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lundi 06 mai 2013

Athée, vraiment ?

Pito est geek, un peu. Célibataire, il a traîné ses guêtres dans différentes branches professionnelles avant d'atterrir dans l'informatique parisienne, comme beaucoup, à l'approche de l'an 2000. Il se dit athée par désintérêt... Et à l'occasion, parle avec un certain mépris d'un curé de son enfance qui l'a marqué. Dans le mauvais sens du terme. Depuis, il ne veut plus entendre parler de l’Église. Il a deux filleuls, qu'il couvre régulièrement de cadeaux et dont il suit l'éducation avec assez d'intérêt. Il veut être un parrain copain et bienveillant, cherchant à éveiller la curiosité intellectuelle de ses filleuls, leur sens critique... Et de la négociation aussi, parfois !

Pivi est geek aussi, à fond : jeux de rôle, univers fantastiques et de science fiction, esperanto, programmation professionnelle et personnelle... Marié, deux enfants, il a le sourire aussi facile que le verbe, le coeur sur la main et une franchise qui fait parfois grincer des dents. Surtout en entreprise. La religion ? Il en a eu un aperçu. A rencontré des clercs pas très ouverts, d'après ses dires. Et après avoir subi les épreuves de la vie, vu le mal de près, il refuse de croire en un Dieu bon. Et même en un dieu tout court. Malgré tout, il reconnaît qu'il a été élevé dans une société judéo-chrétienne dont il apprécie les valeurs. Il s'est marié, mais pas à l'église. Son fils, l'aîné, a reçu le baptême à l'église pour des convenances familiales ; sa fille cadette a reçu un "baptême républicain". Il ne donnera pas de catéchisme à ses enfants, s'efforcera de les éduquer à différents points de vue spirituels "pour qu'ils puissent choisir une religion, s'ils le souhaitent".

Jean Claude a un travail répétitif, qu'il trouve barbant et peu enrichissant intellectuellement. Pour ne rien arranger, ses collègues, qui ne ratent pas un épisode de "l'amour est dans le pré", seraient bien incapables de citer trois espèces de céréales ou trois races bovines... Avide de savoir et de réflexion, il cherche en permanence la discussion sur des sujets aussi divers que la géopolitique, l'histoire, la philosophie, les religions... Rien ne l'intéresse plus qu'un débat argumenté sur un sujet qu'il maîtrise ou qu'il souhaite approfondir. Il s'est construit seul, faute de structure familiale solide et de moyens financiers suffisants. Son enfance au parcours chaotique n'a pas laissé la place pour un enseignement religieux. Il se dit athée, agnostique, bouffeur de curés... Et est trop heureux de lancer une discussion sur les différences entre les cathares et les protestants. Sa soif spirituelle, son besoin de présence, de lien, se ressentent dans chaque propos qu'il tient. Athée, vraiment ?

Bénédicte a grandi dans une famille rationnelle. Les pieds sur terre, la valeur du travail avant tout, elle est devenue une fourmi[1] laborieuse, hypermotivée, la conscience professionnelle chevillée à l'esprit. Elle se targue d'avoir un minimum de culture, et a bien appris quelques histoires, des traditions religieuses, la signification de certaines fêtes... Comme beaucoup, elle confond immaculée conception (de Marie) avec conception virginale (de Jésus). Sans attachement particulier à l’Église, elle prône une éducation forte et stricte, sévère mais juste, une morale assez classique somme toute.

Guillaume s'est construit par provocation, par opposition aux autres. Opposition à sa mère dont il n'était pas le préféré et pour laquelle il s'acharnait à être toujours plus turbulent. Opposition sociétale en choisissant un look que l'on peut qualifier de marginal : cheveux longs, habillé de noir de la tête aux pieds et parfois jusqu'aux ongles. Opposition à une Église qu'il considère comme un instrument de pouvoir et de manipulation, à un Dieu dont il nie farouchement l'existence. Pourtant... Derrière la façade un peu abrupte, on le découvre compétent, serviable, toujours de bonne compagnie et l'oreille attentive. Il joue avec humour de son côté décalé et ne veut surtout pas entendre qu'il pourrait avoir quelque attache... Mais est prêt à aller jusqu'au mariage religieux, lui qui se dit ouvertement athée, pour pouvoir faire sa vie avec celle qu'il aime, la mère de son fils dans quelques temps[2]. C'est aussi celui de mes coéquipiers qui affiche le plus ouvertement son ignorance de tout catéchisme, et me pose régulièrement des questions sur tel ou tel point de pensée, de dogme, pour avoir une sorte "d'état de l'art"...

Sylvain et Élodie ont été baptisés, et c'est à peu près tout. Concubins depuis plusieurs années, ils ont fini par se marier. C'est alors que la question s'est posée : mariage religieux ou pas ? J'avais fait une bénédiction lors du mariage d'un couple d'amis, ils s'en souvenaient et avaient été touchés, à défaut de comprendre ou d'adhérer. Conscients de la légèreté voire de la provocation que serait de leur part une demande de mariage à l'église, ils ont évoqué l'idée d'une bénédiction, une petite prédication, "quelque chose"... Nous en avons discuté ensemble, parlé superstitions, croyances, foi, rites, symboles et ressentis... Un peu de la Bible et de Jésus, aussi. On a cherché le fond de leur demande, je leur ai dit que c'était eux qui se mariaient, pas leurs grand-mères pour qui c'était fait depuis longtemps. Nous n'avons pas fait de célébration. J'espère juste ne pas avoir rebuté, permis de poser une réflexion, quelque chose qui ait un peu de sens.

