Mise à l'épreuve
Par Tigreek le dimanche 23 octobre 2011, 23:24 - Fac de théo - Lien permanent
Ce semestre, en plus d'un module d’exégèse de l’Ancien Testament, je suis également, dans mon cursus de théologie, un module de "psychologie des religions". Ca ne m'enchante guère, pour tout vous dire... L'idée de disséquer le sentiment religieux, de voir comment les religions utilisent la psychologie humaine pour manipuler les foules m'effraie. J'ai sans doute peur de perdre ma foi, ou en tout cas une partie des raisonnements que je pouvais tenir jusqu'à présent...
Un exemple avec le cours étudié cette quinzaine, parlant des neurosciences : des études ont prouvé que des expériences mystiques pouvaient être comparées avec des stimuli sur des zones bien précises du cerveau. Partant de ces constatations, différentes approches sont possibles, expliquant, rejetant ou intégrant les religions dans une psychologie plus complète de l'individu. Celle qui me choque le plus compare les expériences religieuses à des phénomènes connus, tels que l'épilepsie, ou à des hallucinations, telles que peuvent en avoir les alpinistes en très haute montagne, montant à plus de six mille mètres d'altitude sans oxygène.
Plus que les matières bibliques, qui ont déjà battu en brèche les préjugés et connaissances que je pouvais avoir sur la Bible et son écriture, la psychologie des religions sape mes raisons de croire, met à nu les mécanismes mentaux de mes croyances, de ma foi. Elle reprend les questions et les arguments des athées que j'entends régulièrement, qui me perturbent, et auxquels je n'ai pas vraiment de réponse : "tout ce que tu crois se base sur des phénomènes physiques, tout ça peut s'expliquer scientifiquement", "qu'est ce que ça t'apporte de croire ? Je peux avoir les mêmes valeurs sans avoir de dieu"...
Alors mon sentiment est sans doute biaisé, peut-être que je prends trop à coeur cet enseignement, que je devrais mieux m'en détacher... Mais j'ai l'impression que c'est comme un test : si l'on passe à travers ce module, et que l'on continue, soit on a résisté, soit on a évolué de façon à s'adapter à un mode de pensée plus... disons... libéral. Est-ce aussi ça, les études de théo ? Apprendre à forger sa foi en la soumettant à tous les tests et stress possibles et imaginables ?
Que l'on construise sur ces fondations avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin ou du chaume, l'œuvre de chacun deviendra manifeste, car le jour la mettra en évidence ; en effet, c'est dans le feu qu'il se révélera, et l'épreuve du feu montrera ce que vaut l'œuvre de chacun.
1 Corinthiens 3, 12-13
Commentaires
bah...il ne me tente pas trop tes cours de psycho...et "qu'est ce que ça t'apporte de croire?"... euh de la joie, de la joie et de la joie, celle à donner, à recevoir, à partager...apprendre à aimer un peu plus chaque jour les autres, mon prochain, les différents, les plus fragiles... pas besoin de psycho pour disséquer mon cerveau... et Tigreek, nos coeurs sont bien plus gros avec l'amour de Dieu dedans ... bon courage quand même ...
@Corine : bon, ce n'est sans doute qu'une première impression, je m'y ferai, sans doute. Mais j'ai du mal... Qu'on me parle de prière et de voir les étincelles dans les yeux des petits qui te racontent comment ils sont allés voir Jésus au temple ou à l'église ! Et pas de ces barbons barbus assis dans leurs fauteuils à théoriser sur ce qui fait la relation de l'homme au divin... :'(
Là, tu viens de refroidir pour quelque temps ma tentation de m'inscrire en Théo...
@Seb : la théo, c'est bien Même si je comprends mieux maintenant ce qu'une amie me disait avant que je commence : les matières bibliques ça va, mais d'autres, c'est parfois difficile à "avaler"...
Et puis, ma réaction est probablement excessive, voire épidermique, si j'en crois les devoirs rendus par mes camarades, qui sont beaucoup plus mesurés que moi. Peut-être aussi que cela s'ajoute à une discussion sur facebook, des réactions au boulot, qui questionnent ma foi, la mettent en doute, cherchent à rationnaliser ou minimiser l'impact de ma foi sur ma vie quotidienne...
Mon oreillette me dit aussi : "ça va passer mais acceptons de voir et de comprendre et de changer positivement". Soit
La psychologie n'explique essentiellement que le fonctionnement "matériel" de notre intelligence : ce qui est spirituel lui échappe en très grande partie.
