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vendredi 04 août 2017

Catho-paganisme ?

Et voilà, nous sommes le vendredi 4 août, bientôt le week-end, en musique bien sûr. Très bonne fête aux Vianney, et aussi aux Jean-Marie...

Huh ? Il m'a fallu quelques secondes pour réaliser que le 4 août, l'Eglise catholique fête Saint Jean-Marie Vianney, ancien curé d'Ars et patron des curés... Et que l'animateur de radio a juste repris les deux noms. J'ai trouvé l'intervention incongrue... Même si Nominis me dit qu'effectivement, les personnes prénommées Jean-Marie, Vianney, mais aussi Darcy, Elouan, Violette ou Aristarque célèbrent leur fête ce jour-là.

Je pense que c'est l'accolement des deux prénoms, sans aucun lien fait par cet animateur de radio, sans donner aucune référence historique et/ou religieuse, qui m'a semblé étrange. Puis j'ai réfléchi quelques secondes, et je me suis dit que les personnes ayant eu la même réaction que moi avaient dû être bien peu nombreuses... Non pas à cause de l'heure matinale pour une période estivale plutôt propice aux grasses matinées... Non pas à cause d'une diffusion restreinte de la radio en question... Plutôt à cause du public cible de ladite radio et de la perte d'une certaine culture religieuse.

Par ailleurs je lis un ouvrage de Paul Veyne[1], historien, sur la conversion de Constantin, et le basculement de l'antique Empire Romain du paganisme vers le christianisme. Dans cet ouvrage, l'auteur explique que le "virage" du changement de religion s'est pris d'abord dans les couches sociales les plus cultivées, instruites. Puis ce sont les "fonctionnaires" de l'Empire qui sont progressivement devenus chrétiens, puisque ça devenait "tendance"... Enfin l'ensemble de la population devient chrétien par coutume. Paul Veyne explique ainsi :

Popularisé par les miracles des reliques, le charisme de certains et l'autorité des évêques, ce christianisme coutumier sera automatique et sincère comme les autres coutumes, et dissymétrique comme elles : on les respecte sans savoir pourquoi, on s'indigne si elles ne sont pas respectées.
Op. cit., p.172

Est-ce que ce n'est pas ce qu'on observe à notre époque également ? Le catholicisme en France, après avoir été religion d'Etat, est devenu minoritaire sous la forme de religion pratiquée (je n'ai pas cherché de statistiques fiables à ce sujet). Mais une majorité de familles cherchera tout de même à accomplir les actes importants de la vie (naissance, adolescence, mariage, décès) selon le rite coutumier.

Note

[1] VEYNE, Paul, Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Paris, Albin Michel, 2007, 322p.

vendredi 06 mai 2011

Découvertes

Il y a quelques semaines, j'ai eu la joie de voir arriver une nouvelle collègue au bureau... Elle est devenue ma voisine, dans un environnement assez inhumain[1] : imaginez un espace tout en longueur, dans lequel sont alignés les bureaux, trois par trois. Les meubles sont suffisamment peu larges pour qu'on ne puisse étendre les bras sans toucher son plus proche voisin. Aucune intimité, chacun voit et entend ce que font ses collègues. Et nous sommes environ cent cinquante ainsi, sur un étage, uniquement séparé en deux par des portes coupe-feu.

Le décor étant planté, vous pourrez aisément comprendre que ce ne fut pas forcément de gaité de cœur que j'appris l'arrivée de ma nouvelle coéquipière... Comme elle est indienne, je savais qu'il me faudrait en sus dépasser la double barrière de la langue et de la culture pour parvenir à entrer en relation, sans que ce soit trop superficiel.

