Mot-clé - Couples mixtes

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mardi 21 septembre 2010

Qui a besoin de nous ?

Ca commence avec une découverte. Une découverte de l'autre, de sa richesse, de sa différence. Une (re)découverte de sa foi, de ses doutes, de sa soif de vie spirituelle féconde plutôt qu'une croyance stérile.

Et un jour, on veut se marier. Comme chacun tient à sa confession, on cherche comment concilier l'amour que l'on éprouve l'un pour l'autre, avec l'attachement que l'on voue à son Eglise. On s'aperçoit qu'on dérange, ici davantage que là, selon le vécu de la personne à qui l'on s'adresse...

L'amour qui nous paraissait si simple et capable d'abattre toutes les barrières se trouve soudain au pied du mur, face aux institutions et l'absurde de lois humaines. On ne comprend pas, on se fâche, on se révolte... Puis finalement on choisit, on renonce, on prépare. L'amour seul semble pouvoir panser les blessures, les incompréhensions.

Une petite graine, plantée dans un terreau hybride maladroitement mélangé, plus ou moins judicieusement arrosée, finit par germer. Une petite pousse, puis deux, sortent à la lumière. Elles ont la chance d'être bien exposées, ces petites plantes, elles reçoivent la lumière par deux grandes baies vitrées, dans la maison, alors que d'autres doivent se satisfaire d'un petit soupirail...

Etre jardinier avec d'aussi fragiles pousses n'est pas évident. On aimerait les protéger, les mettre à l'abri de toute atteinte, tout en s'assurant que quelqu'un veillera toujours sur elles, même si l'on vient à défaillir. On voudrait leur garder une jolie place au soleil, qu'elles puissent garder leur belle exposition...

Le baptême d'enfants nés de couples mixtes est aujourd'hui plus facile, mais on sent bien que l'on dérange, encore une fois. Tentés d'abandonner, on garde quand même espoir, accepte des concessions, encore, tout en ayant l'impression de devoir abandonner une partie de soi à la porte. C'est un peu comme si les gonds étaient grippés par le temps, on ne peut pas ouvrir beaucoup et on doit se faufiler...

Quant à partager le coeur de notre foi, ce que nous célébrons tous mais manifestement de façon inacceptable les uns pour les autres, il en est pour le moment hors de question. Jésus est allé manger chez Zachée, et à l'époque les autres n'ont pas compris son geste[1]. Aujourd'hui, chez qui irait Jésus ? Qui sont les autres ? Refuseraient-ils à nouveau d'entrer et partager le repas avec lui ?

Comment exprimer la souffrance de sentir le rejet, comme Zachée, quoi qu'on fasse ? Ceux qui ont lu "Le voyage des pères"[2], n'ont-ils pas compris que ce n'était pas aussi simple, qu'on n'était pas bêtement blanc ou noir, avec la révolte d'Alphée ?

Jésus avait besoin de Zachée, le bon berger a besoin de retrouver sa brebis perdue. Aujourd'hui, qui a besoin de nous ? Qui a besoin de brebis, ni blanches dans un troupeau noir, ni noires dans un troupeau blanc, mais grises allant d'un troupeau à un autre ? Le Berger ne voudra-t-il pas regrouper toutes ses brebis dans la même bergerie pour les garder à l'écart des prédateurs ? Le but de chaque brebis est-il de chercher la bergerie, fut-elle vide, ou de trouver son Berger ?

