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vendredi 17 juin 2011

Poser les ténèbres

La pose des ténèbres est, dans l'écriture d'une icône, l'étape qui m'est la plus difficile. Ce n'est pas physique, ni artistique, car techniquement il ne s'agit que de poser de grands aplats de couleur. Non, c'est symbolique, spirituel[1]... et peut-être un peu d'orgueil, aussi.

La technique ? Utiliser pour chaque partie des différents personnages de l'icône sa couleur de base (par exemple, le blanc pour la tunique de l'archange), et y ajouter systématiquement une pointe de noir. Ce qui donne des teintes foncées, avec lesquelles on va recouvrir toutes les zones de cette couleur, sans tenir compte du dessin. Et pour les chairs (mains, pieds, visages), prendre une couleur de terre. Il faut tout gommer, tous les traits, pour ne laisser qu'un très vague aperçu du ou des personnages[2].

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Ces ténèbres sont la symbolique de tous nos refus de Dieu, de tout ce qui dans notre vie nous empêche de le rejoindre, de vivre conformément à l'Evangile. Les ténèbres, c'est lorsqu'Adam et Eve sont chassés du jardin, lorsque les Hébreux ont cédé à la tentation du veau d'or dans le désert, lorsque Marie et Joseph sont refusés dans toutes les auberges, lorsque le paralytique ne peut pas arriver jusqu'à Jésus... Mais c'est aussi chaque fois que je vais m'énerver contre mon conjoint, mon voisin ou mon collègue qui fait trop de bruit, que je ne vais pas chercher la meilleure façon de résoudre un problème mais seulement la plus rapide, que je ne vais pas aller à la messe / au culte pour diverses raisons... Et encore quand les accidents de la vie vont me toucher : maladie, décès, chômage, handicap, ...

En pratique, c'est toujours dur, car on s'est appliqué à préparer l'esquisse, du mieux possible. Et les couleurs sombres viennent gâcher, effacer les traits. Tout devient informe et on ne reconnaît qu'à peine le dessin d'origine. Un peu comme si ce n'était pas nous, pas vraiment, à peine reconnaissables sous nos attitudes, qui ressemblent si peu aux enfants de Dieu que nous pouvons, que nous devons être !

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Prier à ce moment difficile, ce n'est pas prier pour une vie utopique, un monde de bisounours où tout irait toujours bien. Nous savons que ça n'existe pas, en tout cas pas sur Terre. Non, c'est prier pour que Dieu soit toujours présent avec chacun, et que le destinataire ne perde pas pied lors des inévitables épreuves qu'il rencontrera ou a rencontré. C'est prier pour savoir écouter dans ces moments là, être présent, accompagner la personne qui en a besoin ; parce qu'une simple présence peut faire beaucoup.

Notes

[1] oserais-je dire mystique ?

[2] Les décors et les fonds ne reçoivent généralement pas de ténèbres et sont représentés directement dans leur couleur définitive