Et en fait... Dieu m'a fait un merveilleux cadeau :) Car elle est maintenant la plus jeune de l'équipe, me coiffant au poteau de quelques années, et de fil en aiguille, de correction de bugs en discussion autour d'un café, d'apprentissage linguistique en baragouinage en franglais, de réunions d'équipe en sorties-déjeuner... Le lien se fait, la complicité grandit. Mon anglais s'étoffe peu à peu, elle apprend quelques mots de français. Et surtout, comme elle ne sera là que pendant quelques mois, tout se fait comme en accéléré. Elle a soif d'apprendre, je me réjouis de lui enseigner ce que je suis, notre culture, notre patrimoine... C'est là que l'on s'aperçoit qu'on ne peut expliquer la culture française (et même européenne) sans un minimum de culture chrétienne. Les jours fériés ? Plus de la moitié[2] sont liés à une fête chrétienne. Les expressions françaises ? Beaucoup ont une origine religieuse. Etc...

Mon plus beau clin Dieu pour le moment : un jour, autour d'un café, elle me demande si c'est bien un poisson que je porte en pendentif[3]. Je lui réponds que oui, et devançant sa question, je lui dis[4] : "it's because I'm a Christian". Un "Ooooooooh, ok" étonné plus tard, nous voici à converser sur nos traditions religieuses. Je comprends assez vite que si ses parents ont une éducation religieuse, elle n'en a pas, et connaît seulement les traditions par leurs grandes fêtes. Je pose quelques questions, en puisant dans le peu de connaissances que j'ai sur l'hindouisme... Elle me demande comment je connais autant de choses ; je réalise alors seulement que mes questionnements sur la présence d'une multitude de religions, de traditions, et les recherches personnelles qui en ont découlé[5], m'ont apporté une compréhension du monde religieux peut-être plus étoffée que certains de mes collègues.

En la côtoyant, et en faisant le lien avec les autres indiens que nous avons pu accueillir à Paris, je comprends que la sécularisation ne touche pas que l'Europe. Ce sont tous les pays "modernes", qui évoluent à toute vitesse, techniquement, politiquement, et qui jettent le bébé avec l'eau du bain. Ici la laïcité, là-bas l'abolition des castes. Rien à voir ? Peut-être. Sans doute mon exemple est-il mal choisi, n'empêche, elle le dit elle-même : les traditions qu'elle observe, c'est par habitude, elle n'y croit pas. L'insistance avec laquelle elle le dit me perturbe, un peu. Est-ce une soif de foi ou un moyen de s'auto-convaincre ? En tout cas, il me tarde d'en savoir plus... Encore des découvertes en perspective !

Notes

[1] Pour ceux qui connaissent, les plateaux ou openspaces

[2] Six sur onze exactement

[3] Un ichtus venant de Taizé

[4] bien plus facilement en anglais que je ne l'aurais dit en français... Comme quoi, la barrière de la langue, parfois, n'est pas où l'on pense !

[5] en particulier les rapprochements qu'il peut y avoir entre hindouisme puis bouddhisme, et judaïsme puis christianisme

mercredi 23 mars 2011

Un Parvis pour les Gentils ?

Dans la Jérusalem antique, du temps du Temple de Salomon, le parvis des Gentils était l'espace extérieur au Temple, où chacun pouvait approcher (de loin) le sacré. Les non-Juifs y étaient admis, mais malheur à eux s'ils dépassaient la limite : ils étaient alors lapidés par les Juifs se trouvant légitimement dans l'enceinte sacrée.

Plan du Temple

Le Temple a été détruit et rasé lors de l'insurrection de 70. On suppose que certains blocs monumentaux qui restent pourraient être les pierres qui formaient le pavement du parvis des Gentils, sur lequel reposait l'ensemble de l'architecture du Temple.

Aujourd'hui, l'Eglise catholique reprend cette image pour inaugurer, à son tour, un parvis des Gentils. Qu'est-ce que c'est ? Deux jours de colloque, sur cinq lieux différents, réunissant croyants et non-croyants, pour discuter de valeurs à vivre, le tout en s'appuyant sur la raison.