Notes

[1] Luc 19, 2-9

[2] Le Voyage des pères, David Ratte, Paquet, 2009

mercredi 10 mars 2010

Montre-moi ta maison, je te dirai qui tu es

Dans la ville, épargnée par les folies des promoteurs, il fait bon se promener parmi les maisons individuelles, serrées les unes contre les autres ou posées dans un écrin de verdure. Au fil des rues, chacune décline son identité, laissant imaginer au passant ce que peuvent être les habitants invisibles et leur caractère. Ici, c'est un couple, sans doute retraité, dans une maison bien sage, presque stricte, où chaque chose est à sa place, la pelouse à l'anglaise soigneusement taillée ; rien ne traîne, et on imagine aisément que dedans, tout est aussi bien rangé, dans un décor minutieusement pensé, épuré, presque minimaliste et tout en raffinement discret. Là, c'est une famille avec un chien : la pelouse est marquée par les empreintes de pattes et de pas, divers jouets sont semés un peu partout comme autant d'invitations ; aux fenêtres, des rideaux aux couleurs vives, et la porte ouverte du garage laisse entrevoir un joyeux bazar de matériel, vélos, jouets, vêtements remisés... A côté, c'est un amoureux du jardinage : dans un terrain plutôt vaste pour une ville, alternent fleurs et rangs de légumes ; la cabane qu'on devine au fond déborde d'outils et parfois, comme un escargot sort de sa coquille après l'averse, le propriétaire profite du soleil hivernal pour entretenir ses cultures. Il y a aussi la maison qui vient d'être rachetée : voilà un mois qu'elle est en travaux, on voit les camions amener des bennes, repartir avec des monceaux de béton, plâtre, gravats, puis les parpaings arriver, la physionomie de la bâtisse se transformer ; c'est une chrysalide, on attend que le papillon se montre !

On imprime à notre environnement ce que l'on est. Une même habitation occupée par deux familles différentes aura deux ambiances plus ou moins dissemblables. Je crois qu'il en est de même pour la foi : chacun "aménage" son coeur selon ce qu'il est. Bien sûr, il y a des ressemblances : dans chaque maison on trouve une cuisine, une ou plusieurs chambres, des toilettes ; dans chaque chrétien on retrouve la foi en la Trinité, la résurrection, le pardon. Mais David l'a déjà dit mieux que moi, chacun vit sa foi selon son caractère, construit et agence sa maison au fur et à mesure de sa vie. Parfois on commence par creuser les fondations, ça prend du temps, et le chantier peut être arrêté pour cause de mauvais temps... D'autres achètent une maison déjà faite, l'aménagent à leut goût... D'autres encore finissent par se rendre compte qu'ils étouffent dans leur propre coeur, alors qu'ils pensaient avoir bâti un palais ; alors ils rasent tout et recommencent.

Et puis, il y a les mélanges. Ceux et celles qui grandissent entre deux cultures, entre deux confessions ou religions. Une maison d'un genre nouveau : une église avec un minaret ; un temple avec des icônes... Ca peut paraître étrange, kitsch, voire vulgaire. Mais quand c'est sa propre maison... On y prend goût ! Alors, au moment de créer sa propre habitation, on demande un permis de construire, pour un temple avec un clocher. Mais les architectes ne l'entendent pas de cette oreille !

Imaginez... Lors d'un divorce, le juge demande aux enfants, dans la mesure de leurs capacités, de choisir s'ils veulent habiter avec leur père ou leur mère. Certains optent pour la résidence alternée, ce qui leur permet de profiter de deux ambiances différentes, et surtout de chacun de leurs parents, dans son environnement. Dans l'état actuel de l'oecuménisme, si l'on respecte les règles des clergés, la résidence alternée n'existe pas. Et pour moi, aucun enfant (et l'on reste toujours l'enfant de ses parents !) ne devrait avoir à faire ce choix.

lundi 29 juin 2009

Préparation de baptême

C'est en couple, en ayant laissé notre fille aux bons soins de sa grand-mère, que nous avons participé à une réunion de parents, préparatoire au baptême prévu au mois d'août. Cette réunion était organisée par la paroisse catholique : le nombre de baptêmes qui y est célébré (plus de 300 par an) demande une organisation rigoureuse, sans faille, dans laquelle on est sensés se mouler, sous peine de ne pas pouvoir célébrer le baptême (ce qui s'est passé l'an dernier pour nous).

Notre ressenti de cette séance est mitigé. Moins négatif que l'an dernier toutefois, où mon désarroi était total : malgré mes demandes, le baptême de notre fille était pris comme un "classique" baptême catholique. Les laïques qui forment l'équipe de préparation au baptême ne sont manifestement pas formés à accueillir des foyers mixtes. Or pour nous, conscients de représenter une union particulière, il est vraiment important de transmettre l'ensemble de la culture chrétienne que nous avons reçue. Cela signifie que nous ne pouvons accepter que seul un prêtre officie lors du baptême de notre enfant.

