Dans mon billet précédent, Vianney a profité de la légère mention que j'ai faite à la page "mini-dico" de ce blog, pour donner un éclairage plus précis sur la définition donnée pour la transsubstantiation :
Et j'arrive au terme "transsubstantiation", dont je copie-colle la définition :
littéralement, la transformation d'une substance en une autre. Le terme désigne, pour certains chrétiens (en particulier les catholiques), la transformation du pain et du vin en chair et sang du Christ lors de l'Eucharistie.
Et je corrige : non, pas "transformation", car il n'y a précisément pas de passage d'une forme à une autre.
Saint Thomas reprendra la plus antique tradition chrétienne, attestée par nombre de Pères de l'Église, en parlant de "conversion" de la substance du pain dans la substance du Corps du Christ et de la substance du vin dans la substance du Sang du Christ. Dans conversion, il n'y a pas la notion de forme qu'on trouve dans "transformation".
Toute personne un brin initiée à la métaphysique distinguera aisément entre substance première (dont on parle ici) et substance seconde, ie. la forme (dont on ne parle pas ici, puisqu'elle ne change pas !).
Pour les autres, il suffit simplement de constater qu'entre avant et après la consécration, rien, absolument rien ne paraît avoir changé : ni le goût, ni la couleur, ni la forme géométrique, ni la teneur en alcool (ça, je vous le promets, moi qui dois parfois consommer la fin du calice !), ni... rien. En revanche, dans la foi catholique et la foi orthodoxe, dans la droite ligne de toute la succession apostolique depuis l'origine (je ne le dis pas pour chipoter, je le dis parce que cela va forcément de pair : la foi en l'un implique la foi en l'autre, et réciproquement), on croit que cela, qui paraît un bout de pain, que ceci, qui paraît un peu de vin, est maintenant cela, le Corps du Christ, et ceci, le Sang du Christ.
Je remarque d'ailleurs que la définition dit "chair" et non pas "Corps". C'est bien peu biblique. On préfèrera donc "Corps" à "chair", qui ne désignent pas précisément la même chose.
Comme précisé dans ma page, la définition que je donne n'est pas de moi (j'eus été bien en mal de le faire, craignant surtout un faux-sens théologique), mais de Wikipédia. Vous me direz, avec raison, que ce n'est pas franchement une source fiable et que j'aurais pu chercher ailleurs... Difficile, sans tomber dans une interprétation partisane du phénomène cité !
Ainsi donc, en sources neutres, je peux proposer :
Mediadico : [théol.] Changement miraculeux de la substance du pain et du vin en la substance du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'eucharistie.
Wiktionnaire : (Théologie) Changement miraculeux de la substance du pain et du vin en la substance du corps et du sang de Jésus-Christ dans l’eucharistie.
Vous remarquerez que ces deux définitions sont rigoureusement identiques et reprennent celle du Littré.
Le TLFi donne : THÉOL. (CATH. ET ORTHODOXE). Dans l'Eucharistie, changement total de la substance du pain et du vin en la substance du corps et du sang du Christ au moment de la Consécration, alors que ces espèces restent les mêmes.
J'ai bien conscience que ces définitions peuvent paraître lapidaires et dénuées de tout le caractère de sacrement et de mystère (ou pas) que le terme implique. D'autres sites beaucoup moins neutres s'essaient également à la définition :
L'Église catholique en France : C'est littéralement la transformation d'une substance en une autre. Dans la théologie catholique, c'est la doctrine selon laquelle au cours de l'eucharistie, au moment de la consécration, les espèces du pain et du vin deviennent le Corps et le Sang du Christ tout en conservant les caractéristiques physiques et les apparences originales. Aujourd'hui, les catholiques préfèrent utiliser l'expression "présence réelle". Cette doctrine prend le nom de transsubstantiation au concile de Trente (1551) où elle est officiellement proclamée par l'Église catholique, prenant ainsi position à l'encontre de la consubstantiation envisagée par les protestants.
Je précise que la consubstantiation n'est pas "envisagée par les protestants", mais uniquement par une partie d'entre eux, généralement appelée (en France) les Luthériens ; Calvin allait plus loin en délaissant la notion philosophique de "substance" et affirmant la présence du Christ dans la Cène par l'action du Saint Esprit.
Par ailleurs, des évangéliques[1] donnent : La transsubstantiation est une doctrine de l'Eglise Catholique romaine. Elle est définie dans la section 1376 du Catéchisme catholique. (...) En d'autres termes, l'Eglise Catholique romaine enseigne qu'une fois qu'un prêtre ordonné bénit le pain de la Sainte Cène, il est transformé en véritable corps du Christ (bien qu'il conserve l'apparence, l'odeur et le goût du pain) ; et lorsqu'il bénit le vin, il est transformé en véritable sang de Christ (bien qu'il conserve l'apparence, l'odeur et le goût du vin). Un tel concept est-il biblique ? Il existe des passages qui, s'ils sont interprétés de manière strictement littérale, conduiraient à la "présence réelle" de Christ dans le pain et le vin. (...)
Les Catholiques romains interprètent ce passage littéralement et appliquent son contenu à la Sainte Cène, ce qu'ils désignent par "Eucharistie" ou "Messe". Ceux qui rejettent l'idée de la transsubstantiation interprètent les paroles de Jésus dans Jean 6:53-57 de manière figurative et symbolique.
Bref. Le concept est difficile, particulièrement lorsqu'on veut "jongler" avec dans un environnement œcuménique, car il s'agit d'un des principaux points de divergence qui existent entre protestants et catholiques / orthodoxes.
J'ai très vite fait connaissance avec ce terme. A l'âge de huit ans, quand les autres enfants du caté se préparaient à faire leur première communion, on[2] m'expliquait que je ne pouvais pas faire comme les autres, que mes parents avaient créé quelque chose de nouveau, qu'un jour je pourrai choisir, mais qu'en attendant... Je n'avais peut-être pas encore l'âge pour choisir, je pouvais continuer à faire le caté et l'école biblique, mais cette histoire de transsubstantiation était un truc vraiment trop gros et je ne pouvais pas faire comme si j'y croyais, si un jour je décidais que ce n'était pas vrai. A cet âge, je connaissais ce mot, savais ce qu'il impliquait pour moi, l'histoire du fossé qu'il creusait entre les deux Églises dans lesquelles je grandissais, alors que[3] beaucoup de catholiques adultes ignorent aujourd'hui ce terme, désignant le mystère du sacrement qui est au cœur de leur foi.
Enfin, un mot de ma pasteur ce midi, alors qu'on parlait d'une discussion, justement sur le débat transsubstantiation / consubstantiation : "ce sacrement de la division, on l'appelle communion..."