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vendredi 29 juillet 2016

Rencontre

C'était au bureau. Le contexte n'était pas simple, le projet "challenging", "piloté par les délais"... J'étais développeur sur le projet. Elle faisait de la gestion de projet, autrement dit, à la fois la surveillance de l'avancement et "l'huile dans les rouages" quand il y a des problèmes. De fil en aiguille, de réunions en cafés, les discussions se sont élargies, du travail à la pratique de la conduite sur circuit, puis à notre foi... Nous avons découvert mutuellement nos chemins, nos éducations, nos habitudes, nos coutumes...

La foi est une intimité. C'est sans doute pour cela que les croyants sincères ressentent souvent une fraternité instinctive les uns pour les autres, même s'ils ne la comprennent pas, ou la perçoivent confusément... Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle certains athées peuvent percevoir la foi comme une exclusion : de fait, c'est une logique, de rites, de pratiques, de pensées dont ils ne font pas partie...

Nous avons partagé nos convictions. Nous avons réalisé qu'au delà de vivre notre foi, nous avions commencé une démarche de recherche similaire : une licence de théologie... Nous avons peu partagé sur le contenu des cours, peu importe, c'est le chemin qui compte... Qui nous rend plus proches que beaucoup d'autres autour de nous...

Pourquoi écrire aujourd'hui ? Il s'agit de rencontre comme j'ai pu en faire d'autres dans mon parcours théologique, universitaire, religieux...

Mais aujourd'hui, la saveur est différente. Nada est jeune et militante, pétillante et compétente, amoureuse et divorcée, croyante et musulmane. Sous couvert de l'actualité terrifiante d'attentats, "on" voudrait nous opposer. Des proches s'opposent à son mariage à venir (avec un non-musulman), depuis le meurtre du prêtre il y a quelques jours. Elle est touchée et indignée par tous les commentaires qui somment les musulmans de s'élever "comme un seul homme" contre les attentats, ou qui demandent aux musulmans de "faire le ménage dans leurs rangs"...

Il y a dix-huit mois, suite à l'attentat contre Charlie-Hebdo, il m'est venu à l'esprit deux choses : "on va avoir droit à des lois liberticides" et "il faut protéger les musulmans". Je voulais me tromper. J'espérais que les politiques ne céderaient pas à la facilité du "tout-sécuritaire". Je souhaitais de tout coeur que la rancoeur ne se manifeste pas contre des croyants qui ont le tort d'avoir "la mauvaise foi"... Mais l'état d'urgence est toujours là, plus que jamais, et on se demande s'il va s'arrêter, un jour. Et les musulmans ont subi des attaques, sont la cible de tant de remarques désobligeantes... Le pire étant sans doute ceux qui clament bien fort "pas d'amalgame !" mais n'hésitent pas à généraliser telle ou telle anecdote...

Alors aujourd'hui, je ressens cette proximité avec Nada, d'autant plus fortement. Et non seulement je la ressens, mais je veux l'exprimer. Parce que nous avons une foi similaire, un mode de vie équivalent, des soucis comparables au quotidien... Nous nous ressemblons. Et ce n'est pas parce que notre foi s'exprime différemment que l'une vaut mieux que l'autre. J'espère continuer longtemps à cultiver notre amitié. C'est ma façon d'être humaniste, peut-être. C'est "ma part", pour reprendre l'histoire du colibri[1]... Parce que je ne veux pas que la haine puisse gagner les coeurs et les esprits.

Note

[1] Un jour, dit une légende amérindienne, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit :« Je le sais, mais je fais ma part. »

dimanche 30 octobre 2011

La paix... à sa porte !

Je n'avais que cinq ans lors de la rencontre de 1986 à Assise, initiée par Jean-Paul II[1], et je n'en ai eu que des échos, par la suite. Appréciée ou non, cette rencontre interreligieuse, cette prière pour la paix n'était pas passé inaperçue.