Il y a quand même, à mon sens, une différence notable entre ces deux lieux, si l'on met à part la distance spatiale et temporelle bien sûr.

Il n'était pas possible, il est toujours très difficile, de devenir Juif si l'on n'est pas de famille juive. Le judaïsme n'est pas une religion prosélyte, c'est une religion généalogique, une religion héréditaire. Au contraire, le catholicisme, et le christianisme dans son ensemble[1], sont par nature prosélytes ! La bonne nouvelle que Jésus nous sauve est pour tous, en tout temps, de toute nation.

Le corollaire de cette constatation, est que le parvis des Gentils du Temple était un moyen d'entrer en contact, de façon très claire avec les non-Juifs... qui n'étaient pas pour autant non-croyants, d'ailleurs ! Aujourd'hui, dans cette manifestation, on ne sait pas trop : le but est manifestement de toucher ceux qui ne croient pas / plus au catholicisme, de battre en brèche les préjugés qui touchent forcément une confession (malgré tout) majoritaire par rapport aux autres (protestantisme, orthodoxie, islam). Mais est-on non-catholique comme on est non-Juif ? On ne naît pas chrétien, on le devient[2]... Et être non-catholique ne signifie pas être non-croyant...

Alors, évangélisation ou non ? Opération marketing ou simple mise au point ? Et quid des croyants non-catholiques ? A voir...

Notes

[1] oui, j'ose, nous sommes tout de même sur un blog œcuménique, si, si !

[2] même si on croit que la grâce de Dieu se manifeste toujours en premier

lundi 14 février 2011

Un seul être...

Je ne connais pas son nom, pas davantage celui de son chien. De lui je ne sais que ce qu'il a bien voulu montrer à tous, ce que j'ai accepté d'y voir, aussi. Sa place, le long du mur nu de la "salle d'accès" du RER, en face des magasins, au même endroit au mètre près, tous les matins, quand j'arrive, avant huit heures. Parfois il ne fait pas trop froid, d'autres il pleut et l'humidité rend les températures hivernales plus difficiles à supporter ; parfois la neige couvre tout dehors, d'autres matins encore il gèle à pierre fendre et un vent coulis glacé se glisse au ras du sol... Mais toujours le manteau est fermé et le bonnet enfoncé jusqu'aux yeux ; la météo n'influe que sur la couverture dont il couvre ou non son compagnon de fortune[1]...

Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près…[2]

J'ai mis longtemps, trop longtemps, avant d'oser. Dans le flot, briser l'élan, contrer la force de la routine. C'est beaucoup moins évident qu'il n'y paraît, en fait, d'accepter de s'arrêter, de casser l'effet de groupe des gens pressés de rejoindre leur poste... Il faut chasser la brume matinale qui engourdit l'esprit et fait suivre comme un mouton[3]... Donner, c'est plus qu'une "simple" pièce, pour déculpabiliser un peu[4]. C'est voir l'homme sous le tas de chiffons, reconnaître un semblable malgré le dos courbé, les épreuves de la vie qui pèsent sur les épaules, le regard empli d'incertitude pour les heures à venir.

Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur… je crois qu’elle m’a apprivoisé…

Et chaque fois, cela ne manque pas. D'inexpressifs, les yeux s'éclairent ; le visage s'anime, le corps tout entier recroquevillé semble se détendre, un peu, le temps de lever la tête. Son regard croise le mien, un sourire échangé, un merci, "bonne journée"... Ces quelques secondes suffisent à me remplir le coeur de légèreté et de joie !

Parfois son chien aimerait jouer, il le retient d'une main, s'excusant d'un geste à peine esquissé de l'autre. Oserais-je dire que derrière le désarroi d'une situation dramatique, je pressens une personne raffinée, aimante, respectueuse de son prochain ? De matin en matin, de regard en sourire, le lien se fait...

Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret.

