vendredi 15 juillet 2016

Triste communion

Il y a quelques jours, j'entendais les nouvelles annonçant un attentat à Istanbul. La violence montant en Turquie. Je pensais à cette amie rencontrée il y a des années, alors que je commençais tout à la fois mes études et ma vie d'adulte s'ouvrant au monde... Nous avions eu des tas de discussions, sur nos cultures, nos religions, la laïcité, l'intérêt pour les autres. Elle me racontait son souhait de finir ses études de médecine en France, pratiquer peut-être quelque temps, puis retourner chez elle, à Istanbul, pour transmettre et faire grandir son pays, là-bas, ce pays qu'elle aimait profondément. J'aimais les petites étoiles dans ses yeux et son sourire un peu énigmatique quand elle nous parlait de sa famille... Alors l'actualité m'a rappelé cette amie... Nous avons perdu contact, au fil des années.

Je me demandais ce qu'elle était devenue. J'ai commencé à écrire ce billet, avec ce titre. Parce que je trouvais un peu dommage de me souvenir d'elle à ce moment-là.

Et puis il y a eu le décès de mon grand-père. Rien à voir, me direz-vous. Il est mort à 98 ans, dans son lit. Oui mais la famille s'est trouvée, momentanément, plus unie que jamais. Comme si la perte rapprochait, inexorablement.

Hier soir, un homme a pris le volant d'un camion, à Nice. Peu importent ses motivations. Il s'est cru dans un jeu vidéo peut-être, ou il a perdu toute conscience. Il a joué aux quilles. Sauf que c'était avec des vraies personnes. Quatre-vingt-quatre. Hommes, femmes, enfants, de toutes religions, de toutes couleurs, des êtres humains comme vous et moi.

Cela fait dix-huit mois que la haine explose, un peu partout, en actes aveugles. Non, la France n'est pas la seule touchée, bien sûr il y a plein d'autres drames, bien sûr il faut lutter pour tout cela. En attendant, nous sommes tous unis, dans cette triste communion.

Et maintenant ? Je ne crois pas à la force des armes. Je crois en l'éducation et en l'amour. Et je voudrais que Paul ait raison : "Là où le péché abonde, la grâce surabonde" (Romains 5, 20)...

lundi 02 avril 2012

Grâce et souffrance

Eloi, Eloi, lama sabacthani... A la mode, cette phrase ? Oui, sans doute car c'est la période... Vivre la Passion tout en connaissant la puissance d'espérance de la résurrection... Jésus a-t-il douté sur la croix ?

Bien sûr que non, diront les exégètes de tout poil, qui auront reconnu le psaume 22 (21)... Ce psaume des ténèbres, basculant aux deux tiers pour finir en cri de louange, préfigure sans aucun doute aux yeux du chrétien le sort qui attendra Jésus.

Bien sûr que oui, disent les partisans de la théologie dyophysite[1] ! Puisque Jésus est tout homme, il faut bien qu'il aie connu le doute, lui aussi ; la peur, l'angoisse, jusqu'au tréfonds de lui-même, jusqu'au bout de ses convictions.

Et pourquoi cela n'aurait-il pas été un cri de souffrance mais aussi d'espoir ? De l'auto-persuasion pour passer au delà de l'épreuve qui consistait quand même, excusez-moi du peu, à mourir ! Ce psaume, il le connaissait forcément. S'il en connaissait le dénouement, peut-être l'a-t-il choisi précisément parce que sa situation, cloué au bois de la croix, correspondait au dénuement[2], à la supplique désespérée du psalmiste au début du texte.

Il est impossible de souffrir, de mourir à la place de quelqu'un en grande détresse physique, psychique ou spirituelle. Mais à ses côtés, peut-être est-il possible de rappeler ce psaume, et son verset charnière : "Tu m'as répondu !"[3]. Oui, la douleur est là. Elle est terrible. Opaque. Étouffante. Elle empêche de voir autre chose. Elle aveugle le cœur et l'esprit. Elle empêche de penser, de raisonner. Elle transforme tout autour, de mal en pis. Mais il y a quelque chose, après. C'est comme la fumée dans un incendie : elle est toxique, irrespirable, elle affaiblit, oblige à se courber, se baisser, aller presque jusqu'au sol. Mais si l'on peut lui échapper, dehors, il y a de l'air frais.

