mardi 12 avril 2011

Bulle de campagne

J'avais le même âge que ma fille aujourd'hui, lorsque mes parents ont emménagé dans la ferme où j'ai grandi. De notre maison d'avant je n'ai que quelques images, quelques scènes qui marquent un esprit d'enfant : le pavage carré et rouge brique de la pièce principale, la maison de la grand tante au fond du jardin, la petite passerelle au dessus du ruisseau d'où on pouvait jeter des feuilles-bateau et les voir suivre le courant, un matin de Noël où ma soeur et moi allions, en robe de chambre, voir le "petit Jésus" né à l'étable pendant la nuit...

Paysage morvandiau

Vingt-cinq ans déjà... J'avais à peine cinq ans et mes parents investissaient dans ce corps de ferme. Deux maisons, deux longs bâtiments pour l'exploitation, le tout fermant une cour qui allait devenir mon terrain de jeu de prédilection. Une éducation marquée par un rapport à la nature direct, impensable aujourd'hui dans la plupart des familles. Des animaux, il y en avait pléthore à la maison : les vaches bien sûr, car on ne fait pas fonctionner une exploitation basée sur quatre cent bêtes sans que cela se voie, se sente, s'entende ; les moutons aussi, tant que mon oncle a été là ; et les volailles, en complément de revenus, autant que de nourriture familiale ; les chats, autant utilitaires, chassant les nuisibles, qu'animaux de compagnie...

Aujourd'hui, rien n'a changé, tout a changé...

Fleur de cerisier

La plus petite des deux maisons ne sert plus que pour les gens de passage, les invités, pour les fêtes données par mes frères et pour entreposer divers objets. Le jardin de l'autre maison s'est enrichi d'arbres fruitiers, de fleurs en plates-bandes... Le poulailler s'est écroulé lors d'une tempête plus forte que les autres, et de volaille, il n'y a plus.

Fleur de poirier

Les collines, elles, ne bougent pas[1], vivent toujours au rythme des saisons, le ciel flamboie toujours autant à la tombée du soir, les brumes envahissent encore les basses prairies au petit matin. Les bêtes sont toujours là, et ma fille désormais prend ses outils pour "aider" ses grands-parents au travail : donner à manger, nettoyer, faire téter les veaux orphelins...

Poirier

Une génération, le printemps, égal à lui-même, un peu en avance peut-être. Et la vie va.

Rouge passion

Notes

[1] Ca se saurait...

samedi 07 août 2010

Rencontre nocturne

Un soir d'été en banlieue parisienne. L'air a fraîchi, le mois d'août approche et l'exode temporaire en des lieux de villégiature a vidé la ville d'une partie de ses habitants. La nuit est calme, même la lumière des lampadaires semble plus faible qu'à l'ordinaire, ne laissant deviner que des ombres.

Au guidon de mon vélo, je me glisse dans les rues figées, entre les voitures assoupies et les trottoirs vides. Rien ne bouge... Tiens, si : là, à quelques pas, une forme traverse la chaussée. Trop petit pour être un chat, trop trapu aussi... Un rat ? Cela ne me semble pas la bonne démarche. Et puis, un rat se déplace plutôt rapidement... et en souterrain davantage qu'à la surface. Pas le temps de l'identifier, le petit animal a déjà traversé la chaussée pour se faufiler dans une propriété.

Lorsque j'arrive à sa hauteur, j'ai juste le temps de l'apercevoir, avant qu'il ne se cache dans un buisson derrière le portail. Oh surprise ! Un museau pointu, un corps trapu, des piquants gris aux bouts blanchis : c'est un hérisson qui commence sa nuit...

mercredi 21 juillet 2010

Orage

Le vent arrive le premier. Il amène les nuages, obscurcissant le ciel où régnait jusque là un soleil de plomb. Les portes claquent, le ligne s'agite sur son fil, des nuages de poussière se soulèvent de la cour de ferme habituellement parcourue par les tracteurs. C'est le signe de la mise aux abris : on rentre le linge, ferme les portes, débranche les appareils électriques sensibles, attache tout ce qui peut s'envoler. Dans les prés, les vaches se rassemblent et commencent à se diriger vers le couvert : le plus souvent, les arbres faisant la bordure de leur pâture.

La lumière baisse davantage. L'horizon noircit, se réduit : la grisaille masque les lointaines collines. Le vent s'intensifie, les éclairs déchirent le ciel, précédant le roulement fracassant du tonnerre. La foudre frappe, de plus en plus près : les roulements de tambour céleste se font plus intenses et rapprochés. De l'intérieur, on voit les constructions résister aux éléments, on croit qu'elles vont céder, mais il n'en est rien.

Puis les nuages craquent. L'eau tombe, à grosses gouttes. Mieux vaut être à l'abri ! D'ailleurs, ni homme ni bête ne reste dehors. Tiens, si, les hirondelles, même secouées par les bourrasques, se nourrissent des insectes ballottés par les masses d'air. Elles rejoindront leurs nids à la dernière minute.

Cela semble durer quelques minutes à chaque fois. En fait, les salves de pluie vont s'enchaîner pendant plusieurs heures. Entre deux, le calme revient. L'air s'est rafraîchi, le vent est tombé, les hirondelles ressortent, les rideaux de pluie qui voilaient le paysage s'estompent... Et Marion, cinq mois, qui n'a pas bronché pendant le raffut, paisible au coeur de sa sieste, se réveille dans le silence revenu.

Enfin les nuages s'affinent, le soleil refait son apparition. Les bourdonnements lointains des moteurs de voitures ont remplacé dans l'air les vrombissements des coups de tonnerre. L'horizon est clair, l'air comme plus pur, rempli de cette odeur d'herbe mouillée qui m'évoque la propreté, la fraîcheur... La journée peut recommencer.