mercredi 29 novembre 2017

Accueillir l'inattendu

Quand aucun incident ne vient émailler le trajet de transport en commun, j'arrive à la fac avec une demi-heure d'avance[1]. Dans la salle déserte, je coule tranquillement un œil au dehors. La cour est arborée, les feuilles d'automne volent, au loin le soleil paresseux d'hiver finit de se lever, dorant les nuages sur l'horizon.

J'entends une porte qui s'ouvre, se referme. Je ne vois personne, mais on dirait que d'autres sont arrivés tôt, eux aussi. Je sors dans le couloir, sans me faire trop d'illusion sur ce que je vais y trouver : vide... La porte vitrée de l'atelier biblique créatif attire mon regard, des œuvres y attendent d'être terminées ou exposées.

De nouveau du bruit, dans l'escalier cette fois, une voix connue m'appelle, et enchaîne : "on fait un temps de louange, tu viens avec nous ?". Temps de surprise, quelques secondes d'hésitation, je revois les doutes des derniers jours sur ma capacité à prier quotidiennement. Alors je m'entends dire "bonne idée, volontiers !".

Je n'ai pas l'habitude du format proposé : des prières spontanées, de louange d'abord, un chant, puis de pardon et d'intercession ensuite... J'ai peu parlé. Ça m'a fait du bien... Un temps, posé, avec des frères et sœurs, pour Dieu. Juste sous Son regard.

Les cours se sont succédés, ensuite. De belles rencontres avec les textes bibliques (ou coraniques ce jour-là, d'ailleurs !) et les chercheurs que nous sommes tous... Des étudiants aux profs, de tous âges, de tous horizons...

Puis des amis de ma promo m'ont proposé d'aller voir le culte avec Sainte Cène chez les diaconesses... Je n'avais rien prévu en soirée, c'était tentant. Quelques dizaines de minutes plus tard, nous étions dans le train pour Versailles.

Cela faisait quelques années déjà que j'avais pris le temps, un week-end, de m'arrêter, pour une respiration dans la communauté... J'ai retrouvé le lieu avec tous mes souvenirs. Et surtout, cette chapelle incroyable ! Je pense qu'elle est unique. De l'extérieur, elle présente un habillage de verre en forme de flèche, comme un aiguillon vers le monde : une façon de dire que nous ne sommes pas du monde, mais envoyés dans le monde ? A l'intérieur, un tressage de bois crée comme une bulle, un œuf, un cocon protecteur... Effet d'introspection garanti !

La liturgie est à la fois sobre et riche, ecclésiale et monastique. Les diaconesses ont réussi ce tour de force d'inventer leurs rituels, en restant dans la tradition des règles d'ordres religieux, tout en induisant un je-ne-sais-quoi de légèreté, de disponibilité. Il me semble que c'est cet équilibre qui me permet, en arrivant de la société civile, de me dépouiller presque instantanément de tout le superflu, et trouver une prière, peut-être plus intense qu'à l'extérieur.

A la fin de la célébration, nous avons été chaleureusement salués par les sœurs, avec lesquelles nous avons eu une discussion sur notre formation, notre parcours, et la curiosité qui nous mène à aller célébrer dans différents lieux. Le lien entre les communautés et les Églises auxquelles nous appartenons se font aussi par ce biais...

En relisant cette journée, j'ai réalisé à quel point il suffit de dire 'oui' à de petites choses pour que Dieu nous accompagne... Accueillir l'inattendu : "vous ne savez ni le jour, ni l'heure"...

Note

[1] Explication de texte pour les non-parisiens : un trajet en transport en commun prend en moyenne 45 min. Le moindre problème sur une ligne de métro, RER, train de banlieue (déficience technique d'un train, conducteur qui manque à l'appel, agression dans une station, descente de police qui fait fuir les pickpockets sur les voies, tentatives de suicide, etc, etc) provoque un retard d'au moins 20 min, direct ou indirect. Pour avoir une chance d'être en cours régulièrement à l'heure, je prévois une marge d'environ 30 min...

mercredi 24 avril 2013

La nature a horreur du vide

Cet adage semble se confirmer pour ce qui est des pages Web... Depuis que ce blog est en friche, je ne cesse de recevoir des commentaires en anglais ou même dans d'autres langues, pour me vanter les mérites de tel ou tel produit... Et de plus en plus, ces commentaires franchissent la barrière de mes antispams, pourtant réglés au petit poil pour ne laisser passer aucun mot-clé douteux !