Au travail, entre amis, en famille, se définir comme "athée, avec des valeurs" est désormais l'équivalent de celui qui, il y a deux générations, allait à la messe le dimanche "parce que ça se fait". Mais sont-ils véritablement athées, ces gens qui m'entourent, me provoquent, me questionnent ? Sont-ils si différents de ceux qui, il y a quelques décennies, n'avaient d'image de l’Église que celle que leur renvoyait le curé lors de la messe où les (en)traînaient leurs mères, leurs épouses, leurs enfants ? Quel est mon rôle, notre rôle, en tant que croyants ? Doit-on seulement tenir un rôle particulier ?

Note : oui, je parle essentiellement de gens venant de familles catholiques. Je préviens d'avance les trolls protestants : si je n'ai pas d'exemple en tête dans un cadre protestant, c'est probablement à cause de leur minorité (je rappelle que les protestants représentent environ 3% de la population en France ; et par exemple, je n'en connais aucun dans mon environnement professionnel). Je sais que le même type d'histoire, version protestante, se trouve aisément en Suisse, en Alsace, dans le sud de la France, où le protestantisme est davantage une confession "installée", au même titre que le catholicisme.

Notes

[1] ou une abeille ?

[2] Depuis le début de rédaction de cet article, son fils est né. Il s'appelle... Nathaniel (ce qui veut dire "don de Dieu", en hébreu) ! Quand je lui ai demandé s'il connaissait la signification de ce prénom, il m'a répondu "oui" avec un grand sourire... Une provocation de plus, ou une porte ouverte à un Autre potentiel ?

vendredi 06 mai 2011

Découvertes

Il y a quelques semaines, j'ai eu la joie de voir arriver une nouvelle collègue au bureau... Elle est devenue ma voisine, dans un environnement assez inhumain[1] : imaginez un espace tout en longueur, dans lequel sont alignés les bureaux, trois par trois. Les meubles sont suffisamment peu larges pour qu'on ne puisse étendre les bras sans toucher son plus proche voisin. Aucune intimité, chacun voit et entend ce que font ses collègues. Et nous sommes environ cent cinquante ainsi, sur un étage, uniquement séparé en deux par des portes coupe-feu.

Le décor étant planté, vous pourrez aisément comprendre que ce ne fut pas forcément de gaité de cœur que j'appris l'arrivée de ma nouvelle coéquipière... Comme elle est indienne, je savais qu'il me faudrait en sus dépasser la double barrière de la langue et de la culture pour parvenir à entrer en relation, sans que ce soit trop superficiel.

Et en fait... Dieu m'a fait un merveilleux cadeau :) Car elle est maintenant la plus jeune de l'équipe, me coiffant au poteau de quelques années, et de fil en aiguille, de correction de bugs en discussion autour d'un café, d'apprentissage linguistique en baragouinage en franglais, de réunions d'équipe en sorties-déjeuner... Le lien se fait, la complicité grandit. Mon anglais s'étoffe peu à peu, elle apprend quelques mots de français. Et surtout, comme elle ne sera là que pendant quelques mois, tout se fait comme en accéléré. Elle a soif d'apprendre, je me réjouis de lui enseigner ce que je suis, notre culture, notre patrimoine... C'est là que l'on s'aperçoit qu'on ne peut expliquer la culture française (et même européenne) sans un minimum de culture chrétienne. Les jours fériés ? Plus de la moitié[2] sont liés à une fête chrétienne. Les expressions françaises ? Beaucoup ont une origine religieuse. Etc...

Mon plus beau clin Dieu pour le moment : un jour, autour d'un café, elle me demande si c'est bien un poisson que je porte en pendentif[3]. Je lui réponds que oui, et devançant sa question, je lui dis[4] : "it's because I'm a Christian". Un "Ooooooooh, ok" étonné plus tard, nous voici à converser sur nos traditions religieuses. Je comprends assez vite que si ses parents ont une éducation religieuse, elle n'en a pas, et connaît seulement les traditions par leurs grandes fêtes. Je pose quelques questions, en puisant dans le peu de connaissances que j'ai sur l'hindouisme... Elle me demande comment je connais autant de choses ; je réalise alors seulement que mes questionnements sur la présence d'une multitude de religions, de traditions, et les recherches personnelles qui en ont découlé[5], m'ont apporté une compréhension du monde religieux peut-être plus étoffée que certains de mes collègues.

En la côtoyant, et en faisant le lien avec les autres indiens que nous avons pu accueillir à Paris, je comprends que la sécularisation ne touche pas que l'Europe. Ce sont tous les pays "modernes", qui évoluent à toute vitesse, techniquement, politiquement, et qui jettent le bébé avec l'eau du bain. Ici la laïcité, là-bas l'abolition des castes. Rien à voir ? Peut-être. Sans doute mon exemple est-il mal choisi, n'empêche, elle le dit elle-même : les traditions qu'elle observe, c'est par habitude, elle n'y croit pas. L'insistance avec laquelle elle le dit me perturbe, un peu. Est-ce une soif de foi ou un moyen de s'auto-convaincre ? En tout cas, il me tarde d'en savoir plus... Encore des découvertes en perspective !

Notes

[1] Pour ceux qui connaissent, les plateaux ou openspaces

[2] Six sur onze exactement

[3] Un ichtus venant de Taizé

[4] bien plus facilement en anglais que je ne l'aurais dit en français... Comme quoi, la barrière de la langue, parfois, n'est pas où l'on pense !

[5] en particulier les rapprochements qu'il peut y avoir entre hindouisme puis bouddhisme, et judaïsme puis christianisme