C'est trop facile...
Par Tigreek le lundi 12 avril 2010, 23:57 - Actualité - Lien permanent
C'est trop facile d'entrer aux églises, de déverser toute sa saleté, face au curé qui dans la lumière grise, ferme les yeux pour mieux nous pardonner...
C'est ainsi que chantait Brel dans Grand Jacques... C'est aussi l'impression que me laissent un grand nombre de personnes, dont je dirais volontiers qu'elles "hurlent avec les loups". Ouh, les vilains curés, qui sont tous des pédophiles en puissance ! Ouh, la vilaine Eglise, qui protège tous ces affreux bonshommes ! Ouh, l'horrible pape, à la tête de tout de ramassis de clercs malfaisants, et qui a sans doute été lui-même impliqué, il n'y a pas de fumée sans feu, après tout, hein ?! Et de toute façon, tout ça, c'est parce que les prêtres sont obligés d'être célibataires, on les autoriserait à se marier, ça n'arriverait pas... Ces discours sont tenus par des gens bien-pensants, qui estiment être "réalistes", qui finissent par penser réellement ce qu'ils disent. Jusqu'à des blogueurs habituellement mesurés comme Authueil, que j'admire pour sa capacité à démêler pour des "mékeskidis" comme moi les noeuds de l'Assemblée, mais qui dès qu'il s'agit de catho-bashing, est particulièrement violent...
Brel dans sa chanson, continuait ainsi :
Tais-toi donc, grand Jacques, que connais-tu du bon Dieu ? Un cantique, une image, tu n'en connais rien de mieux...
C'est trop facile de céder à la critique sans connaître. Ca n'est pas mieux de laisser libre cours à sa colère. Voilà pourquoi j'ai mis un certain temps avant de réagir. Même si je savais que je le ferais. C'est trop. Trop monté en épingle, trop de souffrances, trop de rancoeurs accumulées, trop de mots utilisés comme des armes sans qu'ils veulent dire la même chose pour l'un et pour l'autre, trop d'amalgames. Alors je vais essayer de résumer ce que je pense des scandales de pédophilie dont on parle à propos des prêtres :
- Détruire un enfant en utilisant sa sexualité en devenir, c'est immonde. C'est irréparable. La seule chose qu'on peut faire, c'est prier pour eux et elles. Parce qu'aucune condamnation, aucune compensation financière ne peut rendre ce qui a été perdu dans un tel gâchis.
- Utiliser un "statut", une position d'autorité, c'est un facteur aggravant.
- Généraliser le cas de certaines exceptions à toute une catégorie, c'est du grand n'importe quoi. Pour les prêtres comme pour les professeurs, les boulangers, les animateurs de centres de vacances ou je ne sais quelle autre "catégorie" de personnes en contact avec des enfants.
- Utiliser une cible comme une religion déjà battue en brèche par une sécularisation avançant à vitesse grand V depuis un demi-siècle, c'est l'assurance d'avoir "l'opinion publique" avec soi. Peu importe à quel prix, y compris celui de l'approximation...
Certains l'ont déjà dit mieux que moi, avec force arguments autrement plus fouillés : Koz et Armagilus chez les Sacristains, Natalia, Bashô chez le Chafouin... D'autres, au fil des jours, des articles et des attaques, ont dit leur souffrance, en plein coeur d'un Carême qui s'est révélé particulièrement éprouvant : David, Emmanuel, un ami chez Zabou...
Et puis, finalement, un manifeste de tous ceux qui refusent cet acharnement, est là, prêt à être signé : l'appel à la vérité. Parce que le Christ est venu pour tous. Pour nous sauver.
Commentaires
Tigreek, sur ce sujet, ce n'est encore que le début, car d'autres choses vont sortir. Déjà parmi vous, les cathos, de plus en plus connaitrons au moins un prêtre concerné. D'autres connaitrons aussi dans leurs relations une personne qui a été victime d'un abus d'un prêtre (personnellement, j'en connais une...).
La seule réaction des cathos, pour l'instant, c'est soit le déni (ce sont des cas isolés), soit le repli communautaire (on aime nos prêtres). Aucune remise en cause, aucun questionnement sur le fait que tous ces pédophiles ont pu agir en toute tranquillité, protégés par leur hiérarchie et par leur statut. Sans arriver à l'extrême "tous pédophiles" où je ne verse pas (malgré ma "violence"), la position inverse, consistant à nier que le statut de prêtre et ses contraintes y soient pour quelque chose n'est pas tenable non plus.
Le statut de prêtre donnait la position de "personne ayant autorité". Et plus le pays est "catho", plus le drame est profond car l'autorité de l'église et des prêtres y était grande. En Irlande, c'est un cata, rien de sort pour l'instant de Pologne, mais c'est une bonne à retardement. Le fait que la France soit un pays plus sécularisé fait qu'il y a moins d'affaires, mais c'est une différence de degré et d'intensité, pas de nature de ces affaires. C'est le même schéma partout, l'abus de "position dominante" sans doute aggravé par la "morale et la discipline sexuelle" que l'église catholique impose à ses prêtres et les inévitables dérives, vu qu'elle est "contre-nature).
@ authueil : la première mise au point que je ferai, c'est ta réflexion "parmi vous, les cathos". Encore une fois, c'est un peu facile... de me "classer" parmi "l'ennemi à abattre", celui qu'on peut dénigrer si facilement. Je navigue aussi bien en eaux catholiques que réformées. La difficultés des métis, c'est de se faire accepter. Regarde Obama : trop blanc pour les noirs, trop noir pour les blancs ; pour moi c'est pareil : catho pour les protestants, prot' pour les catholiques...
