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lundi 17 mai 2010

Unité... et solidarité

In necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas.
(Dans les choses nécessaires, unité ; dans le doute, liberté ; en tout, charité.)

C'est sur cette maxime, attribuée à divers auteurs (Saint Augustin, Vincent de Lérins, Peter Meiderlin, Richard Baxter...), que le prêtre a construit hier matin son homélie. Un discours sur l'unité que, je dois bien l'avouer, j'ai trouvé sujet à questions et interprétations. Si je suppose que je me trouvais en public catholique, le prêtre parlait probablement de l'unité de l'Eglise catholique... mais ses propos pouvaient laisser à penser qu'il parlait de l'ensemble des chrétiens ! Et dans toute son homélie, jamais il n'a clairement dit s'il parlait d'unité catholique ou d'unité chrétienne... Un peu comme si dans son esprit, c'était la même chose...

Ce qui m'amène à poser deux questions :

  • Malgré toute la bonne volonté que l'on peut mettre par ailleurs (pour prier ensemble, œuvrer ensemble dans la solidarité ou la lutte contre la torture par exemple), comment faire l'unité si chacun considère que les autres sont inférieurs à lui et doivent adhérer à son parti ? L'unité, pour les catholiques, signifie-t-elle ramener tous les chrétiens dans le giron de Rome ? Pour les orthodoxes, faire adhérer toute la chrétienté au rite oriental ? Dès lors, comment répondre au vœu de Jésus exprimé en Jean 17, 21, "qu'ils soient un comme nous sommes un" ?
  • Qu'est ce qui prévaut pour distinguer le nécessaire du reste ? Le prêtre parlait hier du nécessaire en citant le credo. Je l'ai apprécié, car c'est effectivement un élément commun à tous les chrétiens (si ce n'est que le terme "catholique" du symbole des Apôtres ou de Nicée-Constantinople est à prendre dans son sens grec !). Le credo est la base de notre foi que nous partageons tous. Mais ensuite, comment décider de ce qui est nécessaire ou non ? Les sacrements ? Le culte des saints ? Le(s) ministère(s) ? La façon de commémorer la Sainte Cène ? La liturgie ? Qui doit décider, sur quels critères ?

Puis, au temple, le culte avait pour thème l'entraide. Entre paroissiens, envers les autres, chrétiens ou non. Chercher l'aide de l'Esprit Saint pour mieux se mettre au service : des autres, de son prochain, du plus petit. S'il y a quelque chose qu'on sait faire en commun, nous les chrétiens, c'est bien cela : aider son prochain, se mettre au service des autres, parfois au détriment de son propre équilibre.

Alors, l'unité, si on la commençait par là ? Échanger un sourire, apprendre à se connaître, aller à la rencontre de l'autre, partager sa détresse et peut-être s'aider mutuellement à se relever...

mercredi 25 novembre 2009

Un procès, le Christ Roi, la vérité, une prédication...

Ce dimanche à l'Eglise réformée, était la fin du synode régional sur l'entraide et la diaconie. Les pasteurs étant absents, ont proposé au groupe de Jeunes Adultes de la paroisse, dont je fais partie, d'animer le culte dominical...

Nous avions préparé l'animation, en choisissant les textes (nous nous sommes conformés aux textes du jour, correspondant à la fête catholique du christ Roi), confrontant nos idées, organisant les différents moments liturgiques... C'est un exercice intéressant qui n'a pas d'égal dans les autres activités d'une paroisse !

Et c'est à moi qu'est revenu l'honneur, la responsabilité, d'écrire la prédication. Ma première ! Et sur un texte pas franchement facile, puisqu'il s'agit de la comparution de Jésus devant Pilate (Jean 18, 28-38). En ayant en tête le Christ Roi - oui mais roi de quoi ? D'un Royaume qui n'est pas de ce monde... - j'ai orienté mon discours sur le procès qu'a vécu Jésus, et la vérité dont il parle.

