Un après-midi de semaine, dans le wagon d'un RER. Le temps fait sa grise mine à l'extérieur, et les voyageurs ne sont pas mécontents de trouver un peu de chaleur lorsque le train arrive.

Alors que le RER quitte la station, une voix s'élève : "Je n'ai pas d'enfant, ma femme m'a quitté pour mon meilleur ami, voilà vous savez tout !". Tiens... Cela ne sonne pas comme la quémande habituelle, décrivant toutes les détresses possibles, réelles ou imaginaires ! Il continue : "vous vous doutez bien que lorsque quelqu'un vous adresse la parole dans les transports, ça n'est pas pour vous demander l'heure ou vous la donner, ça se saurait... Eh non, je viens pour vous so-lli-ci-ter !". Voilà qui est plein de franchise, et dit avec humour... Puis, toujours dans l'honnêteté et les clins d'oeil : "ceux qui peuvent jouent de la musique ; la guitare c'est pas vraiment dans mes cordes, les miennes sont vocales et je sais m'en servir"...

S'ensuit un court discours sur "l'ancienne République et la nouvelle" et leurs devises "dans le temps, c'était Travail, Famille, Patrie : avoir un travail, construire une famille, défendre la patrie ; (...) aujourd'hui, Liberté, Egalité, Fraternité : la liberté n'est égale qu'à la longueur de la corde qui vous unit à votre famille, l'égalité, vous savez bien que ça n'existe pas... Ne reste que la fraternité...". Lorsqu'il termine, avec une telle gouaille qu'il emmènerait du monde à une élection, j'ai un sourire d'une oreille à l'autre. Qui aurait dit que cet homme illuminerait mon trajet ?

Lorsqu'il passe à mes côtés, dans un sourire je lui glisse "Joli discours !". Ce n'est qu'alors que je remarque son bras plâtré, son chapeau enfoncé sur un visage sans âge... Bonne chance, l'ami !