Une liberté nouvelle
Par Tigreek le dimanche 17 mai 2015, 19:49 - Actualité - Lien permanent
Le synode de l’Église Protestante Unie de France (EPUdF)[1], a voté ce jour la possibilité pour les paroisses de bénir les unions de même sexe.
C'est quoi un synode ?
Le synode national, pour les protestants, c'est l'instance de décision de l'institution nationale, un des rouages du système presbytéro-synodal en vigueur dans l’Église depuis la Réforme. Il est constitué des membres élus des synodes régionaux, eux-mêmes membres élus des différentes paroisses. Les 105 délégués qui ont pris la décision ce jour, ont été élus par leurs pairs pour prendre les décisions afférant à l'ensemble des paroisses d'où ils viennent.
Souvent, les décisions qui sont prises ne font l'objet d'aucune surprise. Parfois elles sont très attendues et viennent naturellement, d'autres fois, fruits d'une longue réflexion, elles sont âprement débattues avant d'être prises. Ce fut le cas pendant ces quatre jours...
Pourquoi on en parle autant ?
La plupart des pratiquants "de base" sont réticents à cette bénédiction[2]. Il suffit de faire un tour dans les paroisses et de poser la question pour se faire très vite une idée. Est-ce parce que la réflexion de chacun n'est pas allée assez loin ? C'était le pari que l'EPUdF avait pris il y a deux ans, lors du débat sur la loi, appelée de manière impropre de "mariage pour tous". Alors l’Église avait pris la décision d'attendre avant de se prononcer sur la question, préférant lancer une étude sur l'idée de la bénédiction : que veut dire bénir ? Est-ce qu'on bénit des personnes, des couples, des projets, des actions, des objets ? Pourquoi ? Est-ce une reconnaissance, un engagement, une volonté, un signe divin ? Les débats, selon les paroisses, sont allés bon train, ont pris différentes formes : conférences, échanges, cultes, ciné-débats, partages œcuméniques et j'en passe... Oui, les paroissiens ont travaillé, échangé, évolué... Chacun a pu se faire une idée plus précise de ce qui était en jeu ou non.
Certains pasteurs sont également contre le fait de bénir des unions homosexuelles, et auraient aimé que le synode empêche toute possibilité de le faire. Est-ce pour ne pas avoir à dire non ? Pour reporter sur l'institution leur propre choix ? Ou pour imposer leur vision des choses, en oubliant que l’Église a toujours été diverse ? Ils ont été environ cent cinquante (pasteurs et conseillers presbytéraux) à signer un appel demandant au synode de reporter sa décision, comme l'a fait l'UEPAL en juin dernier, décidant qu'elle ne se prononcerait pas sur la question pour le moment et remettant à une date ultérieure (plus propice ?) cette épineuse question.
Et toi, tu en penses quoi ?
Ce qui a été donné aujourd'hui, c'est une liberté. Ce n'est pas une obligation. Aucun pasteur, aucune paroisse ne sera obligée de bénir un mariage homo. Celles et ceux qui souhaitent le faire, le pourront. En toute conscience. Exercer une liberté est toujours plus difficile que d'obéir à un ordre ou se soumettre à une interdiction... Et plus beau, aussi. Parce qu'on est responsable (et pas coupable) !
Le travail en paroisse a été fait pendant deux ans, accompagné, discuté. Aujourd'hui, c'est une possibilité nouvelle qui s'ouvre. Tous, dans notre entourage plus ou moins proche, nous avons des cas concrets à mettre en face de la théorie des mots. Un de mes oncles et un de mes cousins sont homos. C'est compliqué, déjà, à titre personnel. Un peu plus encore, en famille : selon les générations, différents types de préjugés s'appliquent. Souvent la loi du silence et le tabou valent mieux que des coups de poignards dans les mots à chaque rencontre... Alors, en société... En tant qu’Église, il me semble que nous nous devons d'abord d'accueillir les personnes, telles qu'elles sont, telles qu'elles se présentent à nous, et leur témoigner en premier lieu l'Amour que le Christ a mis en exergue !
Des couples durables, il n'y en a pas tant que ça. Qui franchissent le pas du mariage, encore moins. Et qui vont jusqu'à demander une reconnaissance par l’Église, n'en parlons pas ! Qu'il s'agisse de couples "traditionnels" ou de même sexe... Dans les mois, les années à venir, je souhaite et j'espère que le temps sera pris dans les paroisses pour chaque cas qui se présente, dans la paix et la joie donnée par le Seigneur...
Notes
[1] La plus importante Église protestante, par le nombre, en France ; Église sœur de l'UEPAL en Alsace-Moselle, séparée pour cause de régime concordataire.
[2] Je dis bien bénédiction et non mariage : pour les protestants, le mariage n'est pas un sacrement, c'est pour bien distinguer la bénédiction du sacrement que j'utilise un autre terme.
Commentaires
Bravo! Tout est dit et bien dit
Merci Max...
De mon côté, je ne sais pas vraiment si je suis "pour" ou "contre". Je reste perplexe devant les arguments d'un côté ou de l'autre, et j'ai la désagréable impression de retrouver les mêmes insultes et anathèmes qu'il y a deux ans. Je ne pensais pas relire autant de passion et de haine dans les commentaires (sur la page FB de l'EPUdF par exemple).
Oui, le sujet est sensible. Non, je ne comprends toujours pas pourquoi la volonté était de faire évoluer la loi sur le mariage, alors qu'une autre était disponible pour une plus grande souplesse. Pour moi, les personnes homosexuelles se trouvant dans des situations particulières, ont le droit d'avoir des réponses adaptées, et pas un "moule" qu'on déformerait pour les faire rentrer dedans.
La conformation sociale des familles change, et pas seulement avec des possibilités d'adoption pour les homos (ou pour les célibataires, à la base la "faille" était là !), mais aussi avec des familles recomposées, etc. En tant que chrétiens, même si on peut promouvoir un modèle "idéal" comme celui de la famille hétéro stable sur des dizaines d'années, peut-on ignorer toutes ces nouvelles compositions, et les personnes en situation de fragilité qui s'y trouvent ? Notre mission n'est-elle pas de protéger les plus faibles, quels qu'ils soient, quoi qu'il aient fait ? Jésus a-t-il rejeté la femme adultère ?
Merci Tigreek, de ton commentaire aussi. C'est difficile d'aimer comme il nous a aimés: même cette phrase est interprétée de façon différente... Souvent, je me rends compte combien la liberté qu'Il nous a laissée est le plus beau et le plus difficile des cadeaux.