lundi 03 juin 2013

Non communion

Note préliminaire : oui, ceci est le deuxième billet, sur le même sujet, coup sur coup. Le précédent était davantage un billet d'humeur. Parce qu'une heure d'adoration en union de prière mondiale, bien sûr c'est magnifique. Mais avec le contexte que j'ai pris en pleine figure samedi, et que je vais tenter d'expliquer dans le présent article, c'était très dur de me trouver en décalage, bien malgré moi.

Cela fait quelques années maintenant qu'il m'arrive, parfois, d'officier pour des cultes. J'ai eu cette chance, depuis le début de mes études de théologie, d'avoir tout à la fois une paroisse[1] particulièrement accueillante et une pasteur qui a confiance, et nous donne confiance.

D'ici quelques semaines, la paroisse sera sans pasteur, pour une année de vacance[2]. Je suis, avec d'autres, dans le panel des prédicateurs laïcs, et nous avons déjà préparé le planning pour les quelques mois à venir.

Mon prochain culte est prévu le 14 juillet. Comme à chaque fois que j'ai cette chance, j'essaie de transformer cette célébration en nouvelle occasion de fête oecuménique... J'invite des amis catholiques[3], je lance quelques petites provocations, toujours avec le sourire : "Tiens, c'est moi qui prêche ce jour là... Ca t'intéresse ?"... ;) Je tends mes petites perches dans l'espoir de créer de nouvelles passerelles, susciter des questions, des sourires, des louanges, de l'ouverture d'esprit, peut-être même des graines d'oecuménisme.

Cette fois, la formule change un peu. Le 14 juillet, c'est le deuxième dimanche du mois. Les deuxièmes et quatrièmes dimanches, ce sont des cultes avec Sainte Cène. Pour moi, cela prend une consonnance spéciale. Ce sera la seconde fois seulement ! Et à mon tour, partager le pain pour l'assemblée, offrir le vin, communier... Quelle joie ! Quelle fête !

Alors, comme chaque fois, j'invite. En précisant la Sainte Cène. Et que, selon la formule traditionnelle, "tous ceux qui reconnaissent Jésus Christ comme le Seigneur" sont invités à la table... Etonnement et joie pour la plupart, qui se réjouissent à l'avance... Et une réponse négative :
"- Tu sais que je ne pourrai pas participer..." La voix s'est faite un peu triste dans le combiné.
"- Hein ?!? Pourquoi ?!" Mais à la seconde où je pose la question, je connais déjà la réponse. L'Eglise catholique romaine demande à ses fidèles de ne pas communier à la Sainte Cène, pour éviter la confusion avec une communion pleine et entière, dans les canons de l'Eglise[4].

Je tente d'argumenter, qu'on se connaît, qu'il n'y aura pas de risque de confusion ni pour les gens présents, ni pour moi, que ce fichu principe de précaution n'a pas lieu d'être, pour une fois ! C'est peine perdue. Le devoir d'obéissance dans toute sa splendeur. Mon esprit n'est plus à la fête, seulement la séparation.

Pour moi, c'est une nouvelle déchirure. Une révélation : non seulement l'accueil eucharistique est de moins en moins possible pour les protestants, mais en plus, pour des catholiques respectueux du droit canon, l'accueil à la Sainte Cène n'est pas possible non plus ! Malgré tous les efforts d'ouverture et de pédagogie, c'est toujours une fin de non-recevoir. Là, je pense que beaucoup comprendront quand je dis que l'Eglise catholique romaine paraît vraiment méprisante ou orgueilleuse, au choix, vis-à-vis de ses partenaires dans l'oecuménisme...

J'en profite pour poser officiellement la question à mes lecteurs ayant quelques compétences en droit canonique : de même qu'on peut demander un accueil eucharistique à l'évêque de manière exceptionnelle, peut-on demander une dérogation pour un accès à la Sainte Cène ? Est-ce prévu quelque part en droit canonique ou je mets encore les pieds là où je ne devrais pas ? Faut-il que je travaille Unitatis Redintegratio[5] dans tous les sens pour en trouver une interprétation qui convienne ?