Bref, si vous ne voyez pas de nouveaux articles par ici, cela ne signifie pas que je ne pense pas à vous, chers lecteurs. Au contraire, ma tête fourmille même de points de vue, de coups de coeur, de ras le bol parfois, de petits bonheurs que je voudrais vous partager... Cependant, il y a parfois loin de la pensée au texte construit, lisible, public !

J'espère vous revenir très bientôt, avec de nouveaux écrits. Je dois vous avouer que si le Carême fut cette année un véritable désert, éprouvant tant physiquement que psychiquement, ces dernières semaines sont pleines de chamboulements inattendus, violents, merveilleux et terrifiants à la fois...

lundi 13 février 2012

Te trouver

Quand un appel au secours vient perturber la routine du bureau... Trouver les mots pour écouter.
Quand la détresse amie glace coeur et esprit... Trouver malgré tout le chemin de la prière.
Quand la prière habituelle est bousculée par une demande pressante... Trouver le sourire pour répondre.

Quand l'obligation fait place à une rencontre étonnante... Trouver la disponibilité du coeur.
Quand le temps pris pour soi laisse le rire fuser entre amis... Trouver quelques minutes pour Te louer !
Quand le Corps exposé se fait douleur de l'absence... Trouver comment T'offrir cette souffrance.

Quand l'angoisse gagne devant la détresse de l'enfant malade... Trouver la force de confier le petit corps frissonnant.
Quand la honte de mon comportement me submerge face à mon frère dans le besoin... Trouver Ton pardon et apprendre à agir différemment.
Quand les félicitations récompensent le travail accompli... Trouver l'humilité de Te rendre cette grâce donnée.

A chaque moment, faire un pas vers Toi. Et vivre dans la paix.

lundi 28 novembre 2011

Déroute ?

Déroutant. C'est ainsi que j'ai qualifié ce matin ma première expérience de célébration de la Cène, hier au culte. Célébrer ce repas, appeler l'assemblée autour de moi, faire le lien entre tous, conseillers presbytéraux, nouveaux arrivants, catholiques, enfants, musiciens, compagnons d'étude ou paroissiens sur qui veiller... Quelle chance ! Quelle joie ! Quelle entrée en Avent...

Enchaîner l'après-midi avec une bande de joyeux drôles, de quatre à sept ans (et plus), un diaporama, une histoire, un peu de méditation et encore des surprises... Pour eux, mais aussi pour nous, d'entendre certaines réflexions venant directement de leur relation au divin... Des bricolages suivent, des jeux, des rires, quelques pleurs et un peu de fatigue aussi : une belle journée de dimanche qui se termine avec un goûter géant, et des sourires sur tous les visages avant la prière finale !

Cet Avent me laisse une drôle d'impression, déjà... Il vient de commencer, mais c'est un peu comme si tout était déjà prêt. Pas encore le temps de préparer son esprit, mais déjà toutes les stratégies commerciales. Je voudrais tellement mettre du spirituel dans cet Avent, prendre un peu le temps de méditer, me poser, réfléchir. Avoir le temps de m'émerveiller. Ne pas tout le temps râler, penser qu'il faut acheter les cadeaux avant telle date, faire les courses pour ceci, bricoler pour cela... Juste prendre le temps, faire une décoration... juste pour décorer, parce que c'est joli. Prier un peu, juste là, oui maintenant, parce qu'on a envie. Passer quelques minutes à admirer, à rêver... juste parce que ça fait du bien. Et avent-cer... vers Noël...

Alors voilà... L'Avent commence. Est-ce un détour ? Se préparer à accueillir un tout-petit, un tout faible, un autre que le "standard", est-ce se dérouter ? Ou bien reprendre le chemin qu'on a peu à peu quitté ? Se mettre en route... pour éviter la déroute... ;)

vendredi 04 mars 2011

En express

Un très court billet pour vous dire que je ne vous oublie pas, chers lecteurs (sans oublier les lectrices), mais que les journées ne font que 24h et que je passe des moments sur des choses passionnantes :

  • trois jours de colloque sur le thème de la famille
  • une conférence du vicaire de ma paroisse, spécialiste en bioéthique, sur les dernières lois votées il y a quelques jours. Il se trouve que cela fait quelque temps que j'aimerais trouver une façon de m'exprimer sur la bioéthique mais que je crains de ne pas avoir suffisamment de sang-froid pour le faire objectivement...
  • une icône en cours dont j'ai promis de vous faire partager l'avancement !

Bref. Que de sujets, que j'aimerais partager avec vous mais où le temps me manque parfois...

vendredi 25 février 2011

Ecrire une icône

Si de plus en plus de chrétiens ont chez eux des reproductions d'icônes[1], j'ai déjà constaté que peu connaissent réellement la tradition de ces images sacrées. Aussi, si vous le souhaitez, je vous invite à me suivre dans la création d'une nouvelle icône : je tenterai de donner, pas à pas, la symbolique présente à chaque étape.