C

Et depuis, l'idée que toutes les religions ont au moins un but, une action, une oeuvre en commun, la PAIX, a fait son chemin. Le comité mondial des Religions pour la Paix existait déjà, il s'y est ajouté une dimension régionale européenne... Et puis d'autres aussi, je ne peux pas citer ici toutes les idées et actions, organisations, mais mes lecteurs connaissent déjà Ren' et Dialogue-Abraham (où l'on peut aussi retrouver Tiqun, Aâya, Ahouva et bien d'autres !), et ceux qui me suivent également sur Facebook ont pu entendre parler aussi de l'association Coexister...

Les "grandes" rencontres, les temps forts comme celui d'Assise en 1986 ou ceux organisés cette année pour le quart de siècle, sont autant d'occasions de mettre en valeur ce qui se vit à côté de chez soi. Parce que toutes les personnes que j'ai citées ci-dessus vivent d'abord l'interreligieux au quotidien. C'est du "vivre ensemble", mais tellement plus ! Parce que la paix se construit d'abord à sa porte, parce qu'une paix durable est bien plus que l'absence de guerre ! C'est une ouverture, c'est, je crois, avant toute chose refuser la peur de l'autre. Et passer outre la peur, ce n'est pas au niveau d'une religion, d'une nation que cela peut se faire... C'est chacun, dans son existence, qui peut faire un pas puis l'autre, jour après jour.

Puissions-nous, chacun dans nos prières, porter ce voeu, cette volonté, de pouvoir partager un jour la paix ! Shalom... Salam... Shanti !

Notes

[1] ce pape d'une génération... Mais c'est une autre histoire !

lundi 24 octobre 2011

A la croisée des chemins...

Un vendredi soir, un peu avant dix-neuf heures. Comme chaque fois que je le peux le vendredi, je me presse en direction de l'église de ma ville, car une messe est célébrée, suivie d'un temps d'adoration. Moment de silence, moment béni, moment de joie, d'écoute, d'introspection, de respiration, de paix retrouvée après l'agitation de la semaine.

Ce soir-là, je cours presque, car je vais être en retard, et je sais que l'horaire sera respecté. Sur une messe d'une demi-heure, quelques minutes peuvent me faire rater les lectures...

C'est au milieu d'une rue que je le croise. Lui aussi presse le pas, mais en sens inverse. Vendredi soir, djellaba blanche, je sais où il se rend : à la maison de prière, juste à côté du centre protestant. L'évidence me frappe, et je me dis que nous allons tous deux prier : deux endroits différents mais une même volonté de cheminer vers Dieu. Je résiste à le saluer et me contente de sourire.

Salam, mon frère. Que nos prières, à l'unisson, rejoignent Dieu...

(Et une pensée toute spéciale à Ren')

mercredi 06 juillet 2011

Dialogue interreligieux ou relativisme ?

Je crois que parfois, je frise l'indécence. Si, si. D'abord j'ai des discussions à propos de Dieu au boulot. Ah, vous voyez bien, que je pousse aux bornes des limites ! Ensuite, c'est en anglais. Ben oui, parce que pour faire communiquer des indiens et des français, il faut bien trouver une langue commune...

Mais le plus gros de tout ça, c'est que... Je vais plus loin dans la discussion à propos de Dieu, de la prière, du ressenti dans les lieux sacrés, avec ces collègues indiens, leur autre culture, leur vue différente sur la nôtre, notre communication en langue étrangère, qu'avec des amis bien français, pétris de préjugés, de mauvaises expériences, rejetant en bloc toute idée de spiritualité quelle qu'elle soit...

Alors, quelle(s) conclusion(s) en tirer ?

C'est d'abord un constat un peu désabusé. Oui, il faut faire un effort, ça peut faire peur... Il faut prendre le risque d'aimer véritablement son prochain. Oser se mettre à nu, accepter de laisser tomber un peu de ses apparences pour accueillir l'autre, ça chamboule, ça déstabilise, ça peut même faire mal parce qu'il peut y avoir des maladresses... Oui mais... Ca veut aussi dire qu'on est plus ouvert à toutes les perles qui peuvent briller, comme ça, d'un coup, sans crier gare !

