Le chemin est semé d'embûches
Par Tigreek le dimanche 26 septembre 2010, 23:23 - Oecuménisme au quotidien - Lien permanent
Il a une gueule d'ange, un sourire malicieux, des yeux qui transpercent autant qu'ils brillent, et des mains d'icône, aux longs doigts très fins... Son physique tranche étrangement avec la sévérité de sa mise, toujours du noir le plus profond, excepté le petit carré blanc du col romain, qui le fait identifier immédiatement comme un prêtre. Il m'effraie, un peu, et sa rigueur ne s'atténue que faiblement lorsqu'il revêt l'aube, pour se draper de son amour envers le Seigneur.
Lorsque, vendredi, je viens quérir auprès de lui le sacrement de Réconciliation, il me demande mon parcours, si j'ai reçu le baptême. Il a bien remarqué que si je suis au premier rang lors de la messe, je ne communie jamais. Je lui explique mon mélange, mon enfance passée dans une éducation multiple, l'obligation de choisir une confession, mon refus devant ce choix, et ma résignation. Inflexible, il me refuse l'accès au sacrement.
Détresse : qu'ai-je fait de mal ?
Colère : il n'a rien compris au sens du message de Jésus, qui accueillait les pécheurs !
Tristesse : le chemin de l'unité est fort long, et semé de tellement d'embûches...
S'ensuit une très longue nuit, une très longue journée, ressassées, remplies de prières, une surtout : ne pas céder à la colère, si facile. Beaucoup de doutes : suis-je donc un monstre, pour que l'on n'accepte pas ce que je représente ? Suis-je un élément si dangereux pour la bonne marche de l'Eglise, qu'il faille me réduire à néant, me ranger dans les ennemis, me refuser la moindre parcelle de la vie en Eglise ? Suis-je vraiment si hérétique que cela, d'oser imaginer une Eglise universelle, une qui respecte la prière sacerdotale de Jésus : "qu'ils soient un comme nous sommes un[1]" ? J'ai mal, très mal...
***
Lui a les cheveux blancs, des manières un peu bourrues, un bon sens paysan et est vêtu comme n'importe quel grand-père heureux. Seuls signes particuliers, son sourire pour chacun, et ses yeux pétillants au fond desquels on pourrait sans doute se représenter la joie pure du Christ ressuscité.
Ce matin, lors de la messe, il a cité :
Dieu m'a créé pour une tâche précise à son service ; il m'a confié un travail que moi seul peux accomplir et nul autre. J'ai une mission ; je peux ne pas la connaître tout au long de cette vie, mais elle me sera révélée dans l'autre. Je suis un maillon d'une chaîne, un lien entre des êtres. Il ne m'a pas créé pour rien.
John Henry Newman[2]
Méditations on Christian Doctrine
L'eucharistie a pansé en partie ma blessure. Mais plus que le sacrement, ces mots ont été pour moi signe d'espoir. S'il m'a confié un travail, que nul autre ne peut accomplir, je le ferai.
J'ai mal. Je ne comprends pas toujours ce que Dieu attend de moi. Mais j'essaierai de répondre à Son appel.
Commentaires
Ma chère Tigreek,
tes deniers articles sont tous emprunt d'une telle tristesse, ils montrent tous une telle difficulté à vivre l'œcuménisme au quotidien, pour tout te dire, ils me bouleversent tellement que je n'arrive pas à mettre de mots...
J'ai vraiment du mal à comprendre qu'un prêtre puisse te refuser le sacrement de réconciliation. Au nom de quoi, pourquoi ?
J'imagine ta souffrance, ça doit être si dur de ne pas trouver sa place.
Et j'ose une question : pourquoi ne communies-tu jamais ?
Je t'embrasse bien fort... pourrais-tu une fois me donner ton prénom ? C?est si bizarre pour moi de prier pour "Tigreek"...
à bientôt
@ Marie-Anne : il est vrai que certains moments sont plus difficiles à vivre que d'autres. Partager deux cultures est une immense richesse, un peu comme si on m'avait donné deux fois plus de chance d'atteindre Dieu un jour... Mais lorsqu'il y a tension, lorsque les points de vue divergent, lorsque les dogmes s'opposent, lorsque la vie même oblige à des choix qu'on aimerait ne pas avoir à faire, là c'est dur. Choisir, c'est renoncer. Pas renoncer à un bonbon, ou au plaisir d'une paire de chaussures supplémentaire ; renoncer à une partie de moi, à quelque chose qui me manquera, au fond de moi. C'est difficile à expliquer... Imagine qu'on te donne le choix entre aller à la messe tous les dimanches, ou bien aller à Paray en pélerinage ; mais tu ne peux pas faire les deux. Tu te dis que ce n'est pas la même chose mais complémentaire, que tu peux très bien combiner ces deux célébrations de ta foi, que ce n'est pas incompatible ? L'un ou l'autre te manquerait si tu ne pouvais pas y participer ? Pour moi, c'est pareil...
C'est la première fois qu'on me refuse ce sacrement. Pourquoi ? Parce que le prêtre a considéré que je n'accepte pas la foi catholique comme il l'envisage, c'est-à-dire avec une confiance totale et exclusive envers l'Eglise catholique (et il a insisté sur le ministère ordonné et le Magistère). Du coup (si j'ai bien compris, mais seul lui pourrait expliquer son geste ici), il a craint que le sacrement donné n'ait été souillé, galvaudé, il a eu peur que je prenne à la légère le pardon de Dieu. Je crois que c'est le même principe qui fait que les divorcés remariés n'ont pas accès au sacrement du pardon non plus.
Quant à communier, cela m'est impossible : officiellement, je ne suis pas catholique. J'ai reçu le baptême, le double catéchisme catholique et protestant... Et le moment si terrible du choix est arrivé. Je ne voulais pas choisir. J'aurais voulu recevoir deux fois la confirmation, mais il parait que ce n'était pas possible. J'ai pris la voie la plus difficile. Pour ne pas tricher. Et aujourd'hui, même si c'est ardu, je ne veux pas tricher non plus.
Je crois que l'image que tu as prise me concernant était très bien choisie... j'ai bien saisi pour le coup
Mais tu n'as pas peur que si, suite à tes études de théologie, si tu deviens comme tu l'as parfois mentionné pasteure, l'église catholique te soit vraiment fermée... si déjà on te refuse un sacrement tel que celui de réconciliation ?
@ Marie-Anne : c'est un risque... Celui de devenir un personnage public, qui soit donc trop "visible" pour qu'on puisse lui faire des concessions. Mais après tout, Frère Roger a réussi à concilier en lui foi protestante et admission dans l'Eglise catholique, alors...
Mais comme je l'ai déjà dit aussi, ce n'est pas sûr du tout que j'aie un ministère un jour... L'idée de la théologie a amené celle du ministère, mais ce n'est pas un parcours obligé !
Ce soir dans ma boîte aux lettres j'avais la lettre de la paroisse qui annonce les activités du mois à venir. J'y ai trouvé cette citation, que je trouve très juste :
Très belle citation !
J'espère ne pas trop te soûler avec toutes mes questions...
@ Marie-Anne : C'est drôle, une lectrice de ce blog, qui n'ose pas mettre de commentaire mais avec qui je corresponds régulièrement, m'a dit exactement la même chose que toi !
Tu auras donc la même réponse : si ce blog existe, c'est justement pour que tous ceux qui ne sont pas "tombés dans la marmite" de la double culture comme moi, puissent poser toutes leurs questions... Sois toujours la bienvenue sur ces pages