J'avais le même âge que ma fille aujourd'hui, lorsque mes parents ont emménagé dans la ferme où j'ai grandi. De notre maison d'avant je n'ai que quelques images, quelques scènes qui marquent un esprit d'enfant : le pavage carré et rouge brique de la pièce principale, la maison de la grand tante au fond du jardin, la petite passerelle au dessus du ruisseau d'où on pouvait jeter des feuilles-bateau et les voir suivre le courant, un matin de Noël où ma soeur et moi allions, en robe de chambre, voir le "petit Jésus" né à l'étable pendant la nuit...

Paysage morvandiau

Vingt-cinq ans déjà... J'avais à peine cinq ans et mes parents investissaient dans ce corps de ferme. Deux maisons, deux longs bâtiments pour l'exploitation, le tout fermant une cour qui allait devenir mon terrain de jeu de prédilection. Une éducation marquée par un rapport à la nature direct, impensable aujourd'hui dans la plupart des familles. Des animaux, il y en avait pléthore à la maison : les vaches bien sûr, car on ne fait pas fonctionner une exploitation basée sur quatre cent bêtes sans que cela se voie, se sente, s'entende ; les moutons aussi, tant que mon oncle a été là ; et les volailles, en complément de revenus, autant que de nourriture familiale ; les chats, autant utilitaires, chassant les nuisibles, qu'animaux de compagnie...

Aujourd'hui, rien n'a changé, tout a changé...

Fleur de cerisier

La plus petite des deux maisons ne sert plus que pour les gens de passage, les invités, pour les fêtes données par mes frères et pour entreposer divers objets. Le jardin de l'autre maison s'est enrichi d'arbres fruitiers, de fleurs en plates-bandes... Le poulailler s'est écroulé lors d'une tempête plus forte que les autres, et de volaille, il n'y a plus.

Fleur de poirier

Les collines, elles, ne bougent pas[1], vivent toujours au rythme des saisons, le ciel flamboie toujours autant à la tombée du soir, les brumes envahissent encore les basses prairies au petit matin. Les bêtes sont toujours là, et ma fille désormais prend ses outils pour "aider" ses grands-parents au travail : donner à manger, nettoyer, faire téter les veaux orphelins...

Poirier

Une génération, le printemps, égal à lui-même, un peu en avance peut-être. Et la vie va.

Rouge passion

Notes

[1] Ca se saurait...