Payer la prière ?
Par Tigreek le mardi 07 décembre 2010, 00:20 - Oecuménisme au quotidien - Lien permanent
Dans ma paroisse, un groupe se forme pour aller aux JMJ, à Madrid l'été prochain. A la messe, ce dimanche, une annonce pour ledit groupe, qui, évidemment, recherche un financement pour ce voyage :
Voilà, on a pensé à deux idées : la première, c'est de vendre des bougies. Prenez-en pour la crèche, pour votre couronne de l'Avent, pour chaque personne pour laquelle vous priez...
La seconde, plus profonde spirituellement, c'est de parrainer un jeune, en donnant la somme que vous voulez. Même les plus petits dons sont importants !
Et pour que le parrainage se fasse dans les deux sens, chaque parrain pourra donner, nominativement ou anonymement, une intention de prière, qui sera emportée par le jeune parrainé.
Là, je dois avouer que le premier mot qui m'est venu à l'idée, c'est "indulgences". Et l'association des abus qui ont pu avoir lieu et ont mené (entre autres) à la Réforme. Fondamentalement, l'idée n'est pas mauvaise, non, d'associer les générations par la prière... Mais associer argent et prière, ça réveille des instincts, chez les protestants, ça hérisse le poil, ça allume les gyrophares dans la tête, ça déclenche tous les garde-fous !
Comment imaginer une prière sincère, une relation à Dieu sans arrière-pensée, lorsque l'intention qui anime le croyant est motivée par l'argent qui a permis le voyage ? Je veux bien croire aux miracles, mais de là à afficher une telle naïveté... Ceci étant, il semble que mon raisonnement est loin d'être généralisé, si j'en crois le regard choqué lorsque j'expose mon propos...
Edit du matin : la nuit portant conseil, j'ai pensé à un parrainage qui me paraîtrait plus "vrai"... Organiser une rencontre entre tous les parrains et le groupe de jeunes, pour faire connaissance, partager des expériences de vie, de foi, créer un vrai lien, un vrai soutien entre des frères et soeurs de générations différentes. Lors de cette rencontre, les parrains s'ils le souhaitent, déposent des intentions de prière, et chaque jeune pourrait en prendre une, ou plusieurs, ou pas du tout...
Et rebelotte au retour : une réunion et/ou célébration pour prier ensemble, exprimer / louer pour ce qui aura été vécu, et continuer dans les liens, envisager d'autres projets ensemble, voire un parrainage plus long ?
Commentaires
Ici aussi, on s'active. Et on retrouve ces deux mêmes propositions parmi la cinquantaine d'idées (un peu farfelues parfois !) sorties d'une 'tempête de cerveaux' faite au cours du week-end de lancement des JMJ...Et les parrainages se feront avec les fiches 'Croire' en support, histoire de rendre le lien argent/prière plus construit...mais il faudra rester vigilants...
@ Anne-Claire : je crois que la vigilance est de mise, oui. Un partage à tous les niveaux (financier, humain, culturel, spirituel), mais pas corrélés. Parce que j'ai déjà vu, aussi, des jeunes changer d'Eglise pour sortir d'une logique (mal comprise sans doute) qui ne leur correspondait pas...
Effectivement il y a je pense une grande part de maladresse, dans une bonne intention à trans"figurer", transformer (réformer!) . Et tout simplement séparer le soutien financier, clairement demandé, pourquoi pas. et le désir de prier les uns pour les autres et d'associer les générations à cet évènement.
C'est important d'être vigilant, surtout aujourd'hui, ça glisse!
Françoise
@ bergère : oui, ça glisse... C'est malin cette remarque, tiens
Étonnant et amusant : chez moi, lire une annonce comme celle-ci n'aurait fait dresser aucune antenne, déclenché aucune alarme ou autre voyant rouge... comme quoi, les évidences pour les uns ne le sont pas forcément pour les autres ! Intéressant !
Pour moi en effet, il est tellement évident qu'il n'y a aucune mesure entre le don d'argent et la prière que cette proposition ne saurait me choquer : vous nous aidez à réaliser un projet, projet dans lequel (et non pas à côté) nous nous engageons à prier pour vous et à vos intentions. Chose que l'on fait d'ailleurs tout le temps dans les abbayes, où l'Abbé, à l'issue de chaque repas appelle sur les bienfaiteurs de l'abbaye qui ont permis aux moines de partager ce repas, demandant rien moins pour eux que... la vie éternelle !
