvre les bras ? Et ce soir dans mes flux RSS, une surprise, merci Eric !

jeudi 03 septembre 2009

Rentrer, c'est...

Retrouver son environnement. Pour avoir la joie de revenir, rien de tel que de partir, s'évader, voir autre chose ! Changer d'univers pour changer de regard, puis se retourner et observer la vue nouvelle... Du coup, je vois le chemin parcouru, le travail qui reste à faire. Les bonnes résolutions se formulent toutes seules, sans que j'aie besoin d'y réfléchir. Bien mieux que les festivités du nouvel an, les vacances permettent de faire le ménage, mettre son esprit à neuf, faire le point sur ses priorités, les réordonner si besoin. Vous connaissez l'histoire des cailloux mis avant le sable pour remplir le seau ? C'est le moment rêvé pour vider le seau et le réorganiser, songer aux gros cailloux à loger au fond, en profiter pour vider des gravillons ou du sable pour faire un peu de place à la jolie pierre, là sur le côté, qui me tenait à coeur mais pour lequel il ne restait plus d'espace...

Réfréner l'angoisse, le stress... Les parisiens me comprendront sans doute ; depuis dix jours, on sent approcher la rentrée, par tous ses effets négatifs : moins de tongs, de shorts et de chemisettes dans les transports en commun, place aux costumes-cravattes, aux tailleurs... La mallette a remplacé le sac à dos et les places assises deviennent chères ; les sourires des touristes ont disparu pour les grises mines peu réveillées des travailleurs du matin. Et surtout, tout le monde s'est remis au travail, les délais se font plus pressants et les supérieurs exigeants.

Reprendre des habitudes. La routine a quelque chose de rassurant, elle permet d'avoir des repères, d'acquérir des automatismes qui nous rendent plus efficaces sur certains domaines. C'est un cadre sur lequel je peux improviser selon mon humeur ; c'est apaisant, même si je me rends compte que parfois cette routine me piège, ces gestes répétés me trahissent. Les habitudes, c'est bien, et changer de temps en temps, ça permet de garder l'esprit alerte. Je parle autant en termes de vie quotidienne au bureau, à la maison, qu'en approche spirituelle : les prières répétées, les chants aident à entrer en méditation. Mais la répétition peut me faire oublier ce pour quoi je prie : de temps en temps, j'aime changer de prière, de textes, pour me recentrer sur mon coeur à coeur avec Dieu, ne pas me laisser aller à la bonne conscience de la prière vide.

Rejoindre ses amis. J'aime partir, découvrir de nouvelles têtes, revoir des anciens, appréhender des caractères dans un contexte inhabituel. La rentrée, c'est aussi la reprise des activités, les retrouvailles. Redécouvrir ceux que l'on croyait connaître, discuter sur de nouveaux sujets, se raconter ses souvenirs, ses émotions... Voir aussi la transformation apportée par une expérience particulière, un visage qui s'éclaire rien qu'au souvenir de son séjour et aux idées qu'il / elle en a rapporté !

Risquer quelque chose de nouveau. C'est le moment ou jamais de commencer une nouvelle activité, une nouvelle méthode, une autre organisation familiale ; de proposer un autre style de vie, pour voir ; de se et Lui faire confiance ! Le mois de septembre me paraît ainsi charnière, un temps où je dois prendre garde de ne pas laisser retomber l'enthousiasme des nouvelles idées : porter un projet, le réfléchir, le mûrir, écouter...

Bonne rentrée à tous, et merci à Anne-Claire pour son entrée qui ne manque pas d'air !

dimanche 07 juin 2009

Quinze mille personnes rassemblées pour la Trinité

C'était grand. C'était sympa. C'était beau. C'était émouvant aussi... Aujourd'hui, dans le diocèse de Versailles, plus de trois cents adultes recevaient la confirmation catholique, et pour certains, communiaient pour la première fois.

Un rassemblement autour de la Trinité : c'est important ! Dans les ateliers du matin, on a parlé du Père, du Fils, de l'Esprit sous différentes formes. Dans l'atelier de théologie (appelé "mystère de la Trinité" : le mot "théologie" fait peur ?), on a utilisé des noms savants, parlé de kérygme, de périchorèse... On a évoqué les points communs entre les différentes confessions chrétiennes : ça m'a fait chaud au coeur de voir que d'autres s'intéressent à la Trinité vue par les protestants ou les orthodoxes. Du coup, on a parlé baptême et credo, puisque ce sont deux manifestations de la foi chrétienne, communes à toutes les confessions.

A midi, repas rapide en retrouvant chacun sa paroisse. Echanges, enthousiasme des enfants qui revenaient de Triniland avec leurs bandeaux colorés et leurs ballons-visages... Rapidement, la logistique reprend le dessus : il faut plier les gaules, se rassembler pour le grand temps fort de la journée : la célébration !

