mardi 31 mai 2011

Dessiner

Une fois le support préparé, la planche enduite de la couche blanche représentant l'origine divine de notre nature, il devient possible de tracer l'esquisse de la scène ou du personnage que l'on va créer.

Ce dessin va être tracé en rouge, couleur du sang. Pourquoi le sang ? Car il donne la vie, il est le fluide vital par excellence : n'importe quelle personne ayant donné son sang sait qu'il s'agit d'un produit irremplaçable, impossible à synthétiser artificiellement, même avec toutes les techniques médicales les plus pointues. Le bébé dans le ventre de sa mère est nourri et oxygéné par le sang maternel...

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D'ailleurs, le sang a une place particulière dans la symbolique juive, suivant les textes que l'on retrouve dans la Genèse et le Lévitique. Et c'est de façon très logique qu'on retrouve ce symbole très encadré dans la cacherout (כשרות), les règles régissant ce qui est pur ou non[1]. Le sang, signe de vie, ne doit pas être ingéré : aussi, tous les animaux destinés à l'alimentation doivent être saignés, de la façon la plus rapide et complète possible.

L'iconographie reprend le symbole, en ajoutant sur le squelette blanc, inerte, le dessin rouge, donnant la première impression de vie. Pour l'iconographe, c'est comme une esquisse pour un dessinateur : on voit le personnage prendre sa place dans la planche, on imagine les différents aplats de couleur, les mises en valeur qu'on pourra faire. C'est à ce moment que le futur personnage ou la scène prend réellement vie sous le crayon ou la poudre rouge. On le voit naître. Et je dirais que la prière personnelle peut alors réellement commencer. Suite à ma première icône, je me souviens avoir écrit à l'animatrice de la session, à propos de cette étape du dessin : "Là ça devenait sérieux. Jusqu'alors, je badigeonnais, avec mon gros pinceau, en blanc sur la planche. Mais là, j'entrais en prière."

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C'est beau, parce qu'à cet instant l'icône est comme un tout petit enfant : on a une idée de ce qu'on aimerait qu'elle devienne, mais on n'en voit que l'esquisse. Comme un enfant, elle va grandir, évoluer, passer différentes épreuves et embellissements... Cela donne un ton particulièrement juste à la prière, quand l'icône est destinée justement à un bébé ou un enfant[2]. J'aime, alors, confier à Dieu tous les espoirs que j'ai pour le destinataire. Ma relation avec cette personne, quelle qu'elle soit, va s'enrichir peu à peu de tout ce chemin spirituel, à mesure que l'icône se dévoile.

N.B. : toutes mes excuses pour la piètre qualité des photos, mais il est difficile de prendre clairement une esquisse, par essence peu accentuée...

Notes

[1] les plus connues sont celles concernant l'alimentation, mais il en existe d'autres

[2] Comme cadeau de baptême, par exemple... ;)

lundi 26 octobre 2009

Ceci est ton sang...

J'aimerais rebondir (avec un peu de retard, il est vrai) sur un billet paru chez les Sacristains, Le pas sûr et paisible, le visage clair et pur…. Dans ce billet, Dove se disait choqué de voir qu'en anti-héros du film Thirst, passant au côté obscur et même franchement psychopathe assoiffé de sang (c'est un film d'horreur), le réalisateur avait spécifiquement choisi un prêtre, et pas un homme consacré de n'importe quelle autre religion.

Or, si je n'avais entendu parler de Thirst que par ce billet, il est un autre film que je voudrais mentionner, car j'en vois les affiches partout depuis une dizaine de jours : Jennifer's Body. Certes, on n'y parle pas vraiment d'Eglise. Mais on y parle de soif, de sexe et de sang... Et alors ? Alors, sous certains aspects, je trouve ce film (ou plutôt son marketing) bien plus choquant que Thirst...

D'abord, l'affiche est banale, ou plutôt banalisée, dirais-je. Ce qui frappe, c'est la beauté (1) de l'héroïne, en gros plan. Et son regard direct, son sourire frondeur, provocant. Puis on remarque "Tiens, mais... au coin de sa bouche, là, c'est... du sang ?!". Il y en a aussi dans le coin, en bas à droite de l'affiche, avec un bras sanguinolent. Deux éléments qui permettent de déduire l'élément principal du film : l'héroïne est une sorte de remake féminin du Dr Dracula, qui vit en plein jour et se révèle aussi terriblement séduisante que dangeureuse. Ok, c'est du fantastique, mais on voit bien que l'action se passe dans un milieu tout à fait réaliste, dans la société actuelle, et pas suite à une expérience abracadabrantesque. Le sang, la vengeance, la mort par assassinat sont banalisés. Dans le métro, les voyageurs passent devant l'affiche sans y faire plus attention que si c'était la pub pour les dernières soldes sur la literie... (2)

Ensuite, le titre du film : "Jennifer's Body", que l'on n'a même pas pris la peine de traduire en français. Peut-être qu'en français, les gens se seraient rendus compte que c'est un peu dérangeant : "(Pour) le corps de Jennifer", un peu matérialiste... Ca me fait penser aux slogans soit-disant féministes "c'est mon corps, je fais ce que je veux", comme prétexte pour faire tout et surtout n'importe quoi... Ce titre provocateur (3) joue sur la fibre rebelle des ados : "allez-y, faites ce que vous voulez, lâchez-vous, c'est permis !"... Je pense que ces derniers ont suffisamment d'incitations pour ne pas en rajouter. C'est quand même un comble : sous prétexte d'humour, d'ouverture d'esprit, progrès de la société (!), on montre n'importe quoi ; puis lorsque des enfants ou ados "s'amusent" à reproduire ce qu'ils voient dans les films, en prenant les scénarii au pied de la lettre, on crie haro sur le baudet, on reproche aux parents un manque d'éducation pour leurs enfants, on s'indigne sur la cruauté dont "ceux qui étaient des élèves sans problèmes" font montre...

Comme Thirst, Jennifer's Body est interdit aux moins de 12 ans en France. Alors, pourquoi une telle différence de pub' ? L'humour permet-il de rendre plus acceptable des "conduites à risques", comme le dit l'expression politiquement correcte ?

(1) Photoshopée ou maquillée ? Cétait pour la touche 'geek' du billet...
(2) Idem avec la pub pour le jeu vidéo "Dragon rising : la guerre comme si vous y étiez", qui ne choque pas davantage, mais là n'est pas le sujet...
(3) Je ne suis pas contre la provocation, j'en fais moi-même, à l'occasion...