Vous avez bien lu le titre de ce billet... Une icône ne se peint ou ne se dessine pas, elle s'écrit. Comme on écrit une prière, comme un dialogue avec Dieu, elle se façonne peu à peu, allant à l'encontre des techniques de dessin ou peinture classiques. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'être artiste pour réaliser une icône.

Une icône n'est que prière. Prière de l'iconographe[2], prière pour et de celui qui la reçoit, prière de celui qui la regarde, prière de la famille, la communauté ou le groupe qui se réunit autour... Lorsque je prépare une icône, elle est pour quelqu'un, pour un destinataire précis, que je vais unir dans ma prière tout au long de la réalisation.

Écrire une icône demande du temps. Comme un enfant ne devient pas adulte instantanément, comme un bourgeon prend le temps de pousser et devenir plante, comme Dieu prend le temps de nous apprivoiser, l'icône se construit. Chaque étape prend de quelques heures à plusieurs jours, selon la taille de l'icône et les techniques utilisées ; vouloir écourter ce temps induit le risque de la perdre.

« Moi, se dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine... »
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

Notes

[1] du grec eikona, image (voir aussi la page "Mini-dico")

[2] le créateur de l'icône, qui tient les pinceaux

mercredi 21 juillet 2010

Orage

Le vent arrive le premier. Il amène les nuages, obscurcissant le ciel où régnait jusque là un soleil de plomb. Les portes claquent, le ligne s'agite sur son fil, des nuages de poussière se soulèvent de la cour de ferme habituellement parcourue par les tracteurs. C'est le signe de la mise aux abris : on rentre le linge, ferme les portes, débranche les appareils électriques sensibles, attache tout ce qui peut s'envoler. Dans les prés, les vaches se rassemblent et commencent à se diriger vers le couvert : le plus souvent, les arbres faisant la bordure de leur pâture.

La lumière baisse davantage. L'horizon noircit, se réduit : la grisaille masque les lointaines collines. Le vent s'intensifie, les éclairs déchirent le ciel, précédant le roulement fracassant du tonnerre. La foudre frappe, de plus en plus près : les roulements de tambour céleste se font plus intenses et rapprochés. De l'intérieur, on voit les constructions résister aux éléments, on croit qu'elles vont céder, mais il n'en est rien.

Puis les nuages craquent. L'eau tombe, à grosses gouttes. Mieux vaut être à l'abri ! D'ailleurs, ni homme ni bête ne reste dehors. Tiens, si, les hirondelles, même secouées par les bourrasques, se nourrissent des insectes ballottés par les masses d'air. Elles rejoindront leurs nids à la dernière minute.

Cela semble durer quelques minutes à chaque fois. En fait, les salves de pluie vont s'enchaîner pendant plusieurs heures. Entre deux, le calme revient. L'air s'est rafraîchi, le vent est tombé, les hirondelles ressortent, les rideaux de pluie qui voilaient le paysage s'estompent... Et Marion, cinq mois, qui n'a pas bronché pendant le raffut, paisible au coeur de sa sieste, se réveille dans le silence revenu.

Enfin les nuages s'affinent, le soleil refait son apparition. Les bourdonnements lointains des moteurs de voitures ont remplacé dans l'air les vrombissements des coups de tonnerre. L'horizon est clair, l'air comme plus pur, rempli de cette odeur d'herbe mouillée qui m'évoque la propreté, la fraîcheur... La journée peut recommencer.

mercredi 17 février 2010

Violette...

C'est le retour de la chasuble violette. Le Carême est commencé. Réflexion, méditation, jeûne sous une forme ou l'autre... Pendant quarante jours, chacun aura sa façon de se préparer à Pâques, de changer son coeur, son esprit, sa façon de faire.

L'évangile des Cendres dit "toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret" (Matthieu 6, 6). Je ne sais plus sur quel blog de pasteur j'ai lu un jour "c'est la voie de la facilité, pour un protestant, il le fait naturellement !". De même, les protestants ne suivent pas le Carême comme le font les catholiques. Pas de cérémonie particulière pour l'entrée en Carême ; pas de jeûne ; pas d'abstinence par rapport aux autres périodes de l'année.