Bien sûr, nous dérangeons. Nous avons conscience de déranger. Mais nos interrogations, nos désirs d'unité, d'ouverture, ne peuvent pas rester muets. Et pour tous ces parents catholiques, nous nous devons de reprendre certaines assertions : non, baptiser un enfant ne veut pas dire "choisir la religion catholique" pour son enfant. Suite au concile et aux discussions oecuméniques, le baptême est le SEUL sacrement actuellement partagé par l'ensemble des Eglises chrétiennes. Un baptême n'est pas catholique, orthodoxe, protestant, anglican : il est chrétien. Certes, il sera célébré dans une des Eglises, si ce n'est par tradition parentale, ce sera par contingence pratique. Mais il est universel : un catholique ne sera pas rebaptisé s'il choisit de partager la confession protestante, ou inversement.

De notre côté, ce qui nous gêne, c'est (en apparence) l'imposition de dogmes, sans beaucoup de possibilité de débat. L'animateur nous invite à nous exprimer, mais il a toujours le dernier mot. Et le prêtre qui termine la réunion répond à des interrogations remontées par les animateurs, sans retour. Lors de notre rencontre avec la pasteur, nous avons expliqué pourquoi nous voulions faire baptiser notre fille, comment nous voyions le sacrement. Elle nous a donné la position communément admise dans l'Eglise réformée, a pris des textes de la Bible pour nous donner l'origine et la justification du baptême. Nous avons discuté de nos doutes, de notre foi, de ce que nous voulons transmettre, de l'engagement que nous avons pris à notre mariage...

Bref. Pour ma fille je ne voulais pas céder à la facilité, mais si un jour elle a un petit frère ou une petite soeur, il a des chances que cet enfant soit baptisé au temple... Ce sera plus facile d'inviter un prêtre au temple, que d'essayer d'imposer une ouverture dont l'Eglise catholique ne semble plus vouloir.

lundi 23 février 2009

L'oecuménisme, une histoire de famille

Quatre générations. Quatre étapes mêlant histoire des Eglises et histoire familiale. Ou le témoignage des progrès dans l'unité chrétienne au cours des 60 dernières années...

1948, première génération. Un catholique épouse une protestante. La cérémonie se passe au temple, la future épouse ayant refusé de se marier à l'église, car elle savait qu'on lui demanderait d'élever ses enfants dans la foi catholique. L'époux, n'ayant pas le droit de se marier au temple, est excommunié. De fait, il devient protestant, accueilli dans la communauté de son épouse.

1980, deuxième génération. Bis repetita : une fille du premier couple épouse un catholique. La cérémonie se passe de nouveau au temple, mais le fiancé a demandé à l'évêque de son diocèse l'autorisation de se marier avec une conjointe non catholique. Les époux conservent chacun leur confession et peuvent la pratiquer librement.

Ce jeune couple se pose alors la question de tous les couples interconfessionnels : quelle éducation religieuse donner à leurs enfants ? Dans certaines familles, c'est la confession maternelle qui prime, dans d'autres, celle du père, pour des raisons diverses, ou en suivant des coutumes régionales... Dans le cas qui nous intéresse, les parents décident de faire suivre, autant que possible, les deux catéchismes à leurs enfants.

2004, troisième génération. Ter repetita : vous l'aurez compris, bien qu'ayant reçu les deux catéchismes, je suis officiellement de confession réformée, et ma tendre moitié est catholique. De nouveau, un mariage au temple ; les mariages interconfessionnels sont devenus monnaie courante, et la préparation de la cérémonie ne présente pas de difficulté particulière.

2009, quatrième génération. Elle se prépare à recevoir le baptême... Baptême oecuménique, la question ne se pose pas ! Mais notre interrogation n'a pas changé : dans quelle Eglise grandira-t-elle ?