En fait ces journées à la con, ça te fait te sentir vivant,
ça me fait écrire des textes bien écorchés comme avant...
Grand Corps Malade, Jour de doute

Edit du 05 juin : j'ai ajouté le lien vers l'encyclique de 2003 exprimant la demande faite aux catholiques de ne pas communier hors de l'Eglise Catholique Romaine.
Merci au pasteur Pernot de l'Oratoire, et à son blog très précis sur la question.

Notes

[1] Je parle de la paroisse protestante ; je fréquente tout aussi assidûment la paroisse catholique, mais mes limitations y sont autrement plus importantes...

[2] Il n'y a pas de faute d'orthographe, c'est bien une vacance pastorale, et je vous prie de croire que ce sera loin d'être des vacances !

[3] Voire athée...

[4] Le texte exact est : "Les fidèles catholiques, tout en respectant les convictions religieuses de leurs frères séparés, doivent donc s'abstenir de participer à la communion distribuée dans leurs célébrations, afin de ne pas entretenir une ambiguïté sur la nature de l'Eucharistie et, par conséquent, manquer au devoir de témoigner avec clarté de la vérité." Ecclesia de Eucharistia, §30

[5] Texte de Vatican II concernant plus particulièrement l'oecuménisme, NDA

dimanche 26 septembre 2010

Le chemin est semé d'embûches

Il a une gueule d'ange, un sourire malicieux, des yeux qui transpercent autant qu'ils brillent, et des mains d'icône, aux longs doigts très fins... Son physique tranche étrangement avec la sévérité de sa mise, toujours du noir le plus profond, excepté le petit carré blanc du col romain, qui le fait identifier immédiatement comme un prêtre. Il m'effraie, un peu, et sa rigueur ne s'atténue que faiblement lorsqu'il revêt l'aube, pour se draper de son amour envers le Seigneur.

Lorsque, vendredi, je viens quérir auprès de lui le sacrement de Réconciliation, il me demande mon parcours, si j'ai reçu le baptême. Il a bien remarqué que si je suis au premier rang lors de la messe, je ne communie jamais. Je lui explique mon mélange, mon enfance passée dans une éducation multiple, l'obligation de choisir une confession, mon refus devant ce choix, et ma résignation. Inflexible, il me refuse l'accès au sacrement.

Détresse : qu'ai-je fait de mal ?
Colère : il n'a rien compris au sens du message de Jésus, qui accueillait les pécheurs !
Tristesse : le chemin de l'unité est fort long, et semé de tellement d'embûches...

S'ensuit une très longue nuit, une très longue journée, ressassées, remplies de prières, une surtout : ne pas céder à la colère, si facile. Beaucoup de doutes : suis-je donc un monstre, pour que l'on n'accepte pas ce que je représente ? Suis-je un élément si dangereux pour la bonne marche de l'Eglise, qu'il faille me réduire à néant, me ranger dans les ennemis, me refuser la moindre parcelle de la vie en Eglise ? Suis-je vraiment si hérétique que cela, d'oser imaginer une Eglise universelle, une qui respecte la prière sacerdotale de Jésus : "qu'ils soient un comme nous sommes un[1]" ? J'ai mal, très mal...


***

Lui a les cheveux blancs, des manières un peu bourrues, un bon sens paysan et est vêtu comme n'importe quel grand-père heureux. Seuls signes particuliers, son sourire pour chacun, et ses yeux pétillants au fond desquels on pourrait sans doute se représenter la joie pure du Christ ressuscité.

Ce matin, lors de la messe, il a cité :

Dieu m'a créé pour une tâche précise à son service ; il m'a confié un travail que moi seul peux accomplir et nul autre. J'ai une mission ; je peux ne pas la connaître tout au long de cette vie, mais elle me sera révélée dans l'autre. Je suis un maillon d'une chaîne, un lien entre des êtres. Il ne m'a pas créé pour rien.
John Henry Newman[2]
Méditations on Christian Doctrine

L'eucharistie a pansé en partie ma blessure. Mais plus que le sacrement, ces mots ont été pour moi signe d'espoir. S'il m'a confié un travail, que nul autre ne peut accomplir, je le ferai.