Dit autrement : ce que les mystiques appellent "la partie inférieure" de l'âme se prête à la science de la psychologie, mais pas vraiment ce qu'ils appellent "la partie supérieure", ou "la fine pointe" de l'âme, qui échappe à la science. En fait, ce qui est essentiel au sens étymologique du terme : ce qui fait que tu es toi, unique, échappe par définition à la science qui cherche à établir des lois générales et testables. Or la prière n'est pas testable, mais seulement les phénomènes psychologiques qui l'accompagnent. Et ça, c'est passionnant, dès lors qu'on accepte de se dire : "ce n'est pas l'essentiel de la prière"... et qu'on se risque à le répliquer fermement à quelqu'un qui prétendrait tout en expliquer. Je l'ai fait moi-même en cours de psycho plusieurs fois, alors même que ces cours étaient donnés à des croyants.
La psychologie est une science inférieure à la théologie. Il faut gouverner la connaissance de la première par la seconde, tout en acceptant de se laisser éclairer par la première dans son propre fonctionnement : ici, c'est, je crois, de comprendre clairement que ma relation à Dieu est plus profonde et plus essentielle que ce que j'en ressens. Tous les grands mystiques l'ont fait à leur manière.
@Vianney : ma première approche du cours est effectivement qu'il manque une dimension, qu'il n'est juste pas possible de tout expliquer. Il y a forcément "quelque chose" qui dépasse tout cela...
Il n'est pas possible de tout expliquer, et, chose intéressante, il est possible de l'expliquer rationnellement
je comprends que ce soit difficile pour toi, et oui, les études de théo peuvent être une rude mise à l'épreuve de la foi. pour moi, ces années aussi étaient parsemées de vallées et de montagnes et seulement rarement de vertes prairies parsemées de fleurs... mais en regardant en arrière, c'est comme pour grandir. il faut grandir, même si dans le processus, on peut avoir mal au jambes.
tu passes d'une foi infantile à une foi plus mature, et certaines de ces connaissances te permettront de discerner certains phénomènes comme ce qu'elles sont: des phénomènes psychologiques - même s'il n'est pas aisé de savoir où commence l'expérience mystique et où commencerait qqc de purement psychologique, "chimique", voir même pathologique.
mais ce que tu as expérimenté comme étant vrai, comme expérience de D.ieu chez toi et toi en D.ieu, ta foi profonde, soigne-le comme un jardin beau et exquis, et personne ne le saura te l'arracher. le doute n'est pas toujours l'ennemi, parfois il nous aide aussi.
pour moi, pendant ces études, je devais ne pas avoir peur de me mettre en question, de questionner mes acquis et mes certitudes; parfois j'avais l'impression de tourner en rond et me poser et re-poser les même questions et doutes, mais en vérité, chacune de ces périodes difficiles m'ont aidés à apprendre et comprendre des choses importantes - pas forcément intellectuellement, mais des choses pour ma foi et ma vie. La foi ainsi acquise, et par d'autres expériences, me permet de traverser une période assez difficile que je suis en train de vivre maintenant.
Puisses-tu entamer et traverse ce cours, et le reste de tes études avec sérénité, confiance et joie.
~je pense à toi
@Chaya : merci ! Ce cours, je le prends à reculons... Je ne devrais pas, je le sais bien, mais je résiste. Peut-être parce qu'il me révèle mes propres limites, parce qu'il me montre ce que je sais, que justement j'ai encore tellement à grandir !!
Passage obligé, aller au plus profond de soi, fouiller douloureusement, pour voir qu'il y aura toujours "quelque chose" qu'on ne peut pas discerner, et finalement revenir, avoir grandi, pouvoir continuer à marcher. Yapluka !
Oh mais là c'est même plus de la neurologie que de la psychologie.
C'est vrai que ça peut faire bizarre, mais, finalement, sans doute uniquement dans la mesure où nous avons souvent une conception un brin trop dualiste du corps et de l'âme ; un peu trop platoniste, quoi : le corps qui s'occupe de manger, de boire, de voir et de sentir, l'âme qui s'occupe de l'intellect et du spirituel. Évidemment, partant de là, quand on se rend compte que l'intellect et le spirituel se fondent tout autant sur un substrat physique, matériel, ça peut surprendre.
Mais, finalement, si on s'arrête un peu sur la question, elle ne pose pas tant problème que cela :
. la stimulation de certaines zones du cerveau procurent des sensations analogues à celles décrites lors d'expériences mystiques (sensation d'une présence, béatitude, etc...). soit.
Et ?
Rappelons comment ont été découvertes certaines fonctionnalités du cerveau :
. le neurologue français Guillaume Duchenne, par exemple, déclenchait des sourires chez un de ses patient en appliquant un courant électrique dans ses nerfs faciaux.
. dans d'autres expériences, par d'autres neurologues, c'est une jeune fille qui éclate de rire et qui, questionnée sur cette joie subite, explique trouver très comique tel ou tel trait physique d'un des expérimentateurs présents, sans qu'on voit bien ce qu'elle y trouve de drôle - simplement, la zone du cerveau qu'on venait de lui titiller électriquement correspondait à cette réaction.
Et ?