Quelquefois, il n'est pas là. Alors ma journée ne peut pas être la même... Est-il souffrant ? Ou bien a-t-il trouvé un foyer, l'espace d'une nuit ? Je ne peux qu'imaginer, et lui souhaiter de trouver un jour le petit quelque chose qui le remettra sur les rails... Une association, un travail, un ami, que sais-je...

Regardez le ciel. Demandez-vous : le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? Et vous verrez comme tout change…

Notes

[1] ou d'infortune, plutôt

[2] Citations : Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

[3] Il ne manque plus que les bêlements !

[4] Parce que si c'est juste pour déculpabiliser, comme ça, vite fait, ça ne marche pas...

mercredi 13 octobre 2010

Interruption de grossesse : théorie, pratique

A l'heure où l'objection de conscience fait débat, où les principes théoriques de chacun sont autant de balles jetées à la tête de l'autre dans des joutes politiques, je me trouve devant un cas des plus pratiques. Avec de nouvelles questions, de celles qui ne sont pas posées dans les assemblées...

Une amie, enceinte, a subi une amniocentèse. Cet examen faisait suite à une prise de sang[1], que l'on conseille maintenant à toute femme enceinte... Ce test, souvent proposé de manière anodine, sans explication de toutes les conséquences qui pourraient en découler, présente des résultats variables, et ne dépiste que la trisomie 21, a contrario d'une échographie qui a pour but de déceler différentes anomalies, dont un certain nombre peuvent être traitées[2].

Que d'angoisses. Peur du résultat du test sanguin, d'abord. Ce résultat est vague : une probabilité... Au dessus d'une certaine probabilité, l'amniocentèse est proposée, et même fortement conseillée[3]. Mais l'amniocentèse n'est pas sans risque... jusqu'à 2% de risque de fausse couche ! Et voilà les parents transformés en calculateurs, à peser des coefficients de risque comme des banquiers... Sauf que ce n'est pas une somme d'argent qui est en jeu, c'est la vie d'une famille...

Ensuite, si par malheur le résultat de l'amniocentèse est positif sur la trisomie, quelle décision à prendre ! Rien de moins que la vie ou la mort... Choisir de recevoir un enfant handicapé, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner, même si la lourdeur du handicap varie beaucoup sur les différents cas de trisomie 21... Ou bien choisir une IMG[4], ce qui veut dire la mort pour le bébé, et une épreuve particulièrement difficile pour la mère... Comment peut-on en arriver à effectuer, de manière quasi-automatique, des tests qui amènent à de telles décisions ?

Dans le contexte des dicussions actuelles, il me semble indispensable de conserver l'objection de conscience, comme l'Europe l'a confirmé. J'irais même plus loin : faut-il étendre l'objection de conscience, concernant aujourd'hui l'avortement, à l'amniocentèse, ou tout autre examen de dépistage spécifique à des maladies / handicaps incurables ? D'autres que moi se sont posé la question...

Enfin, dans un contexte oecuménique, autant la position de l'Eglise catholique est claire, autant celle de l'Eglise réformée semble nettement plus frileuse : le dernier rapport sur le sujet sur le site de la FPF date de 2004... On me répondra sans doute que l'Eglise réformée attache autant d'importance à la réflexion personnelle que l'Eglise catholique à l'obéissance... Mais n'est-ce pas, parfois, éviter le débat que de le reléguer à l'histoire personnelle ? Quid de l'accompagnement des personnes qui s'interrogent sur ce sujet ?

Notes

[1] le tri-test, appelé aussi HT21, qui recherche dans le sang de la mère trois hormones présentes chez le bébé, indicatrices de trisomie

[2] Ainsi un autre ami a eu une petite fille atteinte d'une malformation cardiaque détectée in utero, opérée aussitôt après la naissance, qui serait décédée sans échographie prénatale...

[3] avec l'argument massue "c'est remboursé par la Sécu !"

[4] Interruption Médicale de Grossesse