J'ai mal. Je ne comprends pas toujours ce que Dieu attend de moi. Mais j'essaierai de répondre à Son appel.

Notes

[1] Jean 17, 21

[2] JH Newman est un théologien anglican converti au catholicisme au XIXe siècle et devenu cardinal, béatifié par Benoît XVI lors de son récent voyage au Royaume-Uni. (NDLR : le fait que ce personnage, juste béatifié, soit lui aussi un "mélange" n'est pas pour me déplaire...)

mercredi 20 mai 2009

Finalement, c'est non

Ah, ils ont de l'humour, ou alors ils aiment jouer au ping-pong... Souvenez-vous : lorsque j'ai évoqué un possible accueil eucharistique à l'occasion du baptême de ma fille, le curé m'a conseillé d'écrire à l'évêque, ce que j'ai fait. La réponse ne s'est pas faite attendre, mais est décevante et ambigüe : ni oui, ni non, me renvoyant auprès du curé. Soit. Je m'en vais donc écrire un mail au curé, qui me répond "Il faudrait que vous en parliez avec le prêtre qui célèbrera le baptême".

Là, je commence à m'impatienter, mais passons. Ce soir, j'ai rencontré le prêtre avec qui nous allons, effectivement, préparer la cérémonie baptismale. Lorsque je pose la question de la communion, il tente lui aussi d'éluder : "le curé vous a donné la réponse de l'évêque ?", à quoi je réponds par la négative.

Alors, l'air un peu coupable (ou gêné, je ne sais), il m'explique que l'évêque n'est pas vraiment pour ce genre de pratique (j'avais cru comprendre), et qu'il (le prêtre) n'est pas autorisé à pratiquer officiellement un accueil eucharistique. Quand je lui fais remarquer que l'accueil à la table eucharistique se pratiquait il y a 25 ans, il me demande si c'était de façon officielle. Oui, tout à fait officielle, avec dérogation de l'évêque, et invitation du prêtre pendant la messe, à ce que tout le monde puisse communier...

Mon insistance le contrarie. Je ne veux pas encore penser que tout est perdu. Pour moi, c'est un coup de massue, le recul dont parlait Authueil et auquel je ne voulais pas croire. Il finit par me répondre que "chacun est libre de décider en son coeur s'il communie ou pas", mais qu'il "ne peut pas rompre la communion avec son évêque". C'est une réponse que je trouve bâtarde, et je lui dis : officiellement, on refuse catégoriquement, officieusement, aucun prêtre ne me refusera le Corps du Christ si je me présente devant lui.

J'abandonne. Nous prenons les dates pour les réunions de préparation au baptême. Pour la célébration du baptême lors de la messe (plutôt que juste après, en comité restreint), là aussi, impossible de négocier.

Je ressors en état d'hébétude. Je n'arrive pas à me faire à l'idée que c'est non, et non négociable. Sans entretien, sans discussion. Pourquoi une ouverture qui se pratiquait il y a une vingtaine d'années, ne s'imagine même plus maintenant ?? Les protestants, après avoir été des frères, seraient redevenus des hérétiques ? Au gré des monarques, on a eu l'Edit de Nantes et puis sa révocation ; au gré des évêques, on met en place Vatican II et puis on laisse tomber ?

Je ne peux m'empêcher de penser à la levée d'excommunication des lefebvristes : eux sont de nouveau accueillis à la table du Christ, tandis que les protestants en sont bannis, et ce alors que le dialogue de l'Eglise catholique avec les traditionnalistes me semble plus mince et plus récent que celui qu'elle peut avoir avec les protestants...

Les mariages interconfessionnels sont possibles depuis Vatican II. L'Eglise catholique ne se doutait-elle vraiment pas qu'un jour, des hybrides comme moi apparaîtraient ? J'ai une double culture et on ne peut pas me l'enlever. Je refuse d'abdiquer l'une pour l'autre, je souhaite continuer à pratiquer ma foi plurielle. Quelle place puis-je avoir dans l'Eglise ?