Il faut cheminer par la Passion. Mais nous, chrétiens, savons qu'au bout, il y a la Résurrection. Bonne semaine sainte.

Notes

[1] mot barbare s'il en est, qui signifie "deux natures", pour exprimer toute la divinité et l'humanité de Jésus, réunies en un seul être... Oui, je sais, mon cours d'histoire du christianisme sur le concile de Chalcédoine tombe à pic !

[2] oui, sans le 'o', ici

[3] verset 22

vendredi 22 avril 2011

Chemin de croix

Cela va peut-être vous paraître étrange, mais ce midi, c'est la première fois que j'ai participé à un chemin de croix. Un "vrai", une célébration en assemblée, pour le vendredi saint... Bon, en y réfléchissant, le deuxième en fait, mais le premier était particulier, en plein air, à Lourdes, un chemin de croix grandeur nature avec une vraie croix à porter ensemble, groupe d'ados que nous étions...

Étrange aussi, cette certitude d'avoir l'espoir bien planqué, bien là, niché au fond du cœur. Alors que devant sur l'autel, les bougies s'allument comme pour compter les dernières heures de Jésus ; alors qu'autour de moi les dos se voûtent, les épaules s'affaissent, quelques larmes roulent, je reste impassible. A l'extérieur en tout cas. Parce qu'à l'intérieur, ça bouillonne. Mais cette plénitude envahit tout. Ce n'est pas un manque, pas le désert, juste une certitude, une évidence qui balaie tous les doutes, toutes les souffrances : Il est là, déjà ressuscité pour nous. Oui, dans ces épreuves, même au fin fond de la mort, dans l'attente interminable, Il est là.

Le chemin de croix se termine : dernière station, espérance de la résurrection. Un chemin de croix inhabituel, dix stations, racontées selon le point de vue d'un contemporain de Jésus. Quand tout est fini, qu'il ne reste plus personne... Personne ? Si. Sa mère. Et de voir défiler dans mon esprit toutes ces mères, les dernières à baisser les bras, les premières à se battre pour leurs enfants... A remuer ciel et terre pour faire grandir celui qui, handicapé, restera toujours le "petit" frère ; à trouver les signes de présence de leur enfant disparu ; à visiter le fils qui est en prison ; à donner une seconde, troisième, ènième chance à celle dont tout le monde s'écarte car elle n'est "bonne à rien".

En revenant au bureau, je ne peux m'empêcher un sourire. Avant la pause déjeuner, des collègues me demandaient si je déjeunais avec eux. Devant mon refus, ils se sont perdus en conjectures sur ma destination, mes aventures sentimentales supposées... J'ai glissé, avec un grand sourire et un clin d’œil, "si tu savais !"... Et au retour, en y repensant, je me suis dit que oui, c'est une bien belle aventure amoureuse :)

vendredi 24 décembre 2010

La joie de l'Incarnation

Je viens de passer quatre jours particulièrement remplis, à suivre une session intensive d'hébreu qui a bien porté son nom...

Je portais jusqu'ici comme une tristesse un peu sourde, un sentiment étrange de ne pas percevoir cette attente dite par les quatre dimanches de l'Avent... Cette année, je ne sais pourquoi, le chemin était difficile, ardu, voire un peu effacé, comme un sentier qui se perd dans de hautes herbes ; du coup, impossible de voir où l'on va, et se réjouir à l'avance de ce tout-petit, et pourtant si grand, qui vient.

