"Nul n'est prophète en son pays" et "Où en es-tu ? Où vas-tu ?". Voici le résumé des deux prédications que j'ai entendues hier.
A l'église d'abord : l'évangile (Marc 6, 1-6) évoque le voyage de Jésus dans sa région natale, et les moqueries qui s'ensuivent. Le prêtre commence son homélie en nous rappelant que nous sommes tous prophètes. Et même me dis-je, "prêtres, prophètes et rois", selon l'onction reçue au baptême... Nous sommes tous prophètes, tous appelés à évangéliser, à agir en chrétiens mais aussi à parler de Dieu, annoncer qu'il nous a donné son Fils unique pour nous sauver ! Mais, comme Jésus, nous pouvons avoir des difficultés à le faire dans les milieux où nous nous trouvons : famille, travail... Parfois il est bien plus facile d'évangéliser des inconnus que ses proches... Lorsqu'on porte une certaine étiquette, il est difficile d'aborder certains sujets, ou au contraire, les personnes connaissant notre opinion sur ces sujets décident délibérément de ne pas nous écouter...
Non, dit le prêtre. Ca n'est pas une excuse, nous n'avons aucune excuse pour ne pas évangéliser. Dieu nous donne d'évangéliser selon nos capacités, selon nos talents. Je pense au billet d'Edmond "C'est pas ma faute !" : Jonas a fui Dieu, Jacob était un menteur, Jérémie était profondément dépressif, Jean Baptiste était pauvre, Lazare était... mort, Pierre a perdu son sang-froid... Prenons nous aussi notre bâton de pèlerin pour entrer dans la "marche des incompétents" ! Nous aussi, tels que nous sommes, à notre place, nous pouvons, nous devons être prophètes.
Au temple ensuite : une partie du message d'adieu de Jésus à ses disciples (Jean 16, 5-15). La pasteur cite les propos de Jésus : "demandez-moi où je vais", puis elle fait référence à la Genèse, où l'Esprit de Dieu demande à l'homme "Où es-tu ?", et nous dit que c'est finalement ce que Dieu nous demande, lorsqu'il nous appelle : "Où en es-tu ? Où vas-tu ?". Réfléchir sur sa relation à Dieu, aux autres, sur sa foi...
C'était aussi le culte de reconnaissance du conseil presbytéral : ces deux questions, "où es-tu ?", "où vas-tu ?" permettent à chacun de se positionner dans la paroisse, selon son ministère, du plus grand au plus petit, du ministère pastoral à l'accueil au culte, de la musique à la participation à un groupe de prière... Le conseil presbytéral entoure tout ce monde, tous ces ministères, les fait fonctionner ensemble, sous le souffle de l'Esprit. Ca n'est pas qu'une instance juridique, puisque nous nous plaçons sous le regard de Dieu : c'est une oeuvre différente, un appel, un cheminement particulier, dans l'Eglise et au coeur du monde.
Dans le même temps, ces prédications me parlent plus intensément. Des questions germent en moi, des signes m'arrivent mais je ne me sens pas capable de les interpréter d'une quelconque façon. Oui, cela me parle de devoir être prophète... y compris dans ma propre famille, même si c'est plus difficile qu'ailleurs. Parce que les paroles blessantes font toujours plus mal quand elles viennent d'êtres aimés... Parce qu'ils ne comprendront peut-être pas ma démarche.
Et ces deux questions : "où es-tu ? Où vas-tu ?"... Elles m'interpellent, m'appellent à me poser, à réfléchir, à prier. Se reposer quelque temps, sur le bord du chemin, avant de reprendre la route et de choisir l'embranchement qui me conviendra. Chez les séminaristes, la première année n'est pas une année de théologie, mais de discernement. Discernement ? Qu'est ce que cela veut dire ? Vivre une expérience, qui permet d'acquérir des certitudes, d'entendre un appel ? Réfléchir, prier, attendre un signe ?
La seule certitude que j'ai en ce moment, c'est que Dieu (au sens trinitaire) a pris place dans ma vie : je lui ai laissé le bout du petit doigt, et comme j'avais décidé de me laisser faire, il a pris une part de plus en plus grande en moi...