C'est aussi le regret que des personnes, plus proches de moi, en termes de culture, de foi, de pratique religieuse, de langue, restent bloquées dans une peur terrible de l'autre, à tel point qu'il est impossible de tenter une idée d'acceptation. Un "c'est vraiment n'importe quoi", rageur, marmonné en pleine homélie, alors que le prêtre parlait de l'islam comme d'un possible autre chemin pour parvenir à Dieu, m'a bien fait comprendre que mes relations riches autant que renversantes avec mes amis indiens font encore figure d'exception. Ces personnes me taxeraient sans doute de relativisme, de faiblesse à vouloir explorer les chemins du divin entre croyants, fussent-ils de différentes sensibilités...

Finalement, il reste quelques regrets, mêlés à une grande joie... Un lien qui s'affirme, confirmant ce que j'avais pressenti il y a déjà une quinzaine d'années : les différentes religions ont énormément de similitudes, et les rapprochements peuvent parfois prendre des voies bien surprenantes...

lundi 07 février 2011

Un petit tour des religions

Le roi, le sage et le bouffon
Shafique Keshavjee

Voici un petit livre, présentant de manière romancée cinq des principales religions du monde : hindouisme, bouddhisme, judaïsme, islam, christianisme, auxquelles est ajouté l'athéisme comme contrepoint. Il n'est pas nouveau[1], mais toujours d'actualité... L'intrigue du livre pourrait être obsolète, mais sonne au contraire, aujourd'hui encore, terriblement juste.

Cet ouvrage se lit facilement, et permet à tous, y compris et surtout à ceux qui n'ont pas de temps à consacrer à la théologie des religions[2], d'accéder à une synthèse la plus juste possible de ces diverses façons de "penser Dieu", ou plus exactement de voir la relation entre Dieu et les hommes. L'auteur, qui était l'an dernier mon prof de théologie des religions, a une grande expérience du dialogue oecuménique et interreligieux, ayant de plus un parcours personnel très riche...

Notes

[1] première parution chez Seuil en 1998, édition poche en 2000

[2] mais que ça intéresse quand même !

lundi 26 juillet 2010

Seigneur, Adonaï, bénis-les...

Olivier est un bon ami. Nous nous sommes rencontrés, étudiants, et nous avons gardé le contact, toute notre bande de copains, même si la vie avance, les bébés font leur apparition, certains s'en vont, renforçant s'il était besoin les liens de ceux qui restent... Alsacien, il a reçu une éducation chrétienne, balloté entre catholicisme et protestantisme. Prudent, il ne s'enthousiasme pas facilement, prépare et organise tout, ne laisse rien au hasard. Il est lucide, minutieux, attentionné, sans illusions. En vacances, un jour, il est tombé amoureux sans s'en rendre compte. Il a hésité, nous a même demandé notre avis, toujours prudent ; et puis il a laissé parler son coeur.

Audrey est une jeune femme enjouée, sensible, avec ce côté enfantin qui a parfois le don d'exaspérer : on aimerait lui faire comprendre que nous ne sommes pas les élèves de sa classe de maternelle... Née dans une famille juive sépharade, elle met peu les pieds à la synagogue mais est attachée aux traditions. Elle aime la joie, les bandes de copains et les réunions de famille... et préparer des tas de desserts avec une profusion de rose(s) et de coeur(s). Elle a cru tomber amoureuse, plusieurs fois, et a fini par craquer "pour de vrai".

Audrey apporte à Olivier la touche de fantaisie qui lui manque, Olivier donne à Audrey la stabilité de quelqu'un qui garde les pieds sur terre. Ces deux-là sont heureux, ça se voit ; même s'ils ont eu du mal à se trouver, ils fonctionnent plutôt bien ensemble. Aujourd'hui, ils s'engagent, pour la vie... et ils m'ont demandé une bénédiction... Préparant leur mariage depuis plus d'un an, ils avaient cherché à avoir une cérémonie religieuse, un peu plus que la simple déclaration à la mairie. Ils désespéraient, et finalement ont trouvé une étudiante en théologie israélienne, qui a accepté de les bénir en hébreu.