Une fois en chaire, le trac passé, je me laisse prendre dans mon argumentaire. Je l'ai préparé, écrit, je le connais, il est suffisamment structuré pour que je ne m'y perde pas, et j'espère, mon auditoire non plus... C'est très étrange, je trouve, cette façon dont les visages évoluent au fil de mes phrases... Ce que j'ai écrit, ce que je dis est-il choquant ? Trop court, trop long, pas assez explicite ? C'est dangereux, une prédication. Pour convaincre, il faut y mettre une partie de soi, s'impliquer, prendre des risques...

Le culte se termine, et il est d'usage de se rencontrer, discuter, échanger à la fin de la cérémonie. Saluer les paroissiens comme le ferait le pasteur, recueillir les impressions, les questions... Notre petit groupe est vite submergé sous les compliments... Nous n'en attendions pas tant ! On termine en faisant connaissance d'un jeune couple auquel on donne rendez-vous pour notre prochaine rencontre.

Ce culte fut un temps appréciable. Temps de partage, de questions, de joie, de prière pour "refaire le plein" avant une semaine qui s'annonce chargée. Je recommencerai, sans doute...


Jean 18, 28-38 - Nous sommes tous des Ponce Pilate

Après la lecture de ce texte, j’ai envie de dire « Nous sommes tous des Ponce Pilate ».

Ne pas choisir la facilité

D’abord parce que c’est un peu facile de se placer dans un rôle de « gentil » aujourd’hui, alors qu’on connaît l’ensemble de la situation, deux mille ans après. On sait ce qui se passera après, et on pourrait « choisir son camp » ? Je le redis : c’est un peu trop facile !

Trop facile de considérer que « les autres » sont les méchants, et que nous aurions toujours le beau rôle. Dans la description d’un incident, d’un fait divers, à la télé, dans le journal, par les collègues, les amis, c’est très rapide de se positionner « du bon côté ». Quand on entend parler d’un accident, d’un viol, d’un enlèvement, les réactions sont vives, souvent disproportionnées « Mais que fait la police ? », « C’est inadmissible, un récidiviste, il n’aurait pas dû sortir de prison ! ».

Quand un père est soupçonné de pédophilie, il est très facile de hurler au scandale... avant de découvrir que ces soupçons existent parce qu’il a eu la naïveté de prendre une photo de ses enfants dans leur bain ! Dans un accident de la route, c’est facile de pointer un doigt accusateur sur celui qui a fauché un piéton... en oubliant que tous ceux qui ont le permis pourraient se trouver à la place de ce conducteur, cette conductrice ! Succomber à cette facilité de l’accusation, oublier que nous pouvons nous aussi être fautifs, n’est-ce pas éviter de se poser les bonnes questions ?

Pour revenir au texte, si on avait le choix, maintenant, où se placerait-on, dans cette scène ?

Je pense que personne n’aimerait se trouver à la place des chefs juifs, qui ont amené Jésus chez Pilate. Ceux-là ont vraiment, parmi les chrétiens, une mauvaise réputation. Mais si on y regarde de plus près, leur position était-elle enviable ? Jésus, ses prédications, ses actes, le nombre grandissant de ses disciples, était un véritable scandale dans la société juive ! Non content d’agir en prophète, il remettait en cause la loi de Moïse, la Torah, pilier de la foi juive. Ils se devaient de faire quelque chose, et cela impliquait la disparition de Jésus, qui était devenu trop populaire.

Pourrions-nous, alors, figurer parmi les disciples de Jésus ? Mais ceux-ci ne font pas partie de la scène, ils n’ont pas pu entrer dans le palais du gouverneur. Et même ceux qui l’ont pu, comme Pierre, ont fait profil bas. Les disciples, ici, sont absents. Le serons-nous ?

