Qui a besoin de nous ?
Par Tigreek le mardi 21 septembre 2010, 23:19 - Oecuménisme au quotidien - Lien permanent
Ca commence avec une découverte. Une découverte de l'autre, de sa richesse, de sa différence. Une (re)découverte de sa foi, de ses doutes, de sa soif de vie spirituelle féconde plutôt qu'une croyance stérile.
Et un jour, on veut se marier. Comme chacun tient à sa confession, on cherche comment concilier l'amour que l'on éprouve l'un pour l'autre, avec l'attachement que l'on voue à son Eglise. On s'aperçoit qu'on dérange, ici davantage que là, selon le vécu de la personne à qui l'on s'adresse...
L'amour qui nous paraissait si simple et capable d'abattre toutes les barrières se trouve soudain au pied du mur, face aux institutions et l'absurde de lois humaines. On ne comprend pas, on se fâche, on se révolte... Puis finalement on choisit, on renonce, on prépare. L'amour seul semble pouvoir panser les blessures, les incompréhensions.
Une petite graine, plantée dans un terreau hybride maladroitement mélangé, plus ou moins judicieusement arrosée, finit par germer. Une petite pousse, puis deux, sortent à la lumière. Elles ont la chance d'être bien exposées, ces petites plantes, elles reçoivent la lumière par deux grandes baies vitrées, dans la maison, alors que d'autres doivent se satisfaire d'un petit soupirail...
Etre jardinier avec d'aussi fragiles pousses n'est pas évident. On aimerait les protéger, les mettre à l'abri de toute atteinte, tout en s'assurant que quelqu'un veillera toujours sur elles, même si l'on vient à défaillir. On voudrait leur garder une jolie place au soleil, qu'elles puissent garder leur belle exposition...
Le baptême d'enfants nés de couples mixtes est aujourd'hui plus facile, mais on sent bien que l'on dérange, encore une fois. Tentés d'abandonner, on garde quand même espoir, accepte des concessions, encore, tout en ayant l'impression de devoir abandonner une partie de soi à la porte. C'est un peu comme si les gonds étaient grippés par le temps, on ne peut pas ouvrir beaucoup et on doit se faufiler...
Quant à partager le coeur de notre foi, ce que nous célébrons tous mais manifestement de façon inacceptable les uns pour les autres, il en est pour le moment hors de question. Jésus est allé manger chez Zachée, et à l'époque les autres n'ont pas compris son geste[1]. Aujourd'hui, chez qui irait Jésus ? Qui sont les autres ? Refuseraient-ils à nouveau d'entrer et partager le repas avec lui ?
Comment exprimer la souffrance de sentir le rejet, comme Zachée, quoi qu'on fasse ? Ceux qui ont lu "Le voyage des pères"[2], n'ont-ils pas compris que ce n'était pas aussi simple, qu'on n'était pas bêtement blanc ou noir, avec la révolte d'Alphée ?
Jésus avait besoin de Zachée, le bon berger a besoin de retrouver sa brebis perdue. Aujourd'hui, qui a besoin de nous ? Qui a besoin de brebis, ni blanches dans un troupeau noir, ni noires dans un troupeau blanc, mais grises allant d'un troupeau à un autre ? Le Berger ne voudra-t-il pas regrouper toutes ses brebis dans la même bergerie pour les garder à l'écart des prédateurs ? Le but de chaque brebis est-il de chercher la bergerie, fut-elle vide, ou de trouver son Berger ?
Commentaires
Que voilà de bonnes questions, judicieuses et dérangeante à souhait ! Je n'ai pas l'occasion de partager votre expérience, étant pour ma part catholique, issue de deux parents catholiques. Néanmoins, l'ouverture de mes parents aux autres confessions chrétiennes (orthodoxes et protestantes) m'a appris à toujours considérer les 'autres' comme des frères. Et je souffre aussi des oppositions, des incompréhensions, des refus et de tout ce qui va contre l'Unité de l'Eglise universelle (certes bien moins directement que vous-même). Pour autant, et visiblement comme vous-même, je ne sacrifie pas au désir d'unité la vérité des différences doctrinales. Sur ce point, votre cohérence et votre humble obéissance (notamment dans votre décision de ne pas recevoir le Saint-Sacrement lors de votre participation à l'Eucharistie) me semblent être les éléments d'une démarche vraiment respectueuse. Il ne s'agit pas chez vous de nier les différences, ou de les écraser, mais de les assumer, et en ce sens vous ouvrez la possibilité que les deux confessions se rejoignent sans qu'il ne soit nécessaire de renoncer aux éléments essentiels de l'une ou de l'autre. Voilà qui force mon admiration ! Voilà comment agit un vrai acteur de l'Unité !
Il est dommage que certains ne parviennent pas à comprendre votre démarche. Même si je trouve pour ma part toujours nécessaire de se référer au Droit Canon, et partant, de ne pas donner les Sacrements sans aucune condition, je suis également persuadé que nous devons au témoignage de la miséricorde et de la grande capacité d'accueil de Notre Seigneur de savoir appliquer la Loi avec Charité, en comprenant son sens profond, non de façon bornée et aride. J'irai jusqu'à dire qu'il vaut mieux s'autoriser un accroc aux lois ecclésiales que de se permettre un refus de Charité -mais je pense que vous penserez, comme moi, que cela ne peut être ériger en principe, au risque de justifier tout et n'importe quoi-.
Puisse l'Esprit souffler en nos coeurs et inspirer les responsables de l'Eglise catholique comme ceux des communautés protestantes, et tout le Peuple des Chrétiens, afin d'ouvrir nos intelligence à une compréhension renouvelée de la Loi, et d'ouvrir nos coeurs et nos facultés de jugement à la Charité, à un vrai accueil de l'Autre, respectueux de la différence et de la Personne, dans la Vérité. (Vaste programme, j'en conviens. Mais rien n'est impossible à Dieu, qu'Il a dit... Chiche ! ^^)
@ C.S. Indhal : merci pour votre passage par ici et pour votre message
Quant à l'Esprit : il souffle où il veut... Nous entendons sa voix mais elle est peut-être parfois étouffée par des dédales que nous construisons, ou par des hauts murs que nous érigeons... Ceci étant, j'aime votre dernier mot : chiche !