Et puis l'hébreu est fini, pour cette fois, en attendant le prochain devoir à remettre. Chacun est rentré chez soi, avec peut-être un petit pincement au cœur de laisser les copains et les lieux prestigieux de la fac de théo pour retourner à notre quotidien pas toujours fantasmagorique. Avec une amie, on a prolongé la rencontre en échangeant dans le train du retour. Partage sur les prochaines étapes de notre formation théologique, sur nos vies multiples, boulot, famille, théologie, à caser dans une seule existence...

Planification du travail pour mieux se motiver et réussir, découverte de la grâce que Dieu nous fait en permettant de nous connaître davantage. Échange sur nos doutes aussi, nos peurs, nos souffrances, et nos espoirs, nos joies, nos fois de mélanges chrétiens...

Un peu de place à la prière avec un chapelet... Et déguster la joie de l'attente, cette attente qui ne venait pas, accaparée par tous les soucis de ma routine chronophage... Enfin j'ai un peu de temps pour prêter l'oreille à ce murmure, à ce chant léger qui deviendra bientôt fête : demain, c'est Noël ! Et quelle grâce merveilleuse, pour les chrétiens, de réaliser que Dieu est venu parmi nous, Dieu nous a tellement aimé qu'il s'est fait homme, il a donné son fils unique pour notre salut...

Alors ce soir, malgré l'épuisement, j'ai envie de chanter, de louer... Merci mon Dieu pour cette immense grâce de l'Incarnation que tu nous donnes !

lundi 12 avril 2010

C'est trop facile...

C'est trop facile d'entrer aux églises, de déverser toute sa saleté, face au curé qui dans la lumière grise, ferme les yeux pour mieux nous pardonner...

C'est ainsi que chantait Brel dans Grand Jacques... C'est aussi l'impression que me laissent un grand nombre de personnes, dont je dirais volontiers qu'elles "hurlent avec les loups". Ouh, les vilains curés, qui sont tous des pédophiles en puissance ! Ouh, la vilaine Eglise, qui protège tous ces affreux bonshommes ! Ouh, l'horrible pape, à la tête de tout de ramassis de clercs malfaisants, et qui a sans doute été lui-même impliqué, il n'y a pas de fumée sans feu, après tout, hein ?! Et de toute façon, tout ça, c'est parce que les prêtres sont obligés d'être célibataires, on les autoriserait à se marier, ça n'arriverait pas... Ces discours sont tenus par des gens bien-pensants, qui estiment être "réalistes", qui finissent par penser réellement ce qu'ils disent. Jusqu'à des blogueurs habituellement mesurés comme Authueil, que j'admire pour sa capacité à démêler pour des "mékeskidis" comme moi les noeuds de l'Assemblée, mais qui dès qu'il s'agit de catho-bashing, est particulièrement violent...

Brel dans sa chanson, continuait ainsi :
Tais-toi donc, grand Jacques, que connais-tu du bon Dieu ? Un cantique, une image, tu n'en connais rien de mieux...

C'est trop facile de céder à la critique sans connaître. Ca n'est pas mieux de laisser libre cours à sa colère. Voilà pourquoi j'ai mis un certain temps avant de réagir. Même si je savais que je le ferais. C'est trop. Trop monté en épingle, trop de souffrances, trop de rancoeurs accumulées, trop de mots utilisés comme des armes sans qu'ils veulent dire la même chose pour l'un et pour l'autre, trop d'amalgames. Alors je vais essayer de résumer ce que je pense des scandales de pédophilie dont on parle à propos des prêtres :

  • Détruire un enfant en utilisant sa sexualité en devenir, c'est immonde. C'est irréparable. La seule chose qu'on peut faire, c'est prier pour eux et elles. Parce qu'aucune condamnation, aucune compensation financière ne peut rendre ce qui a été perdu dans un tel gâchis.
  • Utiliser un "statut", une position d'autorité, c'est un facteur aggravant.
  • Généraliser le cas de certaines exceptions à toute une catégorie, c'est du grand n'importe quoi. Pour les prêtres comme pour les professeurs, les boulangers, les animateurs de centres de vacances ou je ne sais quelle autre "catégorie" de personnes en contact avec des enfants.
  • Utiliser une cible comme une religion déjà battue en brèche par une sécularisation avançant à vitesse grand V depuis un demi-siècle, c'est l'assurance d'avoir "l'opinion publique" avec soi. Peu importe à quel prix, y compris celui de l'approximation...