"Mais alors, quelle préparation faites-vous à Pâques ?" ai-je entendu. Il y a le jeudi et le vendredi saint. Le vendredi saint en particulier est l'occasion d'une veillée de prière, davantage que la veillée pascale qui est plus ancrée chez les catholiques (et qui constitue un moment privilégié pour les baptêmes d'adultes). Quant à la "mise en condition", la méditation, la prière, l'humilité, c'est au quotidien que l'on est amenés à les faire, comme chaque chrétien. Chaque culte est propice à nous faire réfléchir sur nous-mêmes, davantage centré sur la Parole et l'exégèse que sur la Sainte Cène (qui n'est généralement pas célébrée tous les dimanches, d'ailleurs).

C'est un peu comme deux ambiances différentes... Ce serait sûrement intéressant d'échanger sur cette préparation à la fête qui constitue ce que nous sommes : des fidèles croyant à la résurrection du Christ ! Comment chacun se prépare-t-il à accueillir le Christ, la résurrection ; à vivre, revivre les instants les plus significatifs de la vie de Jésus, devenus l'essence sacramentelle de nos confessions ? Est-ce que cette préparation à Pâques ne nous permet pas de nous révéler à nous-même notre propre foi ?

dimanche 14 février 2010

Un lapin, dites-vous ?

Temps compressé, temps en retard, temps accéléré, temps qui file, temps qui passe... "Je suis en retard" disait le lapin d'Alice...

Une petite Marion a rejoint sa grande soeur, et depuis deux semaines, plus rien n'est pareil. Les tétées rapprochées, les nuits perturbées, on oublie vite quand les bébés grandissent ! L'organisation de notre famille n'a plus rien à voir. Nouvelle répartition des tâches entre les parents, nouveau rôle pour chacun, nouvelle responsabilité pour Nathalie qui est devenue "la grande"... Le temps fera-t-il réellement son oeuvre ? Pourrai-je m'habituer à avoir deux petites, donner à chacune son temps sans prendre à l'autre ce qui lui est nécessaire ?

Se joint à cette accélération la préparation d'un examen... Nouveau Testament, fin du semestre d'automne, sanctionné par un devoir écrit, mardi matin. Je suis en retard dans mes révisions ! Il est à la fois loin et si près, le temps où je révisais pour mes examens, lors de mes études supérieures ! Temps qui approche inexorablement, et l'impression que jamais mon esprit ne sera prêt à répondre à toutes les questions imaginables...

Enfin, retour du temps de l'Eglise... Ce matin le prêtre annonçait le mercredi des cendres, déjà ! Un nouveau Carême, nouveau temps de préparation à accueillir le Christ Ressuscité. Noël me semble encore si proche, la neige qui subsiste dehors y est peut-être pour quelque chose ? Je voudrais avoir le temps, prendre le temps... De préparer cette fête dignement, de méditer ces quarante jours si particuliers. Je rêve de passer quarante jours "au désert", en retraite, prendre du temps pour moi, pour Lui, pour apprendre à L'écouter...

Mais où est passé le temps ?

lundi 30 novembre 2009

Temps prié, temps perdu ?

Dans cette vie où chaque minute est comptée, où chaque jour semble parfois passer plus vite que le précédent, il m'arrive de me demander si je ne perds pas mon temps lorsque je prie... Alors que je me demande comment passer davantage de temps avec ma fille, mieux ranger mon bureau pour gagner quelques minutes à ne pas chercher tel papier ou tel dossier, quel moyen de transport me ferait économiser quelques minutes pour arriver plus tôt le matin, partir plus tard le soir, tout en étant à l'heure chez la nounou ; la prière, quel temps perdu ! Dans le bus, je ferais mieux de travailler mon vocabulaire de grec ou de me remémorer quel est l'ordre du jour de ma prochaine réunion...

Oui, mais...

Si je focalise ma vie sur un boulot qui me rapportera ma paie du mois, sans forcément beaucoup de considération, que me restera-t-il lorsque j'aurai réglé tous mes frais ?
Si je veux avancer dans mes études de théologie, la théorie ne sera-t-elle pas qu'une coquille vide sans une prière régulière ?
Si le temps me manque déjà dans ma vie de tous les jours, quand prendrai-je le temps pour Dieu ?
Si je pense perdre mon temps lorsque je prie, même si parfois c'est pas facile, que peut penser Dieu lorsqu'il prend le temps de m'écouter ?
Si prier est une perte de temps, pourquoi cela me manque lorsque je ne prends pas quelques minutes de silence dans ma journée pour le faire ?

Alors, le temps pour dire quelques mots à Dieu, parfois rien, juste un "bonjour" ; parfois une grosse colère ou un chagrin terrible ; parfois une solitude difficile à définir ; parfois une grande joie, des louanges ; ou encore des interrogations... Non, je crois que ce n'est jamais du temps perdu.