Un déjeuner de famille est, chez moi, parfois l'occasion de débats plus ou moins houleux sur l'oecuménisme... Quatre générations de cohabitation catholico-protestante génèrent autant de heurts que de réconciliations, d'épisodes choquants ou déstabilisants que de bonnes surprises, d'incompréhension que d'explications... Dans les différents couples mixtes, et chez les enfants devenus "mélanges" (ma génération), une hypersensibilité s'est développée, nous sommes des écorchés vifs, réagissons au quart de tour sur toutes les questions épineuses, la plus symptomatique et symbolique étant (l'aurez-vous deviné, lecteurs de ce blogs ?) l'intercommunion. Qu'on l'appelle ainsi, qu'on lui préfère le nom d'accueil eucharistique, accueil à la Cène, la controverse est toujours la même et l'impression d'injustice et d'intolérance toujours dans le même sens...

Chacun y va de son anecdote[1], généralement des refus d'accueil eucharistique, ou de mariage oecuménique. Extraits :

Lors de la préparation à la première communion de sa fille, ma tante (protestante) va demander au prêtre de la paroisse si elle pourra communier, de façon exceptionnelle. Réponse du prêtre : "Ah ? Vous vous sentez donc davantage catholique que protestante ?". Interloquée, ma tante n'a pas poussé plus loin la tentative de dialogue.

Un couple mixte souhaite préparer et célébrer son mariage de manière oecuménique. Lors de la rencontre avec le prêtre, celui-ci leur dit "Il n'existe pas de mariage oecuménique. Soit vous faites un mariage catholique et le pasteur n'a pas son mot à dire, soit vous vous mariez au temple et j'y assisterai en civil[2]." Le couple, choqué par cette réaction, a laissé tomber l'idée d'un mariage oecuménique et s'est marié au temple.

Pour le baptême de Nathalie, le refus d'accueil eucharistique nous a été signifié, après maints rebonds, par le prêtre qui allait présider la cérémonie, en ces termes : "Je ne peux pas désobéir à mon évêque." Si la déception était au rendez-vous, c'était autant celle du refus du dialogue que celle de la réponse négative.

Les exemples pourraient être multipliés. L'Eglise catholique y apparaît toujours comme le "méchant" intolérant qui ferme systématiquement ses portes. En tant que "mélange", je souffre autant de voir les refus de l'Eglise catholique[3] que de la voir stigmatisée. Moi aussi, j'ai les nerfs à fleur de peau. Mais je voudrais tellement que tout le monde soit capable de passer par dessus ces réactions épidermiques ! Mon prof de théologie oecuménique ne s'y est pas trompé : lors de notre entretien pour valider le module, il a évoqué cette volonté de "passer par dessus". Non pas effacer, niveler, mais aller plus loin.

La théologie permet de percevoir différemment les points de divergence ; le cours de théologie oecuménique, en particulier[4], donne des bases pour comprendre chaque partie et construire quelque chose de plus fort que toutes nos oppositions, batailles, rancoeurs... Le chemin est probablement long, les explications nécessaires, les assouplissements difficiles. Mais je veux y croire.

Notes

[1] y compris mon grand-père, qui nous raconte (rien à voir avec la communion, mais c'est tellement... pittoresque, voire anachronique !) qu'une catholique venue un jour assister au culte, demanda ensuite au pasteur de se déchausser... pour voir s'il n'avait pas des pieds de bouc !

[2] NDLR : sous-entendu, "même pas en clergyman", alors qu'il le porte habituellement

[3] même si j'en comprends la logique

[4] proposé justement cette année, hasard ou... ? ;)