Certains l'ont déjà dit mieux que moi, avec force arguments autrement plus fouillés : Koz et Armagilus chez les Sacristains, Natalia, Bashô chez le Chafouin... D'autres, au fil des jours, des articles et des attaques, ont dit leur souffrance, en plein coeur d'un Carême qui s'est révélé particulièrement éprouvant : David, Emmanuel, un ami chez Zabou...

Et puis, finalement, un manifeste de tous ceux qui refusent cet acharnement, est là, prêt à être signé : l'appel à la vérité. Parce que le Christ est venu pour tous. Pour nous sauver.

vendredi 11 décembre 2009

Absence

Lassitude ? Emploi du temps chargé ? Manque d'organisation ? Fatigue de l'hiver ? Plus d'idées en tête ?

C'est sans doute un peu de tout ça qui, pendant presque deux semaines, a tenu mes doigts (non mes pensées) quelque peu éloignés de ce blog... Ce soir, je pars à Genève pour une session de fin de semestre, dédiée aux étudiants à distance. Ce sera l'occasion de changer d'air, découvrir une ville que je n'ai jamais vue, rencontrer mes camarades étudiants "en vrai", pas seulement par webcam interposée...

Et puis il y a l'Avent, bien sûr... Noël arrive à grands pas, et chaque jour semble trop court pour passer du temps avec ma famille, prier, entrer comme je le voudrais dans tous les préparatifs ! Petit à petit, pas après pas, on arrivera à cette joie de la naissance, joie du tout-petit qui fait craquer même le plus bougon des grands-pères...

mercredi 18 novembre 2009

La croix ne sert à rien sans la résurrection

C'est une idée qui s'est imposée à moi ce matin, en priant le chapelet dans les transports en commun... L'intérêt du chapelet, c'est que la méditation des différents mystères peut donner lieu à toutes sortes de surprises, selon le contexte, l'environnement, les pensées, la réceptivité...

Lors du dernier week-end régional des jeunes protestants, plusieurs participants ont été choqués de l'insistance sur le sacrifice complet de Jésus, le fait qu'il a donné sa vie pour nous sauver. C'est vrai que voir cet aspect des choses peut mettre mal à l'aise, et s'il est relativement naturel pour un catholique qui y trouve volontiers un chemin d'humilité, il l'est nettement moins pour un protestant... Le point de vue sacrificiel n'est guère apprécié chez les réformés, qui préfèreront mettre l'accent sur le salut par la foi, par exemple. Et le malaise évoqué par les jeunes, à leur retour chez eux, est assez révélateur de la culture réformée à cet égard !

La mise à mort de Jésus est un scandale, et ne doit pas nous laisser indifférents. Mort sur une croix, qui plus est, c'est à dire une mort sous la torture. Le fait que ce sacrifice d'un innocent faisait partie des plans de Dieu, est un des grands mystères de la foi chrétienne. Nous croyons que le libre choix de cette épreuve fait la force de l'Amour de Dieu pour nous : "Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique..." (Jean 3, 16).

Mais cette mort ne serait rien, elle ne pourrait constituer à elle seule un élément de foi, s'il n'y avait pas la résurrection. Le verset précédemment cité se termine ainsi : "... afin que quiconque croit en lui ne meurt pas, mais qu'il ait la vie éternelle". Le don total, l'abandon à Dieu aboutit à la résurrection. C'est cette vie éternelle qui, pour moi, donne aux chrétiens un espoir inextinguible.

La mort, le deuil, la tristesse font partie de la vie. Mais nous croyons que l'Amour de Dieu est plus fort que la mort. Et qu'il nous relèvera, par dessus les doutes, les colères, les larmes, le découragement, les épreuves. Toujours.