Vendredi matin. Le ciel est clair, blanc, laiteux, presque aveuglant, en ce petit matin de fin d'hiver. La boule de feu qui l'éclaire, flamboyante, d'un vif ton jaune-orangé, semble isolée, toute petite dans ce ciel immense et froid. Sa couleur n'irradie pas l'horizon comme elle le fait en d'autres occasions. Sa chaleur n'atteint pas plus les froides tours où courent les citadins emmitouflés, se rendant au bureau.

La prière m'accompagne, comme chaque matin. Mais elle aussi présente un aspect inhabituel, sèche, vide. Bien sûr, j'étais au courant que cela pourrait m'arriver. J'avais déjà reçu l'avertissement, je l'avais déjà lu chez d'autres, mais je ne l'avais jamais réellement éprouvé. Le temps où les mots répétés ne paraissent plus un élancement vers Dieu mais ne sont plus que des mots, où plonger dans la prière équivaut à se jeter dans un vide insondable, où la présence de l'Esprit devient froide solitude...

Cela fait plusieurs semaines que cela dure maintenant. Et pourtant... Si l'aridité est là, les signes sont toujours présents, me confirmant une présente agissante malgré le peu de ressenti que j'en ai. L'examen passé avec succès, cette soif de continuer la théo, l'acceptation de mes jours de congé pour le colloque, le bouleversement d'une bénédiction, toutes les "coïncidences" du quotidien... et une présence manifestée autrement, une amie pleinement habitée, qui me touche, me hisse, me maintient, m'encourage, me confirme la solidité du lien que nous avons tissé.

C'est étrange. Mon cœur est vide, et je garde une certitude : il faut persévérer. Prier, travailler, encore, parce qu'à présent je sais que Dieu est là, je ne l'ai pas imaginé. J'en ai l'intime conviction, inébranlable. Et je veux rendre grâce[1]. Malgré cet abîme.

Notes

[1] eucharisteuô...