Ce fut difficile à écrire... Autant l'oecuménisme je connais, je baigne dedans depuis l'enfance ; autant je fais mes premiers pas dans l'interreligieux. Je marche sur des oeufs, comment affirmer la foi chrétienne sans me mettre en porte-à-faux par rapport à la famille juive ? Finalement ça se fait : choisir un texte sur l'amour, parler de Dieu, garder un discours simple, bénir les futurs époux et leurs familles...

Joie d'Olivier et Audrey, qui m'ont adressé leurs remerciements à plusieurs reprises... Bonheur de les voir ensemble... Leur émotion était palpable, et leur désir d'une prière commune, enfin possible, laisse penser que l'Esprit était bien au rendez-vous !

lundi 19 juillet 2010

Quel Dieu ?

Sensations aigres-douces pour un week-end en campagne angevine... Joie d'un mariage, regret d'un engagement sans accompagnement religieux. Une union pour la vie, comptant sur la seule force morale des mariés, est-ce bien prudent ? Forme de courage de leur part sans doute, de ne pas céder aux générations antérieures et de ne pas faire célébrer une bénédiction qui leur aurait parue illusoire. Mais manque, vide pour l'entourage qui croit que Quelqu'un nous accompagne et ne peut nous laisser seuls, y compris dans ces engagements-là... Fête d'un couple qui s'engage, de deux familles qui apprendront à se connaître, d'une bande de gadz'arts trop heureux de voir leur pote "se caser". Fête en laissant Dieu à la porte ?

Après la fête et quelques heures de sommeil, pousser la porte d'une église de village. S'émerveiller du génie constructeur à la gloire de Dieu. Observer quelques minutes avant la messe, les têtes blanches mais aussi les enfants regroupés devant, attentifs ou joueurs, les musiciens s'accordant sur les derniers détails... Prier pour les jeunes mariés, pour qu'ils soient accompagnés, même s'ils n'en ont pas conscience... Se sentir libre dans cette maison de Dieu, ce choeur spacieux où l'Esprit peut prendre toute la place. Ouvrir son coeur, en admirant l'égard et la douceur du prêtre pour chacun, petit ou grand, concélébrant ou lecteur, habitué ou de passage, fidèle ou futur (petit) baptisé...

Retour à Paris où nous attend un autre mariage, la semaine prochaine... Et surprise ! On me demande d'y faire une bénédiction... Non officielle, elle ne sera pas prise en compte sur les registres, car le fiancé, un copain d'école, d'éducation chrétienne, va s'unir avec une demoiselle juive... C'est un honneur pour moi, une richesse de pouvoir ainsi me trouver au coeur de cette complexité culturelle ! Une responsabilité aussi : affirmer sa foi en Dieu dans le respect de l'autre, parler de l'universalité d'un message sans choquer le peuple élu...

mercredi 25 mars 2009

Péché de gourmandise ?

Un soir de cette semaine, on m'invite à un dîner un peu spécial : les communautés catholique et réformée reçoivent un "couple mixte", composé d'un rabbin (juif, d'un courant libéral) et d'une pasteure (réformée). Le dîner constituera une introduction à un week-end résolument oecuménique : des rencontres entre les communautés catholique et protestante sont prévues à tous les niveaux par le biais de la discussion avec ce couple aux caractéristiques peu courantes ! Ainsi, les confirmants se retrouveront samedi soir pour réfléchir au sens de leur engagement prochain ; quant aux adultes, ils ont rendez-vous dimanche après-midi pour discuter de cette situation particulière...

Lors de ce dîner, j'aurai la chance de rencontrer trois pasteurs, deux prêtres, un rabbin... Une vraie gourmandise pour moi, qui ai tellement soif de théologie et de conciliation ! Oserais-je dire que cela me fait penser à l'épisode biblique de Jésus au Temple à 12 ans (Luc 2, 41-47) ? Non que je me prenne pour Jésus, simplement que je me considère comme un enfant dans ma foi et mes connaissances théologiques, dogmatiques, canoniques, et que je vais me retrouver au coeur d'un aréopage de savants...