Des rayonnages. Remplis de livres. Neufs, vieux, réparés, gros ou petits, colorés ou non, dans leurs étagères, autour des tables de travail. Et sur plusieurs étages, chacun correspondant à un domaine : théologie, philosophie, architecture, lettres, ... Sur une porte, une affiche : "le Paradis doit être une bibliothèque géante". Je souris. J'aime cette idée, des livres partout, pour tous... et les murmures qui les entourent. Une bibliothèque, souvent, c'est fait pour travailler... surtout dans une faculté ! Mais c'est fait pour rêver, aussi, voyager en esprit, rencontrer des gens tout en gardant les pieds sur terre...
La fenêtre est ouverte. Dehors, on entend des moineaux pépier, les enfants courir et rire, et puis des notes, piano et flûte, qui viennent du jardin. Le jardin de la faculté, avec au fond son mur monumental, où les quatre Réformateurs toisent les visiteurs de leur stature de géant, m'a toujours fait un effet particulier. En ce moment, pour la fête de la musique, des lumières de couleurs et un podium sont installés. Et un piano est à disposition de qui veut, sous un arbre centenaire. Cette faculté de quatre cent cinquante ans, en pleine ville, respire l'Histoire autant que la culture. De Calvin à l'art contemporain...
****
L'ambiance est particulière pour nous, qui venons à la faculté uniquement pour ces occasions particulières. Durant ces jours d'examen, le stress de l'épreuve, la peur de ne pas savoir répondre se mêlent à la joie de voir ou revoir réellement des camarades aperçus uniquement par webcam pendant un semestre. Nous nous sommes lus mutuellement, nous étudions les mêmes cours... ça rapproche ! Nous avons entre vingt et soixante ans, nous sommes de différentes villes de France et de Suisse, de milieux, métiers, expériences très différents... Durant quelques heures, avoir tout quitté pour plancher sur les mêmes questions crée de singuliers liens. Comme une parenthèse dans une vie de folie, une bulle où chacun peut imaginer une vie... autrement.
****
C'est un moment de paix. Il fait doux[1], la réserve de chocolats est achetée pour les collègues, la famille, les amis. Les examens sont passés, le stress retombe. Le train est là, je monte, trouve ma place. Je réfléchis à ce que je vais prendre pour le voyage. A l'aller, c'est facile, mon cours pour les ultimes révisions. Au retour, j'ai le droit à un peu de détente : cahier pour griffonner[2], pelotes pour crocheter, bouquin à savourer... Ou juste rien, les mains vides, la tête un peu lasse, le coeur en louange.
On démarre. Je me régale du paysage. Après la sortie de la ville, j'admire ces montagnes que j'aime et que j'aimerais explorer de nouveau. Les champs, aussi. Ici, les céréales sont bientôt prêtes à moissonner, le grain est presque doré, alors qu'en région parisienne il est encore vert. Le réseau de téléphone est toujours en Suisse, pour quelques minutes encore les messages et les appels sont limités. Les arbres moutonnent le long des pentes, les routes traversent les vallées sur des ponts d'une hauteur impressionnante. Quelques maisons sont accrochées, dans les pentes. Du vert, partout, de toutes les nuances. Et seulement quelques taches de rouge ou de gris ardoise... C'est juste joli. Reposant.