De ces expériences, est-ce que nous concluons que l'humour est une épilepsie, que la joie est une contraction musculaire, que l'amour n'existe pas ?
Nous concluons simplement que ces activités nécessitent l'usage de tel ou tel organe physique et réseau neuronal, de même qu'on a besoin de mains pour applaudir ou d'oreilles pour entendre.
Si je prive un peintre de ses pinceaux, il ne pourra plus peindre. Mais aucun de nous n'en concluera que toutes les idées et l'origine de ses œuvres sont donc tout entières contenues dans ses pinceaux.
Les personnes donc, qui sauteraient directement, de telles expérimentations mettant en évidence les structures nerveuses par lesquelles sont possible l'expérience mystique ou la conscience, à la conclusion que, donc, toute l'origine et l'explication de l'expérience mystique ou de la conscience se trouvent là, dans ce mécanisme neuronal,
font donc preuve d'un esprit fort peu scientifique, d'un raisonnement bien peu rigoureux.
(un peu comme le chercheur - imaginaire - qui déclarait avoir découvert que les grenouilles entendaient par les pattes)
Que nous ayons besoin d'un cerveau pour comprendre ne signifie pas que la raison se résume à un courant électrique,
que nous ayons besoin d'un corps pour aimer ne signifie pas que l'amour se résume à un ensemble de contractions musculaires coordonnées.
(Il me semble qu'il y a déjà une réflexion de ce type, sur ce sujet, dans Platon, mettant en scène Socrate - lorsqu'il discourt avec ses amis la veille de sa mort, je crois)
Et si nous jetons un œil du côté de Thomas d'Aquin (ou de philosophes thomistes plus récents comme Jean Daujat par exemple, je cite celui que j'ai lu mais il y en a d'autres), la question initiale n'a même plus de sens :
l'âme n'est pas quelque chose qui habite le corps, qui s'occuperait de fonctions spirituelles en laissant au corps le soin du matériel ; l'âme est "la forme du corps", elle est ce qui fait, justement, que le corps est corps et non juxtaposition de phénomènes physiques, elle est ce qui donne son unité à l'être,
l'être qui est non pas une âme dans un corps mais un corps-et-âme, tout son être participant à sa vie tant matérielle que spirituelle.
Votre âme mange et votre corps prie. Et voui.
Personnellement, en face de tels résultats, je me demanderais plutôt comment il se fait que certains modules du cerveau ont spécifiquement cet effet - que l'hyperactivité de tel noyau caudé ou putamen entraîne des troubles du comportement, ou une épilepsie, soit. Mais qu'une ou des parties du cerveau aient comme fonction et comme résultat de produire les sensations d'une expérience mystique, cela pose question, comme on dit - car enfin, le rôle des diverses parties de notre cerveau tel qu'il s'est développé s'explique assez bien par les besoins de communication, de perception, de nutrition, de reproduction... Qu'est-ce donc qui expliquerait le développement et le maintien de zones dévolues à l'expérience mystique ?
C'est alors qu'on peut reprendre l'objection de camarades athées, que vous citez :
"tout ce que tu crois se base sur des phénomènes physiques, tout ça peut s'expliquer scientifiquement" :
mais, et bien, heureusement ! Ce que nous croyons, oui, nous le croyons sur la base de phénomènes concrets : d'abord, le témoignage de personnes réelles, témoignant réellement de faits réels, concrets. Et une relation que nous expérimentons dans notre vie quotidienne, même si ce n'est pas à travers des extases mystiques.
Oui, ce que nous croyons nous est connu d'abord par des phénomènes sensibles, concrets, de même que toute connaissance se fonde d'abord sur un donné sensible, concret, que nous expérimentons concrètement et dont notre raison saisit le sens.
J'aime mon épouse en ce que je la perçois, en ce que je peux lui parler, la voir, la toucher, l'entendre, entrer en communication avec elle, me diriger vers elle, en ce qu'elle est réelle et concrète, en ce que je la connais par ma connaissance sensible.
Mais ce n'est pas tout ça qui explique que je l'aime, ni ce que veut dire que je l'aime.
Continuez à découvrir la neurologie, c'est passionnant, tout en continuant à vous méfier des interprétations psychologiques hâtives que certains voudraient en tirer.
En sept 2011 je suis an l'examen final de NT sur le texte de 1Co que tu cites en encadré. C'est marrant que tu aies choisi ce texte précisément.
@Armel : je m'aperçois que je n'ai jamais pris le temps de répondre... J'ai apprécié votre argumentation, je l'ai méditée... Merci !
@Zoé : intéressant que tu aies fait cette remarque, me permettant de revenir sur cet article plus de deux ans après... Au final, je n'avais pas réussi à valider ce module, et je devrai le repasser. Mais aujourd'hui, je me sens bien plus à l'aise pour reprendre cette partie. La théologie transforme... Et parfois c'est un changement plus sensible et profond que ce que l'on imagine, qui arrive...