Je pense que tu caricatures les réactions. Les deux attitudes que tu décris me semblent être bien humaines, et on a déjà vu ça dans d'autres milieux, par exemple quand des affaires de pédophilie étaient relayées, concernant un instituteur, puis deux, puis trois... Le corps professoral en avait aussi ras-le-bol d'entendre "de toutes façons, la vie au contact des enfants, ça doit en déranger certains" ; les parents défendaient les instits de leurs gamins, qui essuyaient aussi des insultes... Etait-ce du déni, un repli communautaire ?
Est-ce que, pour autant, on a refusé le CAPES à tout être masculin célibataire ? Non, il ne me semble pas. A-t-on réformé l'IUFM pour mieux détecter les personnes potentiellement "à risques" ? Ca se saurait... Il y a eu aussi des cas d'abus d'enfants handicapés dans des centres spécialisés : faut-il remettre en cause la formation des éducateurs, se préoccuper de leur vie sexuelle, changer de poste un célibataire de peur qu'il ne s'en prenne à des enfants ? Comme la position de professeur, d'éducateur ou d'animateur avec des enfants, le prêtre a un statut d'autorité. C'est, comme je l'ai dit, un facteur aggravant dans des cas de pédophilie.
De là à dire que le célibat rend les prêtres potentiellement pédophiles, il y a un gouffre que je ne franchirai pas. La pédophilie est une orientation sexuelle, comme l'hétérosexualité ou l'homosexualité. En tout cas, c'est ainsi que le ressentent les pédophiles (lire à ce sujet le témoignage d'un pédophile sur le blog de Maître Mô, c'est très instructif). Le seul problème avec cette orientation, c'est que ce n'est pas légal... Les prêtres sont célibataires par choix. L'Eglise catholique ne leur cache rien : oui, le célibat est imposé, oui c'est difficile, mais c'est la règle. Personne n'est obligé d'entrer au séminaire, et une fois au séminaire, il est tout à fait possible d'en sortir. Que dire des hommes célibataires par obligation ? Non par choix, mais parce qu'ils ne trouvent pas d'âme soeur ? Ce sont tous des pédophiles en puissance ?
Par contre, et là je te rejoindrai, ce qui est éventuellement possible, c'est que certains pédophiles recherchent dans la prêtrise une sorte de "statut acceptable" pour leur célibat. Mais ce célibat-là n'a pour moi rien de choisi. Il est imposé. Non par l'Eglise, mais par l'orientation sexuelle de l'homme qui espère (consciemment ou non) se canaliser, trouver une forme de vie qui sera en phase avec la société. C'est peut-être ce qui s'est passé à l'époque.
Mais c'est aussi une époque qui était "expérimentale" ; la pédophilie n'était pas du tout montrée du doigt comme on le fait actuellement, mais pouvait être encouragée parfois. Il me semble qu'une certaine affaire impliquant un certain homme politique écolo a également été relatée dans les médias il y a quelques mois... Sans parler d'un autre, ministre de la culture, éclaboussé par ce genre de rumeur aussi (vraie ou fausse ? Au final, on ne le sait jamais). N'as-tu pas, à ce moment, réagi aussi en disant "attention, tous ne sont pas comme cela, si tant est qu'il y ait quelque chose d'avéré" ?
Je le répète, je ne dis pas que la pédophilie est un délit mineur. Les victimes sont décomposées et se soigner suite à ce genre de traitement est particulièrement long et douloureux. Ce que je dis, c'est qu'il faut prendre chaque cas avec précaution, précisément puisque ça touche des points sensibles. Ne pas se jeter dessus à la recherche du scoop de l'année. Eviter de porter des jugements à l'emporte-pièce, sur une catégorie de personnes ou sur une institution. Chaque cas touche à l'essentiel, au plus profond de chacun. Mais justement pour ça, je pense qu'il est nécessaire de prendre d'autant plus de recul.
"catho pour les protestants, prot' pour les catholiques"
C'est vrai que vous n'avez pas une position facile Tigreek, les posts de votre blog en témoignent...
Recevez toute la sympathie de l'irrécupérable catholique romain que je suis !
@ Olivier C : Merci !
Parfois j'ose espérer que cette position sera plus facile pour mes enfants... Même si mes parents se sont déjà dit cela à leur génération !
Tiens au fait,
Je connais un couple qui est un peu dans votre situation, mais sur un plan interreligieux cette fois ci : lui est catholique et sa femme est musulmane, ils sont tous les deux croyants pratiquants. Ren', c'est son pseudo, tiens un blog de très bonne qualité, d'autant plus que - tout comme vous - son questionnement interreligieux ne se situe pas au niveau d'un simple débat d'idée, ce questionnement est vital pour lui.
Le blog de Ren' : http://blogren.over-blog.com/
@ Olivier C : Merci pour cette belle découverte ! J'aime sa délicatesse de ton, combinée à une profession de foi que l'on sent assurée...
L'interreligieux est pour moi encore plus difficile que l'oecuménisme, les questions plus grandes. Les meilleures expériences que j'ai eues ont été autour de grands sujets éthiques, où le plaisir d'écouter d'autres approches le dispute à la sérénité d'aller vers Dieu, ensemble.