Jésus a le beau rôle, si l’on peut dire, dans ce passage, puisque c’est lui qui maîtrise le dialogue. Ce n’est pas le prisonnier que l’on croit, même s’il est lié : l’échange se déroule sur le plan des idées, de la politique, de la foi. Il garde son calme, il connaît le déroulement, il sait qu’il mourra mais ne craint pas (plus) cette issue fatale, il l’a acceptée. Apprécierions-nous cette place ? Oserions-nous répondre ainsi à nos détracteurs, en sachant que cela implique notre mort, alors que les accusations portées contre nous sont infondées ?

Reste Pilate. C’est la place la plus humaine finalement. La plus neutre, celle qui semble la plus confortable, a priori hors du conflit religieux qui oppose Jésus à la hiérarchie juive ; mais aussi la place piège, celle du juge qui décide de la peine du condamné, qui dispose de la vie des autres entre ses mains... qui sera jugé à son tour par les différentes parties en présence. Il a la capacité de poser les questions. Nous aussi. A nous de poser les bonnes !

La vérité ?

Ensuite, parce que comme Pilate, nous sommes confrontés à la vérité, parfois dérangeante, scandaleuse... Mais quelle vérité ? Qui la détient ? Existe-t-elle en plusieurs versions ?

Lorsqu’on lui amène Jésus, Pilate demande aux grands-prêtres quel est le motif de la condamnation. Ceux-ci, nous dit l’Evangile, restent vagues, mais précisent néanmoins que les raisons de l’arrestation de Jésus sont pour eux suffisamment graves pour demander la peine de mort. Alors Pilate interroge Jésus lui-même. Peut-être a-t-il entendu parler de cet homme qui fait scandale, qui refuse d’appliquer la loi de lapidation d’une femme adultère par exemple ? Peut-être est-ce la curiosité qui le pousse à interroger Jésus... Le texte ne le dit pas. Et nous, sommes-nous curieux de poser des questions à Jésus, à Dieu ? C’est le thème repris sur une des affiches du parcours alpha : quelle question poserions-nous à Dieu si nous l’avions en face de nous ?

Ainsi, Pilate interroge Jésus. Et là, surprise : Jésus répond « à côté de la plaque ». A une question fermée (autrement dit, qui appelle une réponse par oui ou non), il répond par une autre question. C’est une coutume classique dans l’enseignement juif, mais pas dans l’empire romain. Pilate se trouve alors déstabilisé. Il pensait obtenir la vérité en interrogeant directement l’homme qu’on lui a remis, il n’obtient qu’une remise en cause. Il pose une question politique (« Es-tu le roi des Juifs ? »), il reçoit en guise de réponse une question sur sa foi (« Est-ce ce que tu crois ou ce qu’on t’a dit ? »). Ne sommes-nous pas dans ce cas également, lorsque nous sommes révoltés parce qu’un proche est malade, parce qu’on a eu une mauvaise journée ? Si l’on entre en prière en étant révoltés, tristes, désemparés, il y a des chances que Dieu nous réponde sous forme d’un doute : qu’est ce que je crois ? Qu’est ce qui est la vérité pour moi ?

Du coup, chacun a les mêmes bases, les mêmes textes. Mais comme chacun a un vécu différent, un caractère différent, la foi, la vérité ne sera pas la même pour tout le monde. Jésus n’a pas dit « je détiens la vérité » mais « je suis la vérité » (Jean 14, 6), et dans ce texte « je rends témoignage à la vérité » (Jean 18, 37). Jésus a été envoyé dans le monde par amour pour nous, pour nous montrer la vérité. L’essentiel n’est pas de savoir qui la détient, mais de la vivre, d’en faire le témoignage.

Pour conclure, n’oublions pas que nous pouvons être comme Pilate, que nous avons le pouvoir de poser les questions, mais aussi de trouver par nous-mêmes les réponses, et de les partager, de les vivre, de faire le témoignage de notre foi par notre vie de chrétien !