Il s'agit plus d'un échange de bons procédés que d'un échange contractuel : un don pour un don, sans se préoccuper de la différence de la valeur de chaque don. Ce qui importe, c'est le don de soi, de son temps, de ce que l'on a.
Je crois qu'il y a, sous cette évidence et sous la remarque "protestante" (terme à prendre avec tout plein de pincettes et de précautions déjà énoncées ailleurs et que Tigreek entendra de ma part !), une double réalité pleinement chrétienne : d'une part, que le spirituel et le matériel ne sauraient être séparés dans tout ce qui est humain, puisque l'homme est matériel et spirituel ; d'autre part, que l'argent et la prière ici ne sont pas l'essentiel, mais que l'essentiel est précisément le don et la communion "aux choses saintes" et la communion "des saints", incarnés très concrètement dans un projet et une intention particulière.
Ainsi, l'argent n'est ni bon ni mauvais, c'est un moyen nécessaire. Et l'échange n'est pas entre d'une part l'argent et d'autre part la prière, mais entre un don et un autre don, où chacun y met du sien. On sort du coup d'une logique contractuelle pour entrer dans une logique du don et de la communion.
Merci Tigreek pour ta remarque, tout à fait judicieuse : le risque est grand de revenir à nos petits calculs, voire à nos petits trafics, et quand on parle des "choses saintes", les petits calculs ne sont jamais loin des petits trafics. Qu'à Dieu plaise que nous nous rappelions toujours, dans ces échanges, le but : la communion des saints dans la vie éternelle, et que nous adaptions nos moyens et notre manière de les prendre à ce seul but.
On apprend toujours des réactions et des remarques des autres : un exemple de plus ! Merci
@ Vianney : Je t'attendais
Merci d'être (re)venu ! Et merci pour ta délicatesse.
"Il n'y a aucune mesure entre le don d'argent et la prière" : partant de ce même constat sur lequel les chrétiens sont en accord, les observations sont bien différentes...
Je n'ai plus qu'à répondre à la suggestion qu'on m'a faite : prendre un parrainage et déposer une intention pour le Padre qui a fait cette annonce et accompagnera le groupe de jeunes...
@ Tigreek : "partant de ce même constat sur lequel les chrétiens sont en accord, les observations sont bien différentes..."
) avec l'équipe des enseignants, et plein de questions de la part des institutrices, "bien cathos" pour la plupart, témoignant d'ignorances impressionnantes. C'est pareil pour le plus grand nombre, y compris pour beaucoup de nos bons pratiquants dominicaux !
Un mot-clé peut-être, ou deux ? Éducation et formation... Je reviens juste d'une première rencontre dans une école bien "catho" (encore un sujet de joie, tous ces enfants me tombant sur le râble dans la cour !
Aucun jugement sur les responsabilités, les personnes, tout ça, je ne sais rien de leurs vies et de leurs parcours, mais un simple constat : l'ignorance des "choses religieuses et spirituelles" est aujourd'hui, chez nous, hallucinante. Et l'enjeu est clair : éducation religieuse et spirituelle (même "laïque" : la culture religieuse fait partie de notre culture !), formation des éducateurs et des adultes... c'est urgent !
@ Vianney : j'ai pleinement conscience qu'il faut former les gens. Des exemples comme celui que tu donnes je peux en fournir un certain nombre, que ce soit celui de la collègue qui me parle "d'immaculée conception" de façon imagée à propos de l'absence de père, ou bien les clichés de ceux (y compris "bien cathos" comme tu dis) qui te demandent en parlant des protestants "mais ils protestent contre quoi ?"...
Dans les mots-clés tu as oublié "Histoire"... Un certain nombre d'écarts entre confessions, qui sont réputés insolubles, viennent de là... à commencer par le nom même de protestants ou réformés ! Ou la ferme conviction catholique que toutes les autres communautés écclésiales ont vocation à la rejoindre...
@ Tigreek : ... alors qu'on pourrait peut-être changer un seul pronom et enlever un adjectif : "toutes les communautés ecclésiales ont vocation à se rejoindre" ?...
Éducation et formation supposent histoire, mais c'est mieux en le disant, en effet !
Moi j'aime bien ton idée de rencontre/partage en parrains et jeunes...
Quand je pense que je ne suis jamais allée aux JMJ, un regret qui restera longtemps dans mon coeur je crois...
@Marie-Anne : il y a un moyen d'aller aux JMJ, même si tu n'es plus "dans la cible" : tu te trouves un groupe de jeunes et tu pars en les encadrant