Une partie de l'assemblée sous le chapiteau (le plus grand d'Europe, parait-il), l'autre dehors, une estrade dehors et un autel dedans... Pendant que les paroissiens trouvent leur place et commencent les chants de louange, les prêtres, diacres, séminaristes, servants d'autel, enfants de choeur s'habillent et s'organisent en procession. Ils défilent tous, dans le chapiteau d'abord, puis jusqu'à l'estrade dehors ; icône de la Trinité en tête, les diacres et prêtres embrassent l'autel puis s'assemblent à l'extérieur. Accueil, chants, lectures : pendant le psaume, de jeunes handicapés me donnent les larmes aux yeux en faisant de l'expression corporelle sur le refrain... Un très bel alléluia précédant la lecture de l'évangile, et c'est l'homélie. L'évêque insiste sur l'importance de vivre nos vies de baptisé(e)s, de laisser oeuvrer en nous l'Esprit : "la grâce nous précède".

Après l'homélie, les célébrants regagnent le chapiteau, suivis des confirmands. Moment fort de la chrismation, où chacun de ces adultes reçoit la marque du Christ, l'effusion de l'Esprit des mains de l'évêque ou d'un prêtre ! Les visages, retransmis sur écrans géants, traduisent l'émotion de cet instant. L'Eucharistie qui suit est également très belle, même si je souffre toujours de ne pouvoir y participer pleinement ; j'en souffre d'autant plus que cet évêque qui a consacré le pain et le vin est le même qui m'a exprimé son refus de me voir communier au Christ, y compris à l'occasion d'un baptême, sacrement pourtant commun et... trinitaire.

La bénédiction et le chant d'envoi se déroulent... sous la pluie, qui nous avait épargné jusque là. Les paroisses en extérieur sont évacuées le plus vite possible vers les bus, mais ont le temps d'être mouillées... Dans le chapiteau, à l'abri, nous attendons notre tour, en compagnie de chants et du commentaire de l'organisateur qui nous donne les nouvelles. Enfin, c'est à nous de rejoindre le portail d'entrée, puis le bus, qui nous ramènera à nos pénates.

Gloire au Père, au Fils, et au Saint Esprit ! Amen.

jeudi 04 juin 2009

Donne-moi l'amour et la folie !

Dieu aime le monde : c'est le thème du Grand Kiff, rassemblement de jeunes protestants qui aura lieu du 18 au 22 juillet 2009 à Lyon.

Voici le chant créé pour la rencontre ; il est librement téléchargeable sur le site du rassemblement.

Refrain :
Dieu a tant aimé le monde
Moi je veux l’aimer aussi
Son pardon, chaque seconde
Nourrit ma foi, mes envies

Il est venu dans le monde
moi je veux l’aimer ici
Il attend que je réponde :
« En toi je choisis la vie ».

1. Donne-moi l’amour et la folie
de tous ceux qui sont pardonnés
de tous ceux qui font de la vie
Une fête, une source à partager

Donne-moi l’amour et la folie
de tous ceux qui vivent apaisés
par toi je chante et dis merci
heureux les fous de liberté

2. Donne-moi l’amour et la folie
D’aimer l’étranger comme un frère
Je veux de pays en pays
Devenir passeur de frontières

Donne-moi l’amour et la folie,
La soif de justice et de paix
De tous ceux qui cherchent aujourd’hui
A embrasser l’humanité

3. Donne-moi l’amour et la folie
De ceux qui osent encore kiffer
Kiffer ça sonne pour toi aussi
Viens avec nous, reste éveillé

Donne-moi l’amour et la folie
De kiffer grave, de kiffer vrai
A l’aube du jour, après la nuit
C’est « Le Grand Kiff » à partager.

mercredi 06 mai 2009

Evangélisation express

Paris, 18h, fin d'une journée de travail ordinaire, sur le quai d'une station de RER. Je monte dans un train, cherche une place, m'assois. La journée a été longue et la fatigue me gagne, je vais m'assoupir quand j'entends crier à l'extérieur. Je relève la tête et cherche à voir d'où et de qui proviennent ces cris.

C'est un jeune homme noir qui apparait bientôt à la porte du wagon où je me trouve. Qu'a-t-il de particulier ? Baskets, jean, sweat-shirt, casquette, rien ne le différencie d'un jeune adulte quelconque, si ce n'est son discours, et le volume sonore qu'il y met. Debout au centre de la voiture, on n'entend plus que lui. En a-t-il après quelqu'un ? Cherche-t-il noise ? Non. Est-il ivre, de boisson, de colère ? Cela ne semble pas être le cas. Simplement, il crie ses convictions à qui veut bien l'entendre : "Ecoutez, Jésus est venu pour nous ! Il nous a montré comment aimer..."

Dans le wagon, les réactions - silencieuses, comme pour répondre à un extrême par l'effet opposé - ne se font pas attendre. Deux femmes qui faisaient mine de s'avancer pour occuper les strapontins jouxtant la porte se sont figées dans leur élan et restent à distance respectueuse. Les regards, d'abord curieux de voir ce qui provoquait ces décibels inattendus, se détournent, plongent dans un journal, un livre, se prennent d'un attrait soudain pour les panneaux publicitaires de la station... Les mines gênées, voire renfrognées, puis franchement agacées apparaissent sur les visages.

Mais personne ne pipe mot, et le prédicateur improvisé continue son laïus pendant plusieurs minutes : "Changez maintenant ! Vous ne savez pas quand vous allez mourir, peut-être dans dix ans, peut-être dans un mois, ou bien tout à l'heure ! Qui va te sauver ? C'est ton argent qui va te sauver après ta mort ?" J'entends des soupirs énervés, ou compatissants peut-être ? Je souris. Pour moi, les mots sonnent juste... Je me dis que cet homme a du cran, un culot que je n'ai pas, pour évangéliser ainsi. Est-ce cela, "l'évangélisation de rue" ?

Il conclut sur un "N'oublie pas : Jésus t'aime !" tonitruant, et repart sur le quai, aussi vite qu'il était entré, juste avant que la sonnerie retentisse, annonçant la fermeture des portes. Quelques voix saluent son bref prêche par "Dieu est grand", "Inch Allah". Je murmure "Amen" sans me départir de mon sourire béat. Je garderai à l'esprit cette foi simple et sans détour, cette force des humbles par laquelle Dieu nous parle... Merci à toi !

vendredi 03 avril 2009

Digestion

Après à peine un mois d'existence, je constate que j'ai du mal à tenir un rythme régulier sur ce blog... Non que ma volonté de témoigner se soit émoussée, non que je n'aie rien à dire, mais mon emploi du temps est en ce moment chargé, tant au niveau familial et personnel que professionnel... De plus, d'autres tribunes me sont offertes sur le web, me permettant de prendre la parole sur les sujets qui me tiennent à coeur.

Je reviens sur le week end passé, qui fut pour moi très riche en enseignements, témoignages, rencontres extraordinaires. J'avais parlé, souvenez-vous, de mon enthousiasme à l'idée de rencontrer un couple unique au monde : un rabbin marié à une pasteur... Mes espoirs ont été comblés au delà de toute attente !

L'accueil de ce couple, dont l'invitation fut à l'initiative d'un prêtre de la paroisse catholique, s'est fait dans les deux communautés catholique et protestante. Leur visite a constitué une occasion de partage exceptionnel sur trois jours, me causant une grande joie !

Vendredi soir, comme précisé dans mon précédent billet, j'ai eu l'honneur de dîner avec tous ces théologiens de haut vol... Les discussions furent animées, ouvertes, fraternelles, un vrai régal ! J'ai pleinement pris conscience de ma chance d'avoir une double culture, me permettant de comprendre les uns et les autres, et tout en les laissant débattre, me rendre compte qu'ils exprimaient parfois la même chose avec une vision différente... Nous avons entendu l'histoire de ce couple unique au monde, histoire d'amour, de foi, de doutes et de progression à deux... J'ai aussi découvert la saveur et la subtilité des blagues juives !

Samedi soir, c'était au tour des jeunes confirmants, catholiques et protestants, d'écouter témoigner nos invités et de partager un repas avec eux. Le rabbin a expliqué le parcours des jeunes juifs, mis en parallèle de celui des chrétiens... Que d'amour, de découverte, de joie dans ces rencontres...

Je n'ai malheureusement pas pu assister à la journée du dimanche, qui débutait par un culte spécial au Temple : notre pasteur accueillait le rabbin, la pasteur, le prêtre avec une prédication du rabbin sur la manne du désert (Exode 16). Ou comment prêcher la distinction entre le besoin et les envies et que le temps de crise actuel se transforme en temps d'espérance... La journée continuait à la paroisse catholique, où les paroissiens (adultes) accueillaient nos invités pour un repas, avant une conférence sur le judaïsme ouverte à tous... J'ai juste eu le temps de saluer nos invités avant qu'ils ne repartent prendre le train qui les ramenait chez eux...

Ce fut un week end porteur de beaucoup d'espérance, d'ouverture, de dialogue, autant entre personnes qu'entre communautés... Merci !

mercredi 25 mars 2009

Péché de gourmandise ?

Un soir de cette semaine, on m'invite à un dîner un peu spécial : les communautés catholique et réformée reçoivent un "couple mixte", composé d'un rabbin (juif, d'un courant libéral) et d'une pasteure (réformée). Le dîner constituera une introduction à un week-end résolument oecuménique : des rencontres entre les communautés catholique et protestante sont prévues à tous les niveaux par le biais de la discussion avec ce couple aux caractéristiques peu courantes ! Ainsi, les confirmants se retrouveront samedi soir pour réfléchir au sens de leur engagement prochain ; quant aux adultes, ils ont rendez-vous dimanche après-midi pour discuter de cette situation particulière...

Lors de ce dîner, j'aurai la chance de rencontrer trois pasteurs, deux prêtres, un rabbin... Une vraie gourmandise pour moi, qui ai tellement soif de théologie et de conciliation ! Oserais-je dire que cela me fait penser à l'épisode biblique de Jésus au Temple à 12 ans (Luc 2, 41-47) ? Non que je me prenne pour Jésus, simplement que je me considère comme un enfant dans ma foi et mes connaissances théologiques, dogmatiques, canoniques, et que je vais me retrouver au